Enquête mycologique, épisode 83, Hebeloma helodes
Publié le 8 Avril 2023
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 11 octobre 2022, en forêt de Siltzheim, charmaie-hêtraie, en zone assez humide. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons allait faire une rencontre que les mycologues en principe redoutent.
Arme du crime
Le champignon pousse au sol, avec quelques débris organiques à la base du pied. Difficile de se prononcer sur son mode de nutrition.
Profil du suspect
De morphologie classique pied chapeau, c’est un champignon à lames, de taille moyenne. Les lames sont couleurs café au lait et non libres, échancrées. Pas d’ornement ou de voile ni sur le pied, ni à sa base, ni sur le chapeau qui est visqueux. C’est un champignon avec un chapeau d’environ 5 cm, de couleur ocre. Le pied n’est pas bulbeux. Deux observations sont indispensables ici : la couleur café au lait, et surtout une odeur particulière, ici raphanoïde (odeur de radis). On devine quelques gouttelettes sur les lames.
Avec ces éléments, l’enquêteur soupçonne déjà fortement un membre du genre Hebeloma, un genre très difficile. L’enquêteur dit toujours à titre personnel que croiser un hébélome, c’est ouvrir la porte de l’enfer. Une longue et minutieuse étude microscopique va débuter.
Un mot sur le genre Hebeloma
Ce genre regroupe des champignons de morphologie tricholome ou collybie, avec une chair filamenteuse. Le chapeau est plus ou moins visqueux, les lames généralement couleur café au lait. Un voile est quelquefois présent sous forme de cortine (la cortine n’est pas seulement présente chez les cortinaires). Ce qui doit surtout attirer l’attention est la présence d’une odeur de radis ou tout autre odeur particulière comme le cacao ou l’amande amère. Ces champignons sont tous mycorhiziens.
Couleur de sporée
La sporée est ocre
L’examen par la police scientifique
Il faut tout d’abord observer les spores dans le Melzer et apprécier l’intensité de la dextrinoïdie. Ici les spores sont faiblement dextrinoïdes Les spores sont également faiblement verruqueuses et ne présente pas d’enveloppe protectrice, appelée le périspore. L’intensité de la dextrinoïdie et la présence du périspore sont des éléments essentiels pour l’identification.
Les spores sont de forme amygdaliforme.
Les cheilocystides nombreuses sont clavées à capitées.
Les basides sont à 4 stérigmates
Avec la monographie de Vesterholt , le candidat retenu est Hebeloma helodes J. Favre, 1948
Statut selon l’INPN : EN (En danger) sur la liste rouge des champignons supérieurs de Franche-Comté. Espèce déterminante de l’inventaire ZNIEFF.
Comestibilité : Non comestible
La conclusion de l’enquêteur
Le genre Hebeloma, répétons-le, est un genre très difficile. Avec l’habitude, on peut le reconnaître à l’œil même si quelquefois le risque de confusion avec un cortinaire est possible. Certaines espèces néanmoins ont des caractères macroscopiques qui permettent de les identifier facilement. Ce genre nous rappelle que la mycologie est une science d’observation minutieuse où aucun caractère ne doit être négligé.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)