« Il pue » et « attire les rats » ? Stop aux idées reçues sur le compost

Publié le 19 Avril 2024

Contrairement aux idées reçues, presque tous les biodéchets peuvent être mis au compost.

Paru sur Reporterre le 26 mars 2024 transmis par Francis . Merci Francis.

Mettre ses biodéchets dans un compost attirerait les rats et les moucherons ? Une spécialiste nous aide à déconstruire les idées reçues, à l’occasion de la quinzaine Tous au compost.

Faire un compost ? « Oui, mais je ne veux pas faire venir les rats et les moucherons. Sans parler des mauvaises odeurs ! » Quand on aborde la question des biodéchets, cette ritournelle sur l’hygiène revient immanquablement. Et avec elle, son lot de croyances sur ce qu’on peut — ou pas — mettre au compost.

« Je m’occupe depuis cinq ans du compost dans la cour de mon immeuble, situé porte de Bagnolet [à Paris], un lieu où les rats sont pourtant nombreux, mais je n’ai jamais vu le moindre rat, ni la moindre souris dans notre bac », assure Virginie Drouet. Certes, cette dernière est une experte, puisqu’elle est maître-composteuse pour Est Ensemble, la collectivité territoriale du Grand Paris. Cependant, pas besoin d’être diplômé pour faire un bon compost, sans rongeur ni odeur.

« Tout se composte ! », insiste-t-elle. C’est d’ailleurs le leitmotiv de la 11ᵉ édition de la quinzaine Tous au compost, organisée par le Réseau Compost Citoyen (RCC), du 23 mars au 7 avril partout en France. « Cette année, le RCC veut déconstruire des mythes tenaces autour du compostage, par exemple, des produits carnés ou des agrumes », explique l’organisme qui regroupe quelque 1 100 adhérents. Virginie Drouet nous aide à démêler le vrai du faux.

1 — « La viande et le poisson attirent les rats »

Faux. Le rat est un animal omnivore. La viande ou le poisson ne l’attirent donc pas plus que les épluchures de légumes, insiste Virginie Drouet. « Le compost est un lieu idéal pour les rongeurs car ils y trouvent à la fois le gîte — dans un compost, il fait chaud — et le couvert. Mais s’il y a des rats, c’est qu’ils étaient déjà là avant le compost. » Ils ne vont en réalité s’installer que dans les composts dont on ne s’occupe pas, ceux que Virginie Drouet appelle « les pourrissoirs ». La solution : entretenir son compost en ajoutant des matières sèches (feuilles mortes, broyat, brindilles...) et en le mélangeant régulièrement pour éviter les paquets.

« En mélangeant, on aère, on envoie de l’oxygène et on évite les poches de méthane issues de la fermentation et responsables des mauvaises odeurs », explique l’experte. Et on dérange les possibles squatteurs à quatre pattes. Pour celles et ceux qui voudraient se prémunir de toute invasion, il est possible d’installer un « grillage à poule » au fond du bac.

2 — « L’ail, les oignons, les échalotes et les agrumes font fuir les vers »

Faux. « C’est une croyance qu’on entend souvent. Je ne sais pas d’où elle vient », dit la maître-composteuse. Pour elle, il n’y a aucun problème à mettre les épluchures d’ail ou d’oignon dans le bac. « Certes, ils sont vermifuges, mais l’espace est grand dans un composteur. Les vers ne vont pas quitter le compost pour quelques épluchures. » Concernant les agrumes, là aussi, tout est question de quantité. M

Tous les déchets alimentaires peuvent prendre place dans un compost.

Bien sûr, si vous mettiez de grosses quantités, cela pourrait poser un problème en raison de l’acidité de ces déchets. Mais, dans la vraie vie, on ne jette jamais des kilos d’épluchures d’orange ou de citron en même temps. » Une astuce pour que les déchets se décomposent plus vite : les couper en petits morceaux.

3 — « Le carton peut servir de matière sèche »

Vrai et faux. Pour obtenir un bon compost, il est indispensable de savoir l’équilibrer entre matières azotées (déchets frais) et matières carbonées (matières sèches). Ni trop, ni trop peu. Feuilles mortes et brindilles peuvent servir de matière sèche. « L’idéal, c’est le broyat issu de l’élagage. Ces petits copeaux de bois sont très pratiques à mélanger et structurent bien le compost, en apportant de l’air », conseille Virginie Drouet. Mais on n’a pas toujours assez de ces matières sèches sous la main.

On peut alors ajouter de la cellulose sous forme de papier journal, de sacs en kraft (ceux dans lesquels on aura mis nos épluchures de légumes, par exemple) ou bien de boîtes d’œufs, préalablement découpées en petits morceaux. « Qu’elles soient blanches, jaunes, roses ou vertes, on peut mettre toutes les boîtes d’œufs, car ce sont toujours des colorants alimentaires qui sont utilisés pour les contenants en contact avec les aliments. » Autre solution : le carton du papier toilette ou de l’essuie-tout. En revanche, attention avec les cartons d’emballage pour les colis : « Ils auront tendance à faire une pâte un peu compacte et à empêcher la bonne aération du compost », prévient la maître-composteuse.

4 — « Les coquilles de noix, les os, les coquillages ne se décomposent pas »

Faux. Toute matière organique se décompose. « On peut tout à fait mettre ces déchets dans son bac, ils mettront seulement beaucoup plus de temps à se décomposer », selon Virginie Drouet. Ils peuvent même aider à aérer le compost. Lorsque le compost est mûr et qu’on veut l’utiliser, il suffit de le tamiser et de remettre les restes d’os et coques dans le bac. Pour les coquilles d’œuf, le mieux est de les broyer un peu pour qu’elles se décomposent plus rapidement.

5 — « On peut mettre des sacs plastiques s’ils sont biodégradables ou compostables »

Faux. « Il faut tester, mais souvent, ces sacs se décomposent mal. Il reste toujours du plastique qu’on retrouve sous forme de longs filaments », constate la spécialiste. Sur ce point, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) déconseillent fortement de mettre ces sacs dans le compost. Quant aux capsules de café dites « compostables », il faut tester au cas par cas, conseille la professionnelle. « Certaines fabriquées avec des sachets en papier se décomposent très bien », assure-t-elle. Même chose avec les sachets de thé en papier.

6 — « On peut mettre la tonte de pelouse »

Vrai et faux. Pas question de mettre la tonte de pelouse fraîche dans le compost. « C’est une matière fortement azotée qui va entraîner une fermentation rapide du compost », prévient Virginie Drouet. On risque alors d’étouffer le compost, qui n’aura plus d’air pour que les micro-organismes puissent commencer le travail de décomposition. On observera le même phénomène d’asphyxie avec la cendre, par exemple. On peut cependant mettre un peu de tonte, mais uniquement après l’avoir étalée et laisser sécher.

7 — « On ne peut pas mettre de mouchoirs usagés, à cause des virus et bactéries »

Faux. « Je mets sans problème mes mouchoirs en papier. C’est de la cellulose », explique Virginie Drouet. Il faut savoir que la chaleur dégagée par la fermentation permet de tuer les principales bactéries. Dans un compost individuel, la température peut monter jusqu’à 40 ou 50 °C. Dans un compost partagé de quartier, plus grand, la montée en température peut atteindre les 70 ou 80 °C. Dès lors, l’hygiénisation est garantie.

8 — « On ne peut pas composter la litière du chat ou la litière des toilettes sèches »

Vrai et faux. Qu’il s’agisse d’excréments animaux ou humains, ils contiennent des pathogènes, avertit notre experte. « Il faut compter au moins un an et demi pour que ces pathogènes disparaissent. » Il est cependant possible de composter ces matières, à condition de prévoir un compost spécifique que vous laisserez reposer plus longtemps que le compost de vos biodéchets de cuisine.

Les lombricomposteurs, souvent utilisés en ville présentent plus de contraintes que les composts classiques. F

Conclusion : tout se composte, ou presque ! Il s’agit surtout de garder un équilibre entre les différentes matières et de ne pas mettre certains déchets en excès. « Et ce n’est pas parce qu’on a un compost qu’il faut jeter tout et n’importe quoi, souligne Virginie Drouet. La priorité reste toujours de limiter au maximum le gaspillage alimentaire ! »

Compost n’est pas lombricompost !

Le lombricompost est un compost miniature, plutôt utilisé par les citadins. Des mini-bacs sont ainsi conçus pour l’intérieur ou le balcon. Les apports ne seront pas exactement les mêmes que pour un compost. Les lombrics étant plus délicats dans cet espace confiné, certains biodéchets sont déconseillés, comme les épluchures d’oignon, d’ail ou d’échalote, en raison de leurs propriétés vermifuges. Même chose pour la peau des agrumes, trop acide. Pas question non plus d’y déposer les restes de viande ou de poisson ainsi que les matières grasses (sauces, fromages, crème, huiles…).