Lepture cardinale (la femelle), Lepture papale (le mâle), Lepture rouge (Stictoleptura rubra)

Publié le 3 Mai 2023

Lepture papale (le mâle), Lepture rouge (Stictoleptura rubra)
Lepture papale (le mâle), Lepture rouge (Stictoleptura rubra)
Lepture papale (le mâle), Lepture rouge (Stictoleptura rubra)

Lepture papale (le mâle), Lepture rouge (Stictoleptura rubra)

La Lepture rouge se décline en deux couleurs, rouge et brun jaunâtre selon le sexe. Elle fait partie de ces coléoptères allongés, les leptures, assez fréquents,  que l’on voit butiner sur  les fleurs au début de l’été et dont les larves, discrètes,  se nourrissent de bois mort.
Martine et Roland



Nom scientifique : Stictoleptura rubra (Linnaeus, 1758)
Synonymes : Leptura rubra ou Corymbia rubra.


Etymologie : «lept oura »  signifie en grec « queue mince », en référence à son corps très allongé. Son nom d’espèce latinisé « rubra», signifie « rouge ».

Nom allemand: Rothalsbock

Nom anglais: Red-brown Longhorn Beetle

Classification et famille : cette Lepture rouge  fait partie de l’ordre des Coléoptères, l’un des plus riches sur Terre : 400 000 espèces décrites sur  1 500 000 probables. Les coléoptères sont, rappelez-vous, des insectes à métamorphose complète qui possèdent deux paires d’ailes, l’une coriace, non nervurée et l’autre membraneuse. Ils sont partout et ont colonisé tous les milieux sauf la mer.

Stictoleptura rubra, appartient à la famille  des Cerambycidae (35 000 espèces) communément appelés Capricornes ou Longicornes et à la sous famille des Lepturinae.
Ethymologiquement, cerambyx est un emprunt au grec kera, corne et ambux, diadème d’où corne en diadème. Capricorne est tiré du latin Caper, bouc et cornus, corne donc corne de bouc ou longues cornes. La plupart sont en effet des coléoptères à longues antennes. La taille de ces  antennes dépasse souvent le corps mais, l’exception faisant la règle, ce n’est pas le cas ici de notre lepture.
Une autre  caractéristique des  Cérambycidés est à retrouver au niveau de leurs pattes : les tibias antérieurs et intermédiaires présentent une paire de forts éperons terminaux et  leur tarse est  composé de 4 articles visibles au lieu des 5 habituels. Le cinquième très petit, n’est pas visible à l’œil nu.   
Leur larve est charnue et blanche avec une tête  orangée faite de tissus durs, sclérifiés dont les  pièces buccales noires s’avèrent plus dures encore. Cette propriété  leur permet de se nourrir de végétaux ou de bois et dans certains cas, de bois dur d’aubier ou même de bois sec (charpente…).
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Date de l’observation: le  15 août à Bining.

Dimensions : 10 à 20 mm de long.

  1.  

Description et biologie :
De forme allongée, ce longicorne est d’un dimorphisme sexuel très important. Les femelles  plus robustes et plus grandes ont le pronotum et les élytres de couleur différente de ceux du mâle. Les élytres sont  couverts d’une fine pubescence. Leur couleur est brun jaune  chez les mâles et rouge chez les femelles. Leur extrémité  n’est pas noire contrairement à d’autres espèces voisines comme, Stictoleptura fulva .
Le  pronotum  est noir brillant chez le mâle et rouge chez la femelle.
Les antennes noires et  constituées de 11 gros segments articulés sont bien dentées et longues chez Monsieur et à peine dentées et  plus courtes chez Madame.
Les élytres présentent une bosse entre le scutellum et l’épaule. Les ailes dépassent légèrement les élytres.
Les pattes sont toujours bicolores, fémurs noirs et tibias jaunes ou rouges selon le sexe. Ses longues pattes lui permettent de se déplacer avec agilité.
Différences morphologiques à l’origine de noms vernaculaires particuliers : Lepture cardinale pour la femelle, Lepture papale pour le mâle.


Comportement : il vole avec aisance d’une fleur à l’autre.

 


Nourriture : linsecte  à l’état de larve, consomme du bois mort infesté de champignons dont il utilise les nutriments. Il a une préférence pour le pin et l’épicéa. Il est dit saproxylophage. Son  intestin contient des levures productrices de cellulase (enzyme ) pour permettre la xylophagie ou la digestion du bois riche en cellulose. Des chercheurs polonais ont découvert des traces de méthane dans les rejets des larves ce qui serait une nouvelle source mise à jour pour ce gaz à effet de serre.
Adulte, on retrouve la Lepture rouge sur les fleurs des ombellifères, des astéracées (comme la marguerite)  où elle se nourrit de pollen et de nectar mais aussi des pièces florales, pétales et pistil. Les adultes ne vivent pas plus d’une à trois semaines. Cette brève période est surtout consacrée à la reproduction.



Reproduction : elle a lieu de mai à septembre quand les adultes émergent du bois mort. Le pic d’observation est en juillet.
Les adultes peuvent émettre des craquements par frottement du pronotum sur l’abdomen. C’est sans doute un moyen de trouver ou d’ appeler un partenaire.


Phéromones : les cérambycidés sont connus pour émettre des substances chimiques volatiles ou phéromones  dans l’air afin d‘attirer de loin leurs partenaires. Elles ont été identifiées pour plusieurs centaines d’espèces.  
Des composants bien précis des phéromones ont été utilisés pour fabriquer des pièges biologiques comme le fuscumol acetate, la geranylacetone, le monochamol, l’ 3-hydroxyhexan-2-one, l’anti-2,3-hexanediol, le 2-methylbutanol et l’acide  prionique. Vous avez bien fait de sauter les deux lignes précédentes. Mais si ce sont des noms barbares,  ce sont aussi des substances chimiques précises . Elles ont été identifiées par les chercheurs et sont secrétées par les insectes. Elles sont de toute importance car elles favorisent la rencontre et  la reproduction d’individus de  même espèce.

Il a été prouvé  qu’un mélange de différentes phéromones est plus attractif qu’une seule phéromone et que son efficacité pour une espèce donnée est liée à sa position, soit  au sol, dans les arbres, au- dessus de la canopée (étude7).
La couleur des pièges est personnalisable (étude 6), les insectes préférant les pièges de couleur identique aux fleurs habituellement visitées.

Des pièges ou leurres chimiques ont été mis en place pour évaluer la richesse écologique de nos espèces locales et des espèces venues d’ailleurs dites exotiques .
Les pièges à phéromones sont un très bon outil pour vérifier l’arrivée de nouvelles espèces dans nos forêts et donc pour anticiper leurs dégâts et la riposte nécessaire.
Lors de l’étude INRAE (étude 3)  de 2019 , 13.153 coléoptères ont été capturés représentant 118 espèces soit 48% de la faune française dont 2.960 cérambycidés.
Très important,  3 espèces asiatiques ont également été capturées dont deux n’avaient jamais été signalées en Europe.
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Développement des insectes
La femelle cherche du bois mort, des résineux en particulier, pour y pondre ses œufs. Ils éclosent habituellement deux à trois semaines plus tard. Les petites larves issues des œufs vont se nourrir de bois mort et se transformer en gros vers blancs. Le stade larvaire dure de deux à trois ans. A la fin du développement larvaire, l'insecte creuse une loge circulaire tapissée de copeaux de bois dans laquelle s'effectue la nymphose ( la loge nymphale ). La mue imaginale se situe à l'entrée de l'hiver. L'adulte immature reste dans la loge nymphale, dans les galeries larvaires ou sous l’écorce jusqu'au printemps suivant où il sortira avec les premières chaleurs.
L’éclosion des adultes  est fortement dépendante des conditions atmosphériques, particulièrement de l’humidité. A l’aide de leurs puissantes mandibules, ils creusent dans le bois qui les sépare du monde extérieur un trou d’envol généralement ovale.  


Confusion : il existe de nombreux insectes d’allure très proche dans cette tribu des Lepturini qui se distinguent les uns des autres par la forme du pronotum, l’apex des élytres…


Habitat : on le trouve souvent sur les saules et conifères morts non pourris, mais aussi dans les prairies en limite des bois, dans les clairières à ombellifères de la plaine à la montagne.
Il est présent  dans toute l’Europe jusqu’en Sibérie mais pas dans le Grand Nord et en Afrique du Nord.
 Autrefois, les larves  parasitaient les poteaux électriques non traités et le bois des maisons.


Protection
Pas de protection spéciale ou légale pour ce coléoptère qui possède un intérêt du fait qu’il intervient dans le cycle d’humidification en accélérant le pourrissement du bois. En effet, l’action mécanique de ses larves et leur alimentation joue un rôle important dans le cycle de décomposition du bois.


Intérêt biologique :
Une étude suisse (étude 2) a montré que les forêts avec  chablis (arbres renversés) comportent deux fois plus d’insectes ( 4 fois plus d’ abeilles, de guêpes sauvages et de  punaises ) que les forêts intactes sans chablis. C’est pourquoi laisser des arbres morts dont un certain nombre de gros calibre dans les parcelles boisées est une nécessité pour maintenir et développer la biodiversité. Elles abritent en particulier les espèces en danger de disparition dans certains pays comme certains
Cérambycidés. Au contraire, une forêt sans chablis et en monoculture va favoriser quelques espèces dont les redoutés scolytes qui dévastent des forêts entières de résineux.

Prédateurs : oiseaux, chauve-souris.

 
Texte, bibliographie  Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab)

Identification des insectes : Martine.  
Photos ; Roland,

 



  1. 1/ Livres jolis et très  instructifs:
    Petites bêtes des forêts de Lorraine et d’ Alsace JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise.
    Insectes remarquables de Lorraine et d’ Alsace –JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise.


    2/ Insectes favorisés par les tempêtes en forêt
  1. Multi‑component blends for trapping native and exotic longhorn beetles at potential points‑of‑entry and in forests étude INRAE 2019
  2. The evidence of trace amounts of methane of uncertain origin released from cerambycid larvae of Stictoleptura rubra 2023
    5/
    https://alchetron.com/Stictoleptura-rubra
    6 Exploiting trap color to improve surveys of longhorn beetles  2020
  3. Rapid Assessment of Cerambycid Beetle Biodiversity in a Tropical Rainforest in Yunnan Province, China, Using a Multicomponent Pheromone Lure 2021
  4. Longicornes ( Cerambycidae ), Ann Muylaert, Faune de Belgique, Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Insectes de chez nous

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T
Merci pour cet article très intéressant et les superbes photos.
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R
Merci beaucoup Toll
B
Bravo pour cet article très complet et les jolies photos qui l'accompagnent.
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R
Merci bp Bernard