Enquête mycologique Russule tachée Russula - illota Romagnesi
Publié le 3 Février 2024
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel. L’enquêteur de la brigade d’identification des champignons apprécie tout particulièrement d’arpenter les forêts pour recenser tous les gangs fongiques qui s’y trouvent.
Scène du crime
Nous sommes le 9 août 2023, dans la forêt de Sarre-Union, sous feuillus, principalement des hêtres
Arme du crime
C’est un champignon qui pousse au sol, sans agglomérer des débris de bois à la base du pied. Nul doute qu’il est mycorhizien.
Profil du suspect
Son profil est classique, pied chapeau, avec une silhouette tricholomoïde (donc une silhouette de tricholome, pied et chapeau imposants), avec une belle couleur jaune ocre. Les lames sont adnées.
On pense immédiatement, avec ce type de couleur, à une russule. C’est effectivement un bon réflexe mais attention toujours aux exceptions.
On réalise le test de cassure du pied ; ce dernier brise net comme de la craie, pas d’écoulement de lait, on est bien dans le genre Russula. Dès qu’on est en présence de ce genre, il y a des observations immédiatement à faire :
- nombre de lames par rapport au nombre de lamellules : nettement supérieur
- lames : les arêtes sont ponctuées de brun et la marge du chapeau cannelée
- odeur : forte, d’amande amère. Un critère important
- saveur : acre. Hé oui, il est indispensable de goûter une russule, sans oublier de recracher après, pour avoir cette information essentielle. Douce ou piquant, c’est une observation déterminante
- couleur du pied : blanchâtre
- éventuelle coloration de la chair : pour cela on coupe le champignon dans la longueur et on observe la chair ainsi mise à nu. Elle reste blanche
- quels sont les arbres en présence, le type de sol. On est en présence de hêtres, de charmes, quelques chênes, sur un sol légèrement acide.
- test aux réactifs : pour les russules on utilise principalement le gaïac et le sulfate de fer. Les néophytes n’auront pas ces réactifs chez eux ; s’ils se contentent déjà de bien relever les points précédents, c’est déjà beaucoup. Ici, le gaiac est bleu et le fer rose pâle sur les lames et le pied.
Réaction au Gaiac et sulfate de fer de la Russule tachée Russula illota -Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Ces observations sont suffisantes pour identifier le spécimen comme la russule tachée Russula illota Romagnesi
Statut selon l’INPN : Classé en Préoccupation Mineure (LC) sur la Liste rouge des champignons menacés d’Alsace
Comestibilité : sans intérêt
La conclusion de l’enquêteur
Les russules sont un genre passionnant, en plus d’être de beaux champignons avec leurs couleurs exubérantes. Identifier une russule demande de la méthodologie (c’est le cas pour tous les champignons). Certains mycologues, les russulologues, se sont spécialisés dans ce genre.
J’ai l’habitude d’avoir en forêt (d’ailleurs partout où je vais) un carnet pour prendre des notes. Toute information concernant un champignon est bonne à inscrire pour s’y référer.
Vous trouverez ci-après une clé de détermination pour les russules, certes non exhaustive : http://smp24.fr/index_htm_files/Cle%20des%20Russules%20du%20Perigord.pdf
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)