Enquête mycologique, épisode 77, Amanite de Maire. Amanita argentea
Publié le 11 Février 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent. Et c’est un gang redoutable qui attend l’enquêteur.
Scène du crime
Nous sommes le 16 octobre 2022, dans la forêt de Siltzheim, sous chênes, sur terrain argileux.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, sans débris agglomérés à la base du pied. Il s’agit vraisemblablement d’un champignon mycorhizien.
Profil du suspect
Le profil est classique, chapeau et pied. Les lames sont blanches et libres. L’observation qui doit sauter aux yeux, à condition de bien conserver la base du pied, est la présence d’une volve en sac, bien ample. Le réflexe est alors de penser soit au genre Volvariella, soit au genre Amanita. Pour les distinguer de façon certaine, il suffit de faire une sporée. Rose chez Volvariella, blanche chez Amanita. Les lames sont bien blanches, sans reflets roses, ce qui suggère fortement une sporée blanche.
Un point ici à retenir, et le débutant pourra se contenter de ce point, une amanite (sporée blanche, lames libres, volve en sac), sans anneau, et avec le chapeau strié, c’est le groupe des amanites vaginées, dit aussi amanite sans anneau. Avec cette couleur gris argent, on se situe dans les espèces argentées. Et là, les choses se compliquent.
Plusieurs observations sont à réaliser :
- le lieu de pousse : sous feuillus ici, des chênes
Sporée :
Elle est blanche, ce qui confirme bien une amanite.
La prochaine étape est de faire appel à la police scientifique.
Examen par la police scientifique.
Les spores sont elliptiques.
Spores. Microscopie x1000 Amanite de Maire. Amanita argentea Huijsman - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Le revêtement de la volve est de structure filamenteuse avec quelques sphérocystes (des grosses cellules rondes).
Volve. Microscopie x1000 Amanite de Maire. Amanita argentea Huijsman - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Le revêtement piléique (du chapeau) est constitué d’hyphes parallèles, sans hypoderme (couche spécifique sous les hyphes parallèles)
Revêtement piléique. Microscopie x1000. Amanite de Maire. Amanita argentea Huijsman - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Le sous-hyménium (couche de petites cellules sous les basides) est renflé-rameux
Sous-hyménium. Microscopie x1000 Amanite de Maire. Amanita argentea Huijsman - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Il convient ensuite d’étudier la trame des lames. C’est la structuration tissulaire de l’ensemble des cellules situées sous les basides, incluant le sous-hyménium. Cette trame est constituée, au centre de la lame, d’un médiostrate, qui peut se prolonger par des cellules spécialisées situées dans la couche appelée hyménopode.
Pour simplifier, si on va du centre de la lame vers l’extérieur, on a le médiostrate, l’hyménopode, le sous-hyménium et enfin l’hyménium constitué de basides.
Ici le médiostrate est large, avec l’hyménopode constitué d’acrophysalides divergentes et renflées.
Trame des lames. Microscopie x1000. Amanite de Maire. Amanita argentea Huijsman - Photo Gilles Weiskircher (Anab)
On peut proposer ici comme identification l’amanite de Maire, Amanita argentea Huijsman (1959)
Statut selon l’INPN : LC (Préoccupation mineure) sur la liste rouge des champignons supérieurs de Franche-Comté. Espèce déterminante de l’inventaire ZNIEFF.
Comestibilité : Non comestible
La conclusion de l’enquêteur
Vous l’aurez compris, ce groupe des amanites vaginées, donc sans anneau et au chapeau strié, de couleur argentée, est très complexe. Mais que retenir ?
Les lames libres, la volve et la sporée blanche orientent vers une amanite. L’absence d’anneau et la volve membraneuse orientent vers les amanites sans anneau, les vaginées.
L’amanite de Maire pousse sous feuillus, dans des forêts lumineuses. Elle est plutôt thermophile.
Pour aller plus loin.
La section des amanites vaginées est traitée dans le Bulletin de la société mycologique de France, Tome 133, fascicules 1 et 2, page 67 à 141. 2017 (Une révision des amanites vaginées (Amanita sect. Vaginatae) en Europe. 1ère partie : quelques amanites argentées. Jean-Michel HANSS et Pierre-Arthur MOREAU)
L’identification de cette amanite vaginée s’est basée sur cet article.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)