Comment certains élus se précipitent pour accuser les militants écologistes

Publié le 25 Septembre 2023

Ce dimanche, la Lauch était colorée en vert fluo. La surmortalité de poissons ne serait cependant pas due au produit déversé par Extinction rebellion, mais à la situation climatique actuelle.

En raison de l’absence de courant, l’eau de la Lauch était encore verte ce lundi à Colmar. Mais la mortalité des poissons est antérieure à l’action du collectif, indiquent les bateliers, comme ici Claire Kautzmann.

paru surl'Alsace le 19 sept 2023
Signalé par Bernard. merci Bernard

Pas de lien avéré entre la rivière colorée et les poissons morts à Colmar

Le colorant vert déversé dans la Lauch par un militant d’Extinction rebellion n’aurait finalement pas provoqué de surmortalité des poissons à Colmar. Ce phénomène serait plutôt dû à la canicule et la sécheresse, selon plusieurs observateurs du milieu naturel.

article et évènement signalés par Bernard, merci Bernard

Ce dimanche 17 septembre, le maire de Colmar Eric Straumann avait posté sur sa page Facebook une photo de la Lauch vert fluo et un gros plan d’un poisson mort flottant dans cette eau « après la pollution provoquée par un mouvement “écologiste” », indiquait-il. Plus précisément, des militants alsaciens du mouvement Extinction rebellion , qui avaient déversé un colorant vert, de la fluorescéine, dans la Lauch à Colmar et dans l’Ill à Strasbourg, pour protester contre l’enfouissement des déchets ultimes sur le site de Stocamine à Wittelsheim. Ce lundi, le maire a récidivé en postant un article du Figaro qui titrait « Des poissons retrouvés morts après une action d’Extinction rebellion ».

Des poissons morts déjà avant le déversement du produit vert fluo

Une accusation qui fait bondir les bateliers de « Colmar au fil de l’eau » : « Cela fait une ou deux semaines qu’on voit des poissons morts ! Et la plupart se trouvent en amont du lieu où le produit a été déversé », témoignent Antoine Denis, Nicolas Keller et Claire Kautzmann, bateliers guides. Selon eux, c’est depuis que l’écluse en aval du marché couvert été fermée. « C’était sans doute pour garantir un niveau d’eau suffisant de la Lauch », considèrent-ils. Le marché couvert se situe en effet en face de la Petite Venise, le grand quartier touristique de Colmar où d’ailleurs les deux sociétés de bateliers de la ville proposent des promenades en barque à fond plat. Le problème est que, une fois l’écluse fermée, le courant a diminué, empêchant l’eau de se recharger en oxygène. Or les cours d’eau sont déjà appauvris en oxygène en raison de la sécheresse et de la canicule…

Les paramètres dans la normale

La brigade verte du Haut-Rhin a appréhendé le militant qui aurait déversé le produit et l’OFB, l’office français de la biodiversité, a dépêché deux inspecteurs de l’environnement pour procéder à des relevés. « Les paramètres de base, oxygène dissous, pH, température, sont dans la normale, » livre Eric Krauser, chef du service départemental pour le Haut-Rhin. « À notre niveau, nous ne voyons pas de lien entre la fluorescéine déversée et la mortalité des poissons. »

Même sérénité du côté des présidents des deux associations de pêche de Colmar, La Fraternelle et Les Truites 1880. Leurs membres ont évoqué « quelques poissons morts », pour Christophe Geiller, et « rien de spécial », pour Carlo Corsetti. La fédération de pêche du Haut-Rhin n’avait d’ailleurs pas été mise au courant des faits. Quant à Patrick Mathieu, président de la fédération de pêche du Bas-Rhin, il n’avait de son côté « pas eu de retours » d’éventuelles conséquences sur le milieu aquatique de l’opération à Strasbourg. « Les citoyens se feront eux-mêmes une idée sur cette agitation », juge-t-il en estimant que « ce n’est pas une manière de faire pour des gens qui se prétendent proches des milieux naturels ».

La situation climatique en cause

Par ailleurs, Valéry Deparis, responsable du poste de la brigade verte de Colmar, indique que ses agents étaient déjà intervenus vendredi à Colmar, veille de l’action d’Extinction rebellion, suite à un signalement de poissons morts. Pourquoi alors cet émoi, samedi ? « Dans l’eau verte, les poissons morts sont beaucoup plus visibles », note-t-elle. Pour tous, la mortalité des poissons dans la Lauch est surtout due à la situation climatique : la température élevée de l’eau, le manque d’oxygène, les débits réduits, ou encore le lessivage des polluants des sols par la pluie après une période de sécheresse.

Eric Straumann dément depuis avoir accusé Extinction Rebellion d’être à l’origine des poissons morts dans la Lauch. « J’ai simplement constaté, alerté par les riverains, qu’il y avait des poissons morts là où l’eau était verte. De toute façon, il est irresponsable de jeter un produit dans un milieu fragile. » Ceux qui étaient à la fête étaient les touristes, qui ont multiplié les selfies fluo, ce week-end à la Petite Venise…

« Inoffensif pour les êtres vivants »

Extinction rebellion précise qu’à ce stade, « aucun lien matériel n’a été démontré entre la coloration de la Lauch et la mort de ces poissons […] contrairement à ce qui a été affirmé par le maire de Colmar ». Le collectif a été « informé que deux poissons morts flottaient à la surface », en précisant « qu’au moins un poisson flottait déjà avant » son action. Il regrette que « faute d’arguments sur le fond », ses « détracteurs se cantonnent à la forme de [son] action » et « tient à saluer l’inquiétude du maire concernant la protection de la biodiversité de notre bassin rhénan ». Dans leur communication, les activistes d’Extinction rebellion Strasbourg prennent un soin particulier à informer le public sur le caractère « totalement inoffensif » de la fluorescéine « pour les êtres vivants » et « biodégradable à la lumière ». Ils rappellent que ce colorant traceur est utilisé « en ophtalmologie, en pisciculture et par les spéléologues ». Il est également employé pour repérer les fuites, suivre le circuit de l’eau ou faciliter les repérages aériens des naufragés des mers. Selon le Vidal, il ne colore ni le mucus, ni les cellules. Il est en vente libre sous forme de poudre (autour de 400 € le kilo) ou en solution prête à l’emploi (de 7 à 25 € le litre, selon la concentration).