Halicte de la scabieuse, Halictus scabiosae
Publié le 26 Février 2023
Sur des centaurées, Halicte de la scabieuse, Halictus scabiosae-Notez les antennes en crochets d'un mâle photos 2 et 3
Comme ses consœurs, elle a déjà disparu de nombreux espaces de leur aire initiale de répartition. Pourtant elle est indispensable au bon fonctionnement des écosystèmes.
Roland
Origine du nom : vient du latin « halictus » , « qui se rassemble » peut être en raison de son caractère social dans certains cas, et du latin « scabiosae», scabieuse, une des fleurs préférées de cet insecte.
Nom Allemand: Gelbbindige Furchenbiene
Nom anglais : great banded furrow-bee
Classification : l’Halicte de la scabieuse fait partie de l’Ordre des Hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis…) : insectes à 2 paires d’ailes membraneuses , aux mandibules de type broyeur et autres pièces buccales de type lécheur - suceur. Les Hyménoptères regrouperaient environ 100.000 à 120.000 espèces à l’échelle mondiale rivalisant avec les coléoptères ( scarabées, coccinelles .. ) 300.000 à 400.000 espèces, les lépidoptères ( papillons ) 110.000 à 120.000 espèces et les diptères ( mouches, moustiques ..) 90.000 à 150.000 espèces .
Ils représentent probablement l’ordre d’insectes qui a le rôle écologique le plus important et le plus diversifié. Ils jouent un rôle indispensable en tant que phytophages, régulateurs de populations d’arthropodes, prédateurs et pollinisateurs.
Ce sont des insectes à métamorphose complète comme les coléoptères et les papillons. Ils ont par conséquence des stades larvaires et un stade nymphal morphologiquement et biologiquement différents du stade adulte.
Les adultes ( imago ) se distinguent donc par leurs pièces buccales broyeuses- lécheuses et dans une grande majorité d’espèces, par 2 paires d’ailes membraneuses, dépourvues d’écailles et de dense pilosité.
A remarquer le cas des fourmis également classées parmi les Hyménoptères. Dans cet ensemble, toutes les fourmis ailées sont des reines et des mâles qui s’accouplent la plupart du temps hors de la fourmilière. Une fois fécondée et à l’abri, la reine arrache ou coupe ses ailes devenues gênantes.
Parmi les pièces buccales des abeilles, les mandibules n’ont qu’une importance secondaire pour l’alimentation mais sont utilisées pour le ramassage du pollen, le nettoyage des pattes, le malaxage de la cire, la confection du nid. D’autres pièces buccales ( le labium et les maxilles ) forment un tube lécheur- suceur permettant l’alimentation mais de type liquide uniquement.
Du point de vue génétique, l’ hyménoptère femelle pond 2 types d’œufs : des œufs à 2n chromosomes issus de la fécondation de l’ovule par un spermatozoïde, qui donneront des femelles et des œufs à n chromosomes issus d’ovules non fécondés qui donneront des mâles.
C’est la femelle qui choisit si l’ovule sera fécondé ou non. C'est en déclenchant l'ouverture du couvercle de la spermathèque qu'elle permet l'arrivée de spermatozoïdes pour féconder l’œuf. Si elle ne déclenche pas l'ouverture, l' œuf non fécondé deviendra un mâle.
Famille : l’Halicte de la scabieuse fait partie de la famille des Halictidae. Ce sont des abeilles à langue courte ( 3 à 4 mm), très communes. Il est difficile de se fier à leur biologie tant elle est diverse : solitaire , vivant en groupe ou même cleptoparasite ( abeille coucou ). L’aspect de l’abdomen peut être sombre, métallique ou strié. Les femelles possèdent sur le tibia des pattes postérieures (tibia 3) une brosse pour transporter le pollen ( brosse de récolte ). Ce qui est caractéristique par contre, est leur nervation alaire: les ailes membraneuses portent 3 cellules cubitales et une nervure basale coudée . (doc Opie)
/image%2F1479375%2F20230224%2Fob_46e9c9_ferg.png)
(Cette nervure n’est pas coudée chez les andrènes, une famille proche). Le 5ème tergite des femelle (extrémité de l’abdomen ) est creusé d’un sillon bordé d’une épaisse bande de poils d’où leurs noms anglais, great banded furrow-bee et allemand » Furchenbienen », abeille à rainure ou à sillon. De même que chez l‘abeille domestique, toutes les femelles sont dotées d’un aiguillon avec lequel elles peuvent , pour certaines, infliger une cuisante piqûre à tous prédateurs. Dès lors, il existe un large spectre d’espèces qui se sont accordées sur un même code vestimentaire sur le thème du noir strié ou bariolé d’orange, de jaune et de blanc. Il s’agit d’une forme de convergence évolutive qui permet aux insectes piqueurs d’annoncer la couleur à leurs prédateurs mais aussi à d’autres espèces totalement inoffensives comme les syrphes ou certains coléoptères ( Trichius ) d’endosser leur déguisement pour se protéger ( mimétisme et tromperie ).
/image%2F1479375%2F20230226%2Fob_a5610f_trichius-gallicus-20210610-monges-273.jpg)
/image%2F1479375%2F20230226%2Fob_6b7ff3_trichius-gallicus-gallicus-4-aa.jpg)
Les Halictus se nourrissent de pollen et de nectar et creusent leur nid dans le sol ou le bois altéré.
Nombre d’espèces: A elle seule, cette famille des Halictidae comprend 4440 espèces réparties en 80 genres. C’est l’une des plus présentes en nombre et espèces (150 environ) dans notre faune française après les abeilles domestiques. Nous avons en France 30 espèces d’Halictus.
Entrées de galeries d'Halicte de la scabieuse, Halictus scabiosae- Photos Jean Claude Weissend (Anab)
Observation : le 13 juillet à Bettwiller (Bas-Rhin)
Dimensions : 12 à 17 mm, taille d’une abeille domestique.
Durée d’observation: mars à octobre
Description: l’Halicte de la scabieuse a une forte pilosité noire sur tout le corps, marqué par des bandes jaune-or à orange pâle. Le mâle a de longues antennes bruns sombres dont le dernier article est recourbé en crochet. Son corps est allongé et les bandes à l’extrémité de l’abdomen sont ochracées. Ses pattes sont jaune vif. La femelle a les antennes coudées et un corps moins allongé .Elle possède un sillon transversal à l’extrémité de l’abdomen, des brosses de récolte aux tibias 3 ainsi qu’une double bande de pilosité sur l’abdomen. La tête porte des yeux à facettes sur le côté et sur le dessus, un trio d’ocelles, qui sont des yeux simples.
Nourriture:
La femelle collecte essentiellement le pollen et le nectar de chardons ( Asteraceae ) et de scabieuses ( Dipscaceae ). Elle est « polylectique » et sociale. Dans une famille d’abeilles voisines, les andrènes, de nombreuses abeilles, comme l’Andrène de la Bryone, Andrena florea, sont liées à une seule plante. On les dits dans ce cas « monolectiques. ». (Oui, mot difficile à glisser dans la conversation courante)
Colonies:
En hiver, quelques halictes femelles survivent et hibernent dans une cavité souterraine. Au printemps suivant dès le mois de mars, elle pond et féconde ses œufs grâce à sa spermathèque où elle conserve les spermatozoïdes résultant de son accouplement. L’Halicte est solitaire mais peut vivre en colonie. Dans ce cas, une abeille prend le dessus et est la seule à pondre. Les autres plus petites, agissent comme des ouvrières et nourrissent les larves. La colonie peut atteindre quelques individus. Cette organisation est flexible. Un chercheur (Batra) a trouvé un nid avec plusieurs femelles pondeuses. Le chercheur suisse Ulrich a trouvé 50% de nids avec une seule reine, 45% avec des ouvrières et 5% avec plusieurs pondeuses. Seulement 50% des nids ont eu une descendance. Dans le cas où le nid est productif, des femelles se dispersent vers des nids inoccupés pour fonder d’autres colonies .Cette halicte est une abeille sociale de type primitif au contraire des fourmis ou de l’abeille domestique qui habitent dans une ruche pourvue d’une organisation sociale sophistiquée.
Cycle biologique et activité: Une à plusieurs générations par an. Les mâles et les nouvelles femelles n’apparaitront qu’en juillet, ce sera la seconde génération.
Reproduction:
Après son accouplement, la femelle creuse un tunnel dans le sol et y construit des cellules. Elle pond un œuf par cellule et la larve se nourrira du pollen récolté.
Présente partout dans notre pays. Présente dans toute l’Europe (sauf au Royaume-Uni ) et au Maghreb.
Confusion : les espèces se ressemblent beaucoup, celle-ci sort du lot..
Prédateurs, parasites et pathogènes : Microchampignons, virus, insectes prédateurs ( frelons indigènes et asiatiques, Asilides, Réduves , Ichneumons, Spécodes ou guêpes coucou). Une étude autrichienne (Kastberger) a montré que l’activité des parasites n’était pas synchrone avec celle de l’Halicte. Ils avaient seulement une petite fenêtre temporelle pour venir infester son nid en y déposant des œufs. Il faut compter aussi sur les oiseaux insectivores ( guêpier d’Europe, pie- grièche écorcheur, grimpereaux et gobe-mouches gris). Sont de la partie également, les araignées tisseuses de toile ,araignées crabes et bien d’autres que nous ne citerons pas et bien sûr… les pesticides de l’agriculture intensive.
Les pesticides tuent directement ou indirectement les insectes. Les néonicotinoïdes produisent chez les abeilles sauvages et les bourdons, les mêmes effets dévastateurs que chez les abeilles à miel domestiques. Les insectes perdent la mémoire et ne retrouvent plus leurs nids. La colonie perd ses membres et peut disparaitre complètement. Les néonicotinoïdes réduisent aussi la viabilité de spermatozoïdes et impactent les glandes hypo pharyngées qui secrètent les phéromones de reproduction. Il est donc important de préserver de larges zones non traitées tant les services rendus à la pollinisation des plantes par les bourdons et les autres hyménoptères sont importants.
Statut de protection : espèce non protégée par la loi mais très importante au niveau pollinisation. Cette Halicte de la Scabieuse est une espèce déterminante en Alsace du classement ZNIEFF. Cela indique qu’elle reste une espèce rare et fortement indicatrice de milieux non dégradés.
Texte Martine Devondel et Roland Gissinger (ANAB) et détermination des insectes, Martine, photos Roland sauf mentions
Guide des Abeilles, Bourdons, Guêpes et Fourmis d’Europe , H. Bellmann
Hyménoptères d’Europe 3, Bourdons d’Europe et contrées voisines, Denis Michez
Hyménoptères d’Europe 1, Abeilles d’Europe, Denis Michez
Découvrir & Protéger nos abeilles sauvages, Nicolas Vereecken
Clés des Halictus et Lasioglossum,, Apidae 3, Fauna Helvetica 6