Papillonner de jour et de nuit

Publié le 25 Août 2023

Papillonner de jour et de nuit

paru sur Lavie le 4/8/2023

Belle dame, paon-de-jour, citron, vulcain, tabac d’Espagne… La fantaisie s’invite chez ces insectes pollinisateurs que nous avons suivis en compagnie de trois écogardes lilloises.
Par Véronique Durand


 

Munies de jumelles, d’un sac à dos, d’une tenue de camouflage et de filets à papillons, ce sont trois drôles de dames qui nous accueillent en cet après-midi d’été, au parc du Héron (Hauts-de-France), dont une partie est classée réserve naturelle régionale. La température est de 30 °C à l’ombre du hêtre sous lequel nous nous retrouvons. Une météo a priori idéale pour les papillons qui ne peuvent voler qu’en présence du soleil, indispensable pour réchauffer le corps de ces poïkilothermes (animaux dits « à sang froid »). Pourtant, ces derniers ne se pressent pas autour de nous. « Le vent s’est levé. Il constitue un facteur défavorable », explique, comme pour les excuser, Magali Roche, l’une des écogardes.

La prise au vent de leurs ailes, qui peuvent mesurer jusqu’à 6 cm, est redoutable. Il faut réaliser combien cette surface alaire est encombrante pour une si petite bête. Magali Roche s’interrompt le temps d’observer voleter un paon-du-jour, un des papillons les plus reconnaissables : de couleur rouille, ses quatre ocelles bleus (qui ressemblent à de gros yeux de mammifères) sont bordés de gris foncé. Il se pose sur une fleur et reprend sa promenade fantaisiste. « La route d’un papillon n’est pas aussi rapide et franche que celle d’une libellule, même s’il est capable de faire des pointes à 30 km/h », précise l’écogarde. Mais deux heures après être sorti de sa chrysalide, l’insecte sait voler.

« Devinette : quel est le point commun entre un poisson et un papillon ? » demande Claire Poitout, qui aime transmettre ses connaissances en s’amusant. Facile : « Leurs écailles» Elle développe : « Les écailles sont très fragiles, ce sont les couvertures de leurs ailes, c’est pour cela qu’on n’attrape jamais un papillon avec les doigts. Elles sont posées comme des tuiles. Un choc avec une voiture, le coup de bec d’un oiseau prédateur ou de grands vents peuvent être fatals»

 

 

Pas de vie sociale

Marie Delaire nous prévient : « Chez les papillons, c’est chacun pour soi. Leur but est de se reproduire, pas de vivre en groupe. Ils n’ont pas de vie sociale. » L’écogarde se passionne pour leurs ailes, qui donnent des indices sur leur variété, leur âge, leur mode de vie : « Il en existe plus de 5 000 espèces en France. Les jeunes ont des ailes aux couleurs vives qui, avec la vieillesse ou les griffures reçues, deviendront plus ternes. La nourriture de la chenille a un impact sur leur couleur. »

Papillon de jour ou de nuit ? Il suffit de les observer au repos : « Si les ailes se referment en forme de toit, posées à plat sur le corps, c’est un papillon de nuit ; si elles sont complètement fermées sur le dos à la verticale, c’est un papillon diurne, indique la jeune femme. Regardez aussi leurs antennes : en forme de peigne, c’est un papillon de nuit ; en forme de massue, c’est un papillon de jour» Le premier, le plus présent sur nos territoires, est quelque peu bruyant quand il vole près d’une lampe, le soir. Il doit se cacher en journée pour éviter d’attirer ses prédateurs : ses ailes aux couleurs sombres imitent celles d’une feuille ou d’un tronc. S’il déploie celles-ci d’un coup, le papillon de nuit vous étonnera par la vivacité de ses couleurs. Une arme stratégique pour effrayer ceux qui espèrent en faire une bouchée pendant qu’il s’échappe !

« Savez-vous quel est le point commun entre un éléphant et un papillon ? » poursuit Claire Poitout. Réponse ? La trompe. « Le papillon n’a pas de bouche. Sa trompe lui permet d’aspirer le nectar de la fleur» Ce sucre lui donne l’énergie de voler. Il dépose le pollen en se sustentant sur une autre fleur, assurant ainsi la pollinisation de végétaux. Cet après-midi de juillet, les trois écogardes ont réalisé un des trois suivis annuels réalisés en juin, en juillet et en août, dans le parc du Héron. Bilan ? Une quinzaine d’espèces recensées. « Nous respectons à chaque fois le même protocole national : nous parcourons quatre transects de même longueur, et ce durant 10 minutes, chronomètre en main, sans nous arrêter. Nous devons avancer sans papillonner », détaille Magali Roche.

Surveiller les espèces

« Nous aimons suivre les papillons parce qu’ils sont beaux et joyeux », poursuit Claire Poitout, qui clôt la marche. « C’est du sport », glisse-t-elle avant de s’enthousiasmer : elle a attrapé un vulcain dans son filet. Délicatement, elle le glisse dans sa boîte loupe, et nous laisse le plaisir de le relâcher, après l’avoir observé de près.

 

Cette surveillance des espèces est l’une des missions des écogardes, avec la sensibilisation à leur préservation. Les visites qu’elles animent auprès du public sont l’occasion de faire passer des messages : « Les papillons déclinent depuis les années 1970, avec le changement climatique, l’utilisation des pesticides, la pollution, la disparition des haies… Ils aiment se reposer sur les herbes hautes, et les prairies constituent un lieu idéal pour se reproduire. Mais on arrache partout les mauvaises herbes, la tendance est de tout faucher alors qu’il faudrait opérer par rotation, et cela crée de gros dégâts. »

 

Un papillon vit de quelques jours à une année. À l’état d’imago (sa forme adulte), le papillon citron, par exemple, peut vivre environ 10 mois et hiberner à l’abri du gel, derrière le lierre. À l’automne, certaines espèces migrent et réussissent à parcourir 500 km, d’autres hibernent sur place, sous forme d’œufs, de chrysalides ou d’imagos. « Nous sommes dans une période de bouleversement climatique, et tout évolue très rapidement. Les animaux essaient de s’adapter. Les espèces les plus généralistes s’en sortent sans trop de mal, mais certaines espèces protégées sont très fragiles» Nous voici invités à planter des fleurs locales dans nos jardins et sur nos balcons pour participer à leur reproduction, conscients que papillonner n’est pas une vie de tout repos.

À la loupe
De chenille, il devint papillon

Un œuf pondu nécessite une dizaine de jours avant d’éclore et de devenir chenille. De 20 à 28 jours plus tard, après avoir connu plusieurs mues, il se transforme en chrysalide. Au bout d’une dizaine de jours supplémentaires sort le papillon. Le temps de déplier ses quatre ailes pour les défroisser et qu’elles sèchent, et que l’hémolymphe passe dans tous les vaisseaux, et il peut voler !
Pour initier vos enfants au cycle de vie des papillons, il existe des kits d’élevage de chenilles. L’expérimentation peut être réalisée à la maison ou en classe.
Maître de la métamorphose
Un papillon se pose sur vous, c’est magique. Beaucoup de jolies croyances l’entourent. Il est blanc ? Il vous apporte la paix, l’espérance. Certains imaginent qu’il vous indique un changement positif à venir : à son image – de l’état rampant, il a su voler –, vous aussi pouvez vous élever ! Pour d’autres, il est le messager d’un ange gardien ou d’une personne aimée qui veut vous signifier qu’il ou elle veille sur vous. N’hésitez pas à le saluer !
Aussi précis qu’un tableau de bord d’un avion !
Les hétérocères (papillons de nuit) s’orientent grâce à la position de la lune alors que les rhopalocères (ceux de jour) se déplacent en fonction du soleil. Grâce à leurs yeux globulaires, ils ont une vision panoramique qui leur permet de détecter un danger. « Les informations qu’ils reçoivent sont transmises à leur cerveau par les différents organes sensoriels : yeux et antennes, nombreux poils ou soies répartis sur leur corps, voire tympans », décrit Vincent Albouy, naturaliste et auteur prolifique, dans un livre remarquable illustré de photos de Ghislain Simard (L’Effet papillon, Salamandre, 34 €). Selon lui, la vision des papillons de leur trajectoire et de leur position dans l’espace est aussi précise que celle fournie par le tableau de bord d’un avion !

Rédigé par ANAB

Publié dans #Apprendre de la nature

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T
Bel article sur les papillons. On apprend tous les jours 😊<br /> Un chouette cadeau que fait Bern@rd à son petit fils!
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A
Merci Toll de ton commentaire. Oui intéresser et impliquer les jeunes dès leur plus jeune âge est très important.<br /> <br /> Roland
B
J'ai abonné mon petit-fils à "La petite Salamandre"
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A
Bien vu Bern@rd, il n'est jamais trop tôt (ni trop tard) pour s'informer surtout via une bonne revue<br /> <br /> Roland
R
Bel article.
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A
Merci Rose. Une belle série d'articles à lire dans cet hebdomadaire.<br /> Roland