Agriculteur, il plante des arbres pour préserver la richesse de son écosystème
Publié le 12 Décembre 2022
Bertrand Honoré, agriculteur dans la Sarthe, pratique l’agroforesterie sur son exploitation depuis plus de vingt-cinq ans.
paru sur le site du journal l'Alsace le 6/12/2022
transmis par Bernard. Merci Bernard
« Autour d’un arbre, il se passe plein de choses. Ils abritent la vie du sol jusqu’aux cimes », sourit Bertrand Honoré, 58 ans, agriculteur bio dans la Sarthe, en désignant de son bâton de bois les haies qui s’étendent à perte de vue sur son exploitation. Depuis plus de vingt-cinq ans, il plante des arbres sur les 130 hectares de la ferme familiale, où il élève des vaches et cultive des céréales.
Petit-fils et fils d’agriculteur, il a décidé d’aller à l’inverse du mouvement de ses parents. À l’époque, dans les années 1960, le remembrement visait à regrouper les parcelles, pour produire le plus possible, tout le temps, dans de vastes champs. Lui a décidé de recloisonner, avec des arbres.
Tout commence à la fin des années 1990. Bertrand Honoré plante une haie de 3 kilomètres. L’éleveur est d’abord motivé par le bien-être de ses bêtes : « les arbres, ça protège de la pluie et du vent. Et l’été, ça donne de l’ombre. » Le bienfait pour les cultures est aussi une motivation : « pour les plantations, cela évite l’érosion. Les arbres maintiennent aussi les matières organiques, l’eau dans le sol. »
Pinson, mésange, moineau
L’agriculteur a ensuite planté des arbres fruitiers, pour la consommation familiale, celle des vaches, et pour « attirer les oiseaux et les insectes ». Ils ont répondu à l’appel. « On a des mésanges, des pinsons, des moineaux, des faucons crécerelles, des éperviers, des hulottes et des chevêches », énumère Bertrand Honoré, en évitant de justesse une poule d’eau qui sort précipitamment d’un bosquet. Les arbres ont aussi fait venir « des renards, des blaireaux, des fouines, des buses ». Et le lierre sauvage qui grimpe sur les merisiers où chantent des oiseaux accueille des pollinisateurs, abeilles et bourdons.
Bertrand Honoré montre la dernière étape de son projet : des arbres, plantés, alignés, au sein même des parcelles cultivées. Avec le même fil rouge depuis des années : vivre de son métier tout en préservant le paysage et la vie autour. Une ligne d’arbres est plantée tous les 25 mètres, sur une parcelle de 6 hectares. Et, au pied de ces arbres, une bande d’herbe d’un mètre pousse pour accueillir une faune variée.
L’éleveur a fait appel à la Chambre d’agriculture, qui mène un projet en partenariat avec le Fonds mondial pour la nature (WWF). La chambre lui a conseillé des essences adaptées à son sol. Les chênes encore jeunes sont protégés des chevreuils par un léger grillage. La bande sur laquelle s’alignent chênes, poiriers, cormiers, merisiers et noyers, a déjà commencé à former une terrasse qui stabilise le sol, et limite l’érosion.
Grenouilles et libellules
Dans la Sarthe, chaque année, une centaine d’agriculteurs font appel à la Chambre d’agriculture pour les accompagner dans un projet de plantation d’arbres. « Les motivations principales sont la création d’un microclimat, le souhait d’apporter de l’ombre, de faire brise-vent, ou encore une notion de paysage.
La biodiversité n’est pas la première raison. Mais ensuite, les agriculteurs voient les oiseaux et les insectes revenir grâce aux arbres. La vie appelle la vie. Quand ils voient leur écosystème évoluer, ils observent les effets bénéfiques sur la biodiversité », explique Claire Lemarié, chargée de mission agroforesterie à la chambre d’agriculture de la Sarthe.
Elle observe qu’une fois cette démarche engagée, elle se poursuit. « Souvent, ensuite, les agriculteurs, créent une mare. Ils s’aperçoivent que les oiseaux s’en vont l’été car ils ont soif et du coup veulent les garder toute l’année ». C’est ce qu’a fait Bertrand Honoré. Il vient de creuser trois mares, avec l’aide du conseil départemental. De formes différentes, elles ont aussi des niveaux d’eau divers pour pouvoir permettre d’abriter des espèces variées. Dans un sourire, Bertrand Honoré confie son but : « voir la végétation naturelle recoloniser les lieux pour y revoir des grenouilles, des salamandres et des libellules ».