Pourquoi il est urgent de protéger les sols ?

Publié le 29 Décembre 2023

rès de 2 500 milliards de tonnes de carbone sont présentes dans le sol, soit deux à trois fois plus que dans l’atmosphère !

rès de 2 500 milliards de tonnes de carbone sont présentes dans le sol, soit deux à trois fois plus que dans l’atmosphère !

paru sur DNA le 20/12/2023

Nous le foulons tous les jours sans réaliser à quel point il nous rend service. Le sol joue un rôle fondamental dans l’équilibre des écosystèmes et notre alimentation. Pourtant, cette ressource indispensable à la vie sur Terre est menacée…

onnaissez-vous les collemboles ? Les nématodes, les protozoaires, les eucaryotes et autres rotifères ? Non, ils ne sortent pas tout droit de la liste des jurons du capitaine Haddock. Mais en creusant un peu, là, juste sous vos pieds, vous découvrirez que ces micro-organismes, bactéries et champignons peuplent par milliards, un monde très discret, complexe et encore mal connu pourtant essentiel à l’équilibre écologique et climatique de notre planète : le sol.

« Je ne vois pas ce qu’il y a de plus précieux sur cette planète que le sol », affirmait en 2013, le célèbre botaniste et biologiste, Francis Hallé. Et il est vrai qu’il nous rend d’innombrables services : abritant près du quart de la biodiversité terrestre, 95 % de notre alimentation en dépend, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il permet de nous chauffer, de nous vêtir, il filtre et stocke l’eau, régule le cours des rivières, fertilise les océans, participe aux cycles de l’azote, du phosphore et du potassium, nécessaires au développement des plantes et des cultures. 70 % des antibiotiques que l’on utilise ont été mis au point à partir d’organismes issus du sol. C’est aussi un acteur clé pour limiter le réchauffement climatique : près de 2 500 milliards de tonnes de carbone sont présentes dans le sol, soit deux à trois fois plus que dans l’atmosphère ! C’est bien simple, de sa santé dépend notre survie. Et notre avenir.

Le ver de terre, star de nos cultures

Mais un sol, c’est quoi ? C’est un épiderme vivant qui s’étend depuis la surface de la Terre jusqu’à une profondeur de quelques centimètres à plusieurs mètres, marquée par l’apparition de la roche, nous apprend l’Agence de la transition écologique (Ademe). C’est tout un écosystème, mélange de végétaux et d’humus, riche en matière organique et minéraux, qui fourmille d’une multitude d’êtres vivants (lire notre infographie en p. 8 et 9) parmi lesquels le ver de terre, infatigable travailleur de l’ombre qui fait figure de star de nos cultures. Un seul gramme de sol contient près de 10 milliards de micro-organismes (dont 1 à 10 % identifiés à ce jour). Entre tous ces éléments circulent l’air et l’eau.

Bien entendu, il n’existe pas un mais des centaines de types de sols qui diffèrent en fonction de leur composition, de leur épaisseur, de leur structure, du climat ou de leur usage. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, leur capacité de renouvellement est très limitée : il faut de 200 à plusieurs milliers d’années pour former un centimètre de sol, explique l’Ademe. C’est un milieu naturel fragile qui se dégrade facilement et qui ne se récupère pas à l’échelle d’une vie. Il ne peut donc pas être considéré comme une ressource inépuisable… Les sols fertiles sont rares et représentent moins de 15 % de la surface terrestre.

60 % des sols sont déjà dégradés

Or, nous n’avons pris que tardivement conscience de leur importance et des menaces qui pèsent sur eux, demeurés longtemps l’angle mort des politiques publiques sur l’environnement (lire ci-dessous). Les activités humaines, agriculture intensive et urbanisation galopante en tête, les ont appauvris en matières organiques et en éléments minéraux et nutritifs, les ont transformés, salinisés, tassés, imperméabilisés, pollués…

On estime que plus de 60 % des sols européens sont déjà dégradés ! Un phénomène qui s’accentue et qui pourrait s’aggraver avec le changement climatique. Chaque année, la France perd 20 000 à 30 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers, selon l’Office français de la biodiversité. « 98 % des sols de France sont pollués par au moins un pesticide », rapportait le 11 décembre sur Radio France Marc-André Selosse, biologiste, spécialisé en botanique et mycologie. « Les sols sont résilients expliquait-il alors. […] Mais n’attendons pas qu’ils s’effondrent ! »

En 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) soulignait déjà l’importance de leur rôle dans la régulation du climat et l’impérieuse nécessité de changer notre système agricole et alimentaire, destructeur de biodiversité et émetteur de gaz à effet de serre. La gestion et l’utilisation des terres actuellement en vigueur dans le monde, s’alarmait-il, n’est tout simplement plus tenable.

La nécessité d’un droit des sols majeure

Les sols ont longtemps été les grands oubliés des politiques publiques sur l’environnement, contrairement à l’air et à l’eau. Mais l’idée de leur protection a fait son chemin chez les décideurs et représente aujourd’hui un enjeu majeur pour limiter le réchauffement climatique. En France, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a donc fixé l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon de 2050. Elle a également établi une étape intermédiaire de réduction par deux de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers d’ici 2030. Plus récemment, le 3 octobre dernier, le député Modem, Richard Ramos, a déposé une proposition de loi afin d’instaurer un audit obligatoire sur la qualité des terres lors des ventes de parcelles. Et le 23 octobre, au Sénat, Nicole Bonnefoy (Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) a déposé une proposition de loi visant à créer une stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols, sous la houlette d’un haut-commissaire.

L’Union européenne, de son côté, s’est un temps pris les pieds dans le tapis en abandonnant une directive-cadre sur le sujet en 2013. Dix ans plus tard, elle a fait de la protection des sols une de ses priorités dans le cadre de son Pacte Vert. Certes, la réautorisation du glyphosate ou encore le rejet des eurodéputés de réduire de moitié des produits phytosanitaires d’ici à 2030 ont semé le trouble. Toutefois, la Commission européenne a présenté, le 5 juillet dernier, une proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols. Le texte prévoit d’établir un cadre juridique afin de parvenir à un bon état des sols d’ici à 2050. Enfin, le 9 novembre, les États membres et le Parlement européen se sont entendus sur un texte qui prévoit la nécessité de restaurer 30 % des surfaces terrestres et marines dégradées d’ici à 2030.

Outils permettant de pailler les vignobles pour les protéger des chaleurs et de la sécheresse.

Exemple à Nothalten.

 

 

Hubert Gerber utilise l’outil Rolofoca dans ses vignes. « Le Rolofaca a pour objectif de coucher les couverts végétaux au sol et de les pincer pour arrêter la montée de la sève. »

Hubert Gerber utilise l’outil Rolofoca dans ses vignes. « Le Rolofaca a pour objectif de coucher les couverts végétaux au sol et de les pincer pour arrêter la montée de la sève. »

La tonte dans les vignobles ? « Il faudrait l’interdire », glisse Hubert Gerber qui dans ses vignes, au lieu-dit du Muenchberg, applique les préceptes d’une agriculture de conservation des sols. Adepte, par exemple, d’une couverture permanente de ses parcelles, il a conçu spécialement un outil de paillage avec Maurice Gerber, son frère Meilleur ouvrier de France en métallerie. « Après avoir lu divers articles sur le sujet, nous avons commencé à y travailler pour éviter la sécheresse des sols, raconte-t-il. C’était dans les années 2002-2003. Même si cela se faisait ailleurs, nous étions des précurseurs en France. Nous avons réalisé un premier modèle qui ne s’est pas avéré très bon, puis un second que nous continuons depuis à améliorer. »

Humidité et biomasse

D’abord réservé à leur propre usage, l’équipement produit par les frères Gerber à Nothalten est désormais utilisé par des viticulteurs dans tout le pays. Mais aussi à l’étranger, notamment en Italie et au Portugal. Baptisé Rolofaca, il se présente sous la forme d’un rouleau hérissé d’ailettes disposées en quinconce. Son passage couche les couverts végétaux, sans les arracher, et arrête la montée de leur sève. « Ces couverts sèchent alors sur place et constituent un paillis venant isoler et protéger le sol des chaleurs », se félicite Hubert Gerber. Ils n’empêchent pas pour autant la pénétration de l’eau de pluie tout en réduisant son évaporation. « Les pieds de vigne étant plus au frais, ils offrent un meilleur rendement », ajoute le viticulteur en mettant cette donnée en perspective « de l’actuel réchauffement climatique. On ne peut plus faire comme il y a 30 ou 40 ans. On doit s’adapter, évoluer. »
 

 

 

La pratique a également pour bienfait de « favoriser la biomasse », comprendre la présence des organismes vivants dans le sol. Celle-ci peut être jusqu’à trente fois supérieure à celle d’un terrain cultivé de façon traditionnelle. Le développement des lombrics est aussi favorisé par la lumière réverbérée par le paillage. Ce qui est un plus puisque ces vers vont se charger d’aérer la terre. De même, des insectes y trouvent un écosystème adéquat. Précision : pour parvenir à un bon paillis, des plantes particulières doivent être semées régulièrement en respectant les caractéristiques du terroir. Il peut s’agir de trèfles, de seigle, de lin ou encore, par exemple, de pois. Exit aussi, bien entendu, tout désherbant. « Avec cette technique, on laisse davantage faire la nature tout en économisant du travail, du temps et de l’énergie », insiste Hubert Gerber. Pas étonnant donc, selon lui, qu’elle séduise désormais au-delà du seul spectre de la viticulture. « Nous avons déjà adapté des Rolofaca pour des particuliers ou des arboriculteurs par exemple », relève-t-il en confiant « en avoir aussi envoyé au Togo et en Guadeloupe pour qu’ils servent dans des bananeraies ».

Le paillage d’un vignoble avec un Rolofaca ou un autre rouleau du même type, peut se faire à l’aide d’un engin motorisé ou de chevaux. De façon générale, on estime à 3 % la part des viticulteurs français recourant à la traction équine pour entretenir leurs parcelles. « L’écologie des sols » est leur première motivation, selon la dernière grande enquête menée sur le sujet par l’Institut français du cheval et de l’équitation en collaboration avec l’Institut français de la vigne et du vin. Le passage des chevaux réduisant les problèmes de tassement générés par les tracteurs, le taux d’activité biologique des sols en sort grandi. Leurs besoins en eau diminuent également. Soucis. Aussi séduisante soit-elle sur le papier, la traction équine fait face à des freins, relèvent les participants à ladite enquête. Ils évoquent, pêle-mêle, « des difficultés en termes de compétences, de coût d’entretien du cheval, de manque de main-d’œuvre et de formation, notamment concernant les soins aux animaux ».

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
Tout à fait d'accord avec Toll concernant ces horribles pelouses synthétiques. Il y en a même dans notre village. Quand je vois l'état du sol après l'explotation forestière par d'énormes engins je suis attristé; tout est dévasté. Les champignons ne sont pas près d' y repousser.
Répondre
A
Tout à fait Bern@rd. Beaucoup de travail encore pour améliorer la situation des sols<br /> <br /> Roland
T
Un article très intéressant. <br /> Pensons aussi à l'impact dangereux - écologique et sanitaire - des pelouses artificielles et gazons synthétiques. <br /> Le football et autres sports, c'est des gros sous, que peut-on faire?<br /> <br /> Quant aux fausses pelouses de jardins, elles ne cessent de gagner du terrain. Leurs promoteurs leur prêtent même des avantages écologiques (épargne d'eau, de pesticides, d'azote)! <br /> Où sont donc les sanctions contre la publicité mensongère?<br /> La canicule a des effets désastreux sur les fausses pelouses. Elles sont à bannir absolument.
Répondre
A
Merci Toll de ces réflexions pertinentes sur les sols artificialisés<br /> <br /> Roland