La Dryoptéride fougère-mâle, Fougère-mâle, (Dryopteris filix-mas)
Publié le 27 Décembre 2023
Voici une fougère très commune dans nos forêts de l’Est qui mérite d'être connue, même si l’identification des fougères reste difficile.
Etienne et Roland
Nom scientifique : Dryopteris filix-mas (L.) Schott, 1834
Origine du nom: dérive du grec «drys», le chêne et « pteris », la fougère. Son nom d’espèce, « filix-mas», vient du latin « filicis », la fougère et « mas », mâle, donc, « fougère des chênes, fougère mâle ». L'adjectif mâle fait allusion aux formes plus trapues des frondes ( = tiges feuillées), alors que chez la fougère -dite- femelle (assez commune également), les nombreuses pennes (subdivisions du limbe de la fronde) possèdent des pointes plus effilées et un degré de division supplémentaire de leurs pinnatules en petits lobes dentés, ce qui donne à l'ensemble un aspect élégant de dentelle.
Autres noms communs : Polystic, Dryoptéris fougère-mâle,
Nom commun allemand/ dialecte : Echter Wurmfarn, Gemeiner Wurmfarn oder Männerfarn
Nom anglais : male fern
Date de l’observation: le 11 novembre en forêt de Sturtzelbronn (57)
Classification : La classification des fougères est complexe. Elle a été remaniée plusieurs fois. La Dryoptéride fougère-mâle appartient traditionnellement au grand groupe des Ptéridophytes caractérisées par la possession de vaisseaux conducteurs de sève et par l'absence de fleurs et de graines. Au sein de ce groupe, on distingue les fougères vraies qui possèdent des frondes (tiges feuillées portant les sporanges reproducteurs). La fronde naissante est en forme de crosse. Les différentes familles et genres se distinguent sur la base d'indices tels que la forme générale de la fronde, la présence/absence d'écailles, de poils, le degré de division du limbe, la taille et la forme des subdivisions, la présence/absence de taches, de glandes, la forme et la répartition des organes reproducteurs que sont les sporanges regroupés en sores...
Famille de plantes : celle des Dryopteridaceae.
Les Dryoptéridacées possèdent des écailles membraneuses lancéolées rousses sur les axes des frondes, des subdivisions ultimes (pinnatules) dentées, des sores et leurs indusies (membranes recouvrantes) en forme de rein, mais n'ont pas de glandes sur leurs parties planes,
Catégorie : plante vivace à semi-persistante qui forme des touffes de frondes issues d'un « tronc » souterrain dressé, le rhizome, organe persistant et de réserve. Les frondes fertiles (présence de sores sur la face ventrale) deviennent sèches en fin de saison alors que les feuilles stériles restent souvent vertes.
Hauteur: 30 à 120 cm
Description de l'espèce
Appareil végétatif : le faisceau de frondes (tiges feuillées de 30 à 120 cm) souples forme un entonnoir issu d’un rhizome court, épais, très écailleux.
Le rhizome est une tige souterraine horizontale à redressée qui stocke des réserves de glucides et lipides. Il possède à la fois des nœuds très visibles à partir desquels de nouvelles frondes peuvent pousser ainsi que des racines et poils radicants. Les frondes sortent de terre enroulées en crosse. Ce sont des analogues de feuilles classiques avec pétiole et limbe découpé. Le pétiole et son prolongement (rachis) portent des écailles rousses claires, il est 3 à 4 fois plus court que le limbe qui a un contour lancéolé.
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Le limbe est divisé en pennes (L= 2,5 à 3 x l), la plupart alternes, sans point d’attache noir à l'axe (rachis). Les pennes sont subdivisées en pinnules à bord crénelé-denté, portant des dents plus longues sur les côtés qu'au sommet qui est arrondi.
Appareil reproducteur : il se développe sur la face inférieure des pinnules de juillet à septembre, sous forme de petits amas, les sores recouverts par une membrane protectrice en forme de rein, l'indusie. Les sores ( 5 à 6 /pinnule) sont disposés en 2 rangs à mi-chemin entre le bord et la nervure centrale. A maturité, l'indusie rétrécit et finit par tomber, laissant apparaître les sporanges, sacs minuscules renfermant les spores. (20 à 80 millions par touffe).
Cycle biologique :
Les spores (cellules de reproduction et de dissémination) germent sur le sol et donnent naissance à une petite lame verte de 1 cm en forme de cœur, appelée prothalle. Le prothalle développe des organes mâles et femelles sur la face ventrale. En présence d’eau, les gamètes ♂ ou cellules sexuelles mâles rejoignent les gamètes ♀ (femelles) et fusionnent avec elles. L’embryon formé se développe d'abord sur le prothalle puis s'en affranchit et produit une nouvelle fougère. Remarque : le succès de la fécondation est plus élevé lorsque les gamètes ♂ sont issus d'un autre prothalle.
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Confusion : il existe 14 espèces de Dryopteris sur le territoire national et une demi-douzaine en Lorraine... Certaines ont des aires de répartition restreinte.
Habitat : C’est une espèce peu exigeante sur la composition du sol mais qui a besoin d’humidité. Elle se trouve dans les lieux humides et ombragés comme les forêts aux sols lourds, les pentes, les pâturages, les fossés, les bords des haies.
Elle est présente, partout en forêt humide sur tous les continents sauf l’Afrique ( ou très rare dans le nord) et l’Océanie jusqu’à 2000 m.
Protection : la Fougère mâle, est une des fougères les plus fréquentes. Elle n’a pas de protection légale.
Elle est rare ou absente sur le pourtour méditerranéen.
Usage alimentaire : elle est très toxique
Même si les rhizomes de cette Fougère mâle étaient consommés autrefois après avoir été rôtis ou séchés et pour aromatiser la bière, la plante est toxique et provoque des crampes, irritations de l’estomac et dilatation des pupilles. La Fougère mâle contient des triterpènes et de la thiaminase, enzyme toxique pour les chevaux. Elle contient aussi des poisons pour les moutons et les bovins.
25 grammes de Fougère mâle peuvent tuer en quelques heures un mouton et 100 g suffisent pour une vache !
Utilisations traditionnelles
La Fougère mâle séchée était utilisée pour rembourrer matelas et oreillers en raison de son pouvoir insecticide et de sa bonne odeur et en bouquets frais dans les maisons pour éloigner les mouches
Les jeunes filles amoureuses observaient et cultivaient cette fougère pendant la fête de la Saint-Jean. Une croyance populaire leur faisait croire que si cette fougère fleurissait la veille à minuit, elle les rendaient riches et heureuses.s.
Utilisations médicinales:
La médecine traditionnelle utilisait depuis très longtemps la Fougère mâle comme vermifuge contre les ténias et douves. La substance active, la filicine, est un phloroglucinol, du type des antispasmodiques. L’activité vermifuge a encore été étudiée ces dernières années (1) et (3). Cependant, les composants actifs attaquent le système nerveux central et peuvent provoquer une paralysie respiratoire. En médecine traditionnelle notre fougère du jour était aussi utilisée contre les inflammations, l’arthrite, les blessures et les ulcères. Des recherches récentes ont confirmé la présence d’agents anti-inflammatoires (2).
Cette Fougère mâle est analysée par de nombreux laboratoires à la recherche de substances naturelles efficaces mais sans effet secondaire. Elle contient aussi des substances bactéricides, antifongiques et oxydantes (4).
Comme toujours, et avant toute utilisation, il faut consulter un médecin pour être averti des éventuels effets indésirables ainsi que des interactions possibles avec les médicaments classiques.
Texte Etienne Feuchter et Roland Gissinger (Anab)
photos Roland
Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/ Evaluation of anthelmintic activity of dryopteris filix-mas using earthworm - Prajapati - 2022
2/ Dryopteris filix-mas (L.) Schott ethanolic leaf extract and fractions exhibited profound anti-inflammatory activity
3/ Toxic action of substances from male fern Dryopteris filix-mas on free-living soil nematode Caenorhabditis elegans Egovora 2019
4/ Review on Sarakhs (Dryopteris filix mas) an essential Unani Medicine-Nafees- 2019
5/ Reproduction des fougères en détail :