Néotinée brûlée, Orchis brûlé (Neotinea ustulata)
Publié le 28 Mai 2023
Cette orchidée délicate est bicolore. Elle se trouve dans des endroits secs ou humides. Elle devient très rare dans certaines régions.
Roland
Nom scientifique : Neotinea ustulata (L.) R.M.Bateman, Pridgeon & M.W.Chase, 1997
Ancien nom scientifique ; Orchis ustulata. Depuis de récentes (1997) analyses génétiques elle a été classée dans ce genre Neotinea.
Origine du nom: du grec « neos », qui signifie, «nouveau» et de « G. Tineo, nom d’un botaniste sicilien (1756-1812) et de « ustulata », « brûlée », en lien avec les couleurs de plus en plus foncées et presque noires des fleurs vers le sommet.
commun allemand/ dialecte : Brand-Knabenkraut, Schwärtzliches Kanbenkraut
Nom anglais : bunrt orchid
Date de l’observation: le 23 mai entre Marmoutier et Wasselonne (67)
Famille de plantes : les Orchidées, dont font partie le phalaenopsis, l'orchidée des grandes surface et jardineries, ainsi que la vanille exotique et le très rare sabot de Vénus. Les plantes de cette la famille des Orchidées est, d’après les scientifiques très évoluées. Elles s’installent dans tous les milieux, des plus secs aux plus humides. Il en existe près de 30 000 espèces. Elles sont menacées car peu résistantes à la pollution et sont quelquefois pillées.
Une des particularités des orchidées est leur vie en symbiose avec un champignon.
Elles ont besoin de trouver dans le sol ce champignon avec lequel elle vont s’associer. Il leur est indispensable pour faire germer leurs graines. Celles-ci sont microscopiques, presque dépourvues des réserves contrairement à la plupart des graines des autres plantes. C’est sans doute au fur et à mesure du développement de leur symbiose avec les champignons qu’elles ont perdu la faculté de développer des graines avec réserves. De ce fait, elles ont un besoin impératif du mycélium émis par ce champignon « compagnon ». Ce fin filament puise des nutriments minéraux dans le sol pour sa croissance et les partage avec l’orchidée.
Grâce à ses apports, la graine va pouvoir germer et développer ses premières racines et feuilles. Le champignon mycorhizien est très sensible aux changements d’acidité des sols provoqués par des apports de lisier et d’engrais chimiques ainsi qu’aux pesticides.
C’est pour cette raison que les orchidées sont si sensibles à la pollution par les fongicides, herbicides et les engrais même à faible dose pour certaines.
Les orchidées de notre région sont en voie de disparition. Leurs milieux, coteaux secs et zones humides disparaissent. De plus, les pratiques d’agriculture intensive avec engrais et fumures détruisent ce champignon microscopique.
Les fauchages de prairies et zones herbeuses trop précoces (avant juillet et août) interdisant leur production de graines,la disparition des friches sont d’autres causes de leur disparition.
Description: plante vivace de petite taille aux vives couleurs.
Hauteur: 10 à 50 cm
Tiges et racines: tige verte, unique, portant de nombreuses fleurs formant un épi. Sa racine tubérisée est formée de deux tubercules ovoïdes. a grossir durant la belle saison en accumulant des réserves. Au début de l’année suivante ce rhizome va servir à faire croitre les feuilles et la tige.
les nombreuses petites racines émises par les tubercules se transformant en tiges, explique la pousse en touffe de cette orchidée.
Feuilles: de couleur vert bleuté, non tachetées et lancéolées. Les 5 à 10 feuilles à la base forment une rosette. Les feuilles de la tige (3 à 10cm) sont engainantes et deviennent de plus en plus petites vers l’inflorescence.
Répartition selon INPN de la Néotinée brûlée, Orchis brûlé (Neotinea ustulata) et de sa variéé aestivalis (seconde carte)
Floraison: fin avril à juin. Durée 3 semaines.
La floraison débute en plus tôt dans les régions méditerranéennes, en mai chez nous dans l’est, et se poursuit en juillet et août en altitude.
Fleurs: les fleurs, petites de 4 à 5 mm, forment une inflorescence en épi cylindrique et dense de 3 à 8 cm de long.. Il s’allonge au fur et à mesure de sa maturité. Les fleurs sont blanche, marquées de petites taches pourpre avec des nervures vertes. Leur dessus est pourpre foncé presque noir surtout quand elles ne sont pas encore épanouies. La fleur fleurit de bas en haut ce qui lui donne cet aspect noir au sommet presque brûlé.
La fleur est composée de pétales ou ici tépales formant un casque pourpre plus ou moins foncé qui surplombe un pétale allongé appelé labelle. Le labelle est profondément divisé en 3, blanc tacheté de pourpre. Sous le casque se trouvent les organes reproducteurs, pollinies et pistil. A l’arrière peu visible se trouve un éperon de 1 à 2 mm, vert à pourpre, dirigé vers le bas..
Pollinisation :
Cette orchidée possède une légère odeur de punaise.
Les étamines sont soudées en deux petites boules jaunes, les pollinies, visibles sous le casque. Elles vont être mûres avant l’ouverture de la fleur. Les insectes sont attirés par la forme de la fleur et son odeur. Le pollen féconde rarement les parties femelles de sa propre fleur (autogamie). Il féconde les parties femelles d’autres plants de la même espèce arrivés à maturité. Ce système dit « allogamie » est le plus répandu chez les plantes. Il a pour avantage de croiser les gènes et éviter la dégénérescence des espèces.
Prouesse des orchidées :
Les orchidées sont souvent des tricheuses .Elles attirent les insectes en les leurrant avec l’odeur de la fleur préférée, de possibilité de nidification ou d’odeur de sa femelle. C’est le cas chez plus de 81% des orchidées d'après Paulus 2005.
Notre Orchis brûlé est pollinisée par des abeilles sauvages ( Anthophora, Bombus). Elle a suivi un chemin d'évolution particulier car elle est l’une des 4 rares orchidées à être pollinisée par des mouches 2 autres espèces du genre Neotinea et Traunsteinera globosa).
Cette Orchis brûlé est de manière préférentielle pollinisée par trois tachinidés dont nous vous avons déjà présenté un des 3, L’Echinomie à pieds roux, Tachina magnicornis. Deux autres, mouches, famille des tachinidés, Tachnina fera et Nowickia ferox sont aussi capables de la polliniser.
Les chercheurs avaient déjà remarqué que l’Orchis brûlé secrétait sur la cuticule de ses fleurs des composés organiques volatils spéciaux dénommés (Z)-11-tricosène et (Z)-11-pentacosène(appelés aussi (Z)-11- C23/C25ènes. Désolé, c’est de la chimie je n’ai pas pu faire plus simple, ni trouvé de nom bucolique comme c’est souvent le cas chez les fleurs et insectes.
D’autres chercheurs ont entrepris de reconstruire l’arbre généalogique des orchidées, et vérifier la production de ces molécules aux noms barbares chez les autres espèces.
Ils ont trouvé que cette Orchis brûlé avait une sécrétion unique et élevée (8%) de ces « (Z)-11- C23/C25ènes », arômes qui sont captés par les mouches tachinidés.
Les autres orchidées n’émettent pas ces substances ou alors en quantités infimes. Incroyable , non?
Conclusion : cette émission de volatils est une adaptation à la pollinisation. Les chercheurs parlent d’une exaptation ce qui signifie que la production de ces volatils a précédé leur captage spécifique par les antennes des tachinidés et par suite la pollinisation. Ces insectes et seulement ce type de mouches se sont adaptés à cette émission d’arômes par cette orchidée pour la polliniser.
Confusion : elle a un aspect bien typé qui rend difficile une confusion. Comme souvent des individus peuvent être de couleur très inhabituelle, jaune ou incolore. (voir photo);
Il existe une variété d’Orchis brûlé plutôt montagnarde mais pas toujours qui fleurit en juillet. Elle est dénommée Orchis brûlé d’été, Neotinea ustulata var aetivalis. Identifiée sous un autre numéro par l’INPN 718722). Elle est uniquement pollinisée par les tachinidés
Fruits : c’est une gousse qui après fécondation va se remplir de nombreuses et minuscules graines de moins de 0.3 mm. Chacune peut en contenir plusieurs dizaines de milliers. Au final, entre trouver le filament du bon champignon, le bon sol, et la bonne exposition, seule une graine sur un million germera et donnera une plante viable.
Habitat : plante de pleine lumière sur pelouses calcaires, sèches ou humides, broussailles et alpages jusqu’à 2400 m. Elle est absente dans l’ouest de notre pays et rare autour de la Méditerranée..
Protection : interdiction de ramassage et destruction. Plante classée en danger en Picardie, Ile-de-France, et critique en Champagne-Ardennes, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie, Vulnérable en Bourgogne, Basse-Normandie, Alsace, quasi menacée en Lorraine.
Elle est protégée par la loi dans de nombreuses pays et régions françaises comme la Lorraine, le Centre, la Picardie. Ses habitats régressent rapidement.
La carte de répartition ne rend pas compte de sa rareté. Les orchidophiles les cherchent très activement et elles sont donc plus souvent signalées que des plantes plus discrètes et plus communes.
Ravageurs : les cervidés, les sangliers et les limaces sont les principaux ravageurs de cette orchidée, mais aussi les promeneurs ignorant la rareté de cette plante.
Utilisation médicinale : Utilité alimentaire:
Aucune des croyances anciennes leur attribuant des vertus aphrodisiaques n'est avérée. Ces croyances ont contribué à une cueillette excessive et provoqué leur raréfaction.
Photos, texte Roland Gissinger (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
The evolution of tachinid pollination in Neotinea ustulata is related to floral cuticular composition and the combined high relative production of (Z)-11-C23/C25enes Carlos Martel oct 2021
Specialization for Tachinid Fly Pollination in the Phenologically Divergent Varieties of the Orchid Neotinea ustulata Carlos Martel june 2021