Comment nos jardins s’adaptent à la crise climatique

Publié le 14 Juin 2024

« Un jardin adapté au changement climatique se mesure à la diversité et à la complémentarité des végétaux pour maintenir un équilibre biologique toute l’année »,

« Un jardin adapté au changement climatique se mesure à la diversité et à la complémentarité des végétaux pour maintenir un équilibre biologique toute l’année »,

paru surl'Alsace le 20/3/2024

Des hivers de plus en plus doux, des étés caniculaires et des pluies diluviennes en automne… Premiers témoins du changement climatique, les jardiniers sont contraints d’adapter leurs pratiques et de bousculer leurs habitudes.

Les jardiniers en herbe vont pouvoir planter fleurs et arbustes pour garnir leurs massifs, balcons ou terrasses… En France, ils seraient 17 millions à jouer de la grelinette, que ce soit en ville ou à la campagne. Il faut dire que la crise sanitaire a donné un sacré coup de pouce au secteur qui a représenté 8,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022. Il n’y a qu’à voir le nombre de livres et de vidéos fleurissant sur le sujet pour prendre la mesure du phénomène.

La grande tendance du moment : le potager en permaculture, qui profite du retour de l’inflation. Même les poules sont de la partie. Selon une étude en 2022 de l’Observatoire de la consommation responsable pour l’enseigne Gamm vert, « 10 % des Français élèvent des poules ». Le jardin est devenu un vrai lieu d’engagement pour préserver la biodiversité et l’environnement pour 8 Français sur 10, selon une étude Unep/Ifop, de 2022.

 
epuis quelques années, les poules ont la cote dans les jardins des Français

epuis quelques années, les poules ont la cote dans les jardins des Français

Des jardins mis à dure épreuve

« Qu’ils soient cultivés ou spontanés, les végétaux contribuent à la biodiversité et nous rendent d’innombrables services, confirme Jérôme Jullien, ingénieur en agro-environnement, expert national en surveillance biologique du territoire. Ce sont des puits de carbone, ils rafraîchissent l’atmosphère grâce à l’évapotranspiration mais aussi grâce à l’ombrage qu’ils apportent. Ils fixent les sols, évitent leur érosion et leur engorgement, sont d’efficaces brise-vent… En somme, ils participent aux équilibres de nos écosystèmes. »

Mais depuis quelques années, les conséquences de la crise climatique mettent à dure épreuve nos végétaux et la biodiversité qui s’y développe. Floraisons précoces puis gelées dévastatrices, disparition de certains insectes et petits mammifères, prolifération des maladies et des ravageurs opportunistes, sécheresse, inondation… Pour Jérôme Jullien, « le phénomène s’est aggravé depuis la canicule de 2003. Le climat méditerranéen remonte progressivement vers le Nord. Cette année, on a 15 jours, trois semaines d’avance de végétation par rapport aux normales… Avec des risques de gelées tardives au mois d’avril. »

 

Observer et coopérer avec la nature

Ces évolutions nous obligent à écouter davantage la nature et à adapter nos pratiques. Maintenir l’équilibre biologique, c’est d’ailleurs au centre du concept défendu par le jardinier Gilles Clément, théoricien du “jardin en mouvement” qui repose sur l’idée d’une coopération avec la nature : laisser les espèces végétales se développer librement tout en accordant une place centrale à l’observation. « Faire le plus possible avec et le moins possible contre », peut-on résumer. « Cela signifie qu’il faut toujours laisser des coins de nature dans son jardin pour la biodiversité, précise Jérôme Jullien, mais il faut faire attention à ce qu’il n’y ait pas de plantes invasives qui coloniseraient les cultures. »

Assurer des floraisons toute l'année

Alors, après un hiver 2024 au-dessus des normales de saison, comment les jardiniers doivent-ils aborder ce printemps annoncé chaud et sec ? « Déjà, il ne faut pas tout miser sur les floraisons printanières, explique Jérôme Jullien. Un jardin adapté au changement climatique ne se mesure pas aux kilomètres de pétunias ou de géraniums mais à la diversité et à la complémentarité des végétaux pour maintenir un équilibre biologique toute l’année. C’est fondamental. » Pour cela, « il faut assurer des successions de floraisons, pour donner de la ressource en nectar et en pollen. Par exemple, le noisetier ou l’aulne font des “chatons” [fleurs mâles, NDLR] en février-mars tandis que le lierre, lui, fleurit en automne. »

Ensuite, il est impératif de se renseigner sur la nature du sol afin de lui apporter toute la matière organique dont il a besoin (compost, fumier décomposé…), ce qui favorisera l’activité biologique, améliorera la rétention d’humidité et assurera la bonne circulation de l’eau et de l’air. « Les paillages organiques sont essentiels, insiste Jérôme Jullien. Ils vont se décomposer sous l’action des vers de terre et des micro-organismes pour amender la terre. »

Le lierre fleurit en automne.

Le lierre fleurit en automne.

Bien choisir ses espèces

Il faut également bien choisir ses espèces. « Et on peut se faire plaisir avec de belles plantes d’ornement, des espèces potagères adaptées. Il y a toute une palette végétale : des plantes horticoles, locales, des fruitiers et même des plantes exotiques… à condition de demander conseil à des professionnels », avertit l’ingénieur.

Enfin, il faut établir un planning et planter à la bonne saison. « Tout le monde se précipite sur le gazon en ce moment alors qu’il vaut mieux le semer fin septembre, avertit Jérôme Jullien. Les fraisiers, c’est pareil. Il vaut mieux les planter en septembre-octobre, avant les premiers froids, parce qu’ils vont s’implanter et faire leur système racinaire tranquillement. Ils seront plus forts au printemps pour produire des fraises dès la première année et seront moins tributaires de l’arrosage. » À vous de biner !

Adobe Stock

La délicate question de l’arrosage

C’est l’un des plus grands défis lancés à nos jardins par le réchauffement climatique : comment les aider à faire face aux sécheresses de plus en plus intenses et prolongées ? « La première chose, c’est de cultiver des végétaux bien adaptés au milieu et à l’évolution du climat, nous apprend Jérôme Jullien. Qu’ils soient capables de résister à des conditions extrêmes. Ensuite, il faut mettre des haies brise-vent qui feront barrage aux vents asséchants et améliorer la teneur en matière organique du sol, grâce aux apports de fumiers ou composts et au paillage, pour augmenter la capacité de rétention d’humidité. »

Confronté aux pluies successives en automne, en hiver et parfois au printemps, le sol doit pouvoir conserver l’eau le plus longtemps possible. « Cela constitue des réserves pour plus tard et c’est essentiel. » Il faut faire attention à la distance des plantations. « Les plantes cultivées de façon très dense vont entrer en compétition pour la recherche en eau et en minéraux. C’est très tendance, mais ce n’est pas durable… »

Enfin, au moment de l’arrosage, « éviter l’aspersion et éviter de le faire en pleine journée, conseille l’ingénieur. Je préfère le matin à la fraîche. Il vaut mieux arroser beaucoup, mais peu souvent. Quand on arrose un peu tout le temps, le système racinaire reste superficiel et ne va pas plonger. On peut arroser les feuilles mais quand il fait frais. Cela va favoriser l’ouverture des stomates et donc les échanges gazeux avec l’atmosphère. »

«  Les paillages organiques sont essentiels, insiste Jérôme Jullien. Ils vont se décomposer sous l’action des vers de terre et des micro-organismes pour amender la terre. »

«  Les paillages organiques sont essentiels, insiste Jérôme Jullien. Ils vont se décomposer sous l’action des vers de terre et des micro-organismes pour amender la terre. »

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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T
Je suis ravie que cet article sur le jardinage fasse l'objet d'un blog ANAB.<br /> La différence entre le jardin que l'on cultive et la nature sauvage est encore bien trop marquée. Beaucoup trop de jardins sont des espaces proprets et "stériles", un peu comme une sorte de décoration intérieure en extérieur. <br /> En fait le jardin fait partie de la nature et devrait accueillir plus d'éléments de la nature - au risque de paraître plus "désordonné".<br /> Quand on habite à la campagne, on prend souvent le jardin comme acquis.<br /> Ce sont donc les urbains qui ont vraiment fait preuve de créativité pendant le confinement de la pandémie. On a fait place aux plantes à la fois comestibles et décoratives. On voit des jardins miniature dans des bacs, des pots, sur des balcons, dans des espaces minuscules.<br /> Le potager est encore souvent associé à un grand effort physique dont on ne se sent pas/plus capable. En réalité le jardinage "no dig" (jardinage sans retourner la terre) fait ses preuves.<br /> Je me permets 3 liens, en espérant qu'Overblog voudra bien les accepter.<br /> <br /> https://fr.wikipedia.org/wiki/Jardinage_sans_b%C3%AAcher<br /> https://permacool.fr/blog/jardiner-sans-labourer-cest-possible/<br /> https://youtu.be/oKiYprIFL2Q
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A
Merci beaucoup Toll de toutes ces informations intéressantes, de ces liens et de cette pédagogie. De quoi faire un article.... 😁<br /> <br /> Roland
S
C très enrichissant, moi j'ai juste un rebord de fenêtre, trop petit pour recevoir un bac<br /> C dommage
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T
Rebonjour Sophie, voici un lien qui pourrait être utile.<br /> https://www.gammvert.fr/conseils-idees/comment-installer-une-jardiniere-a-la-fenetre#choisir-une-jardiniere<br /> Bonne journée!
S
Un jardin mon rêve <br /> Très intéressant
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T
Bonjour Sophie. On devine ton enthousiasme. Depuis la pandémie et les confinements on voit de plus en plus de petits jardins. Certains pas plus grands que des bacs, sur un balcon ou ailleurs. Des mélanges de fleurs et de légumes.<br /> C’est réjouissant.