Le Disparate, la Spongieuse, le Zigzag - (Lymantria dispar)
Publié le 12 Juin 2024
Voici un joli papillon de nuit. Son aspect feutré et esthétique ferait presque oublier que ses chenilles peuvent être une vraie calamité pour les arbres lors de leurs reproductions explosives.
Martine et Roland
Nom scientifique : Lymantria dispar (Linnaeus, 1758)
Origine du nom :
« Lymantria», signifie en grec « destructeur » en référence à l’appétit de ses chenilles pour les feuilles et « dispar », séparé, fait allusion à l’allure très différente du mâle et de la femelle.
Noms communs : le Disparate ( ou le Bombyx disparate ) car il existe un dimorphisme sexuel très marqué entre mâles et femelles tant au niveau de la couleur, de la taille et de l’ornementation des ailes.
Son nom de Spongieuse vient de l’aspect en éponge de la ponte, ses œufs étant mélangés à du mucus et aux poils que la femelle prélève au niveau de son abdomen.
Zigzag rappelle les lignes noires brisées sur le dos de la femelle.
Nom allemand : Schwammspinner.
Nom anglais : gypsy moth or spongy moth.
Observation : le 9 août à Sarrewerden (67- Bas-Rhin).
Classification : ce papillon fait partie de la famille des Erebidae, famille incluse dans la superfamille des Noctuoidea, papillons en majorité nocturnes.
Cette famille compterait selon les sources, 24 500 espèces différentes de par le Monde. La classification a beaucoup évolué si bien qu’il existe selon les sites spécialisés, des écarts entre le nombre d’espèces au sein de cette famille et dans la hiérarchie des niveaux de classification. L’explication est que la classification est encore instable et n’est pas acceptée par tous les spécialistes.
En 2005, il est apparu que les papillons devaient être regroupés selon le nombre de nervures des ailes.
Les Erebidae ont 4 nervures terminales (ou quadrifin) tandis que les Noctuidae également inclus dans la superfamille des Noctuoidea ont 3 nervures terminales ou trifin.
En 2011 l’analyse génétique, une fois de plus, est venue confirmer ce nouvel ordre des familles de papillons.
Dimensions : l’envergure du mâle est de 38 à 40 mm, celle de la femelle de 60 à 62 mm, elle est donc bien plus grande (+50%).
Description: la face supérieure des ailes antérieures du mâle est gris-brun avec des zébrures noires floues et diffuses. Les ailles postérieures sont plus claires. Les antennes sont en forme de peigne à la surface très développée pour capter les phéromones. Son vol est agile et long.
Les ailes de la femelle sont blanc-cassé avec des zigzags noirs bien détaillés. Le corps est terminé par une protubérance brune. Les antennes sont filiformes. Son vol est lourd et elle ne se déplace qu’à la tombée de la nuit.
Période d’observation des adultes et reproduction : vers juillet-août
Ce Disparate ne vit qu’une semaine à l’état adulte. L’émergence des mâles a lieu un à deux jours avant celui des femelles.
La femelle émet des phéromones pour attirer les mâles deux heures après son émergence.
La parade nuptiale est réduite au minimum, la femelle soulevant ses ailes quand elle accepte l’accouplement.
Elle peut s’accoupler immédiatement et pondre ses œufs aussitôt à moins d’un mètre de sa chrysalide.
Ceci provient du fait que malgré sa taille, elle est tout juste apte au vol. Elle meurt dans les 24 h qui suivent la ponte.
Plantes hôtes : cette chenille n’est vraiment pas difficile pour la nourriture 😀. Elle est dite « polyphage » et mange les feuilles de chênes, charmes, saules, bouleaux, résineux, fruitiers, ormes… Cette diversité de plantes fait le succès ravageur de cette espèce qui trouve toujours de quoi se nourrir.
Les chercheurs évaluent à plus de 500 le nombre d’espèces d’arbres attaqués par les chenilles du Disparate.
Les préférences de la chenille varie selon le lieu. Le chêne liège en Espagne par exemple, le peuplier et les saules dans le delta du Danube.
Problème ! les chenilles mangent les feuilles d’un arbre jusqu’à 70% de la masse foliaire et souvent jusqu’à la dernière feuille !
Les arbres font des repoussent en juin après l’attaque. Les chênes sont plus sensibles. Certains affaiblis par d’autres maladies ou prédateurs vont dépérir.
Biologie et activité : les œufs sont pondus par la femelle dans les anfractuosités des troncs d’arbres, en général dans les parties les plus fraîches, à l’ombre. Elle peut pondre aussi sur d’autres supports abrités y compris dans les nids d’oiseaux.
Elle dépose ses œufs par paquets de 100 à 1200 avec une moyenne de 750.
Les œufs sont la forme d’hivernage de ce papillon et résistent fort bien au gel, jusqu’à -30°C.
Ils sont protégés du froid et des prédateurs par les poils urticants déposés par la femelle sur sa ponte. Ils vont perdre leur couleur rouge pour devenir gris.
Les œufs de papillons sont tous munis d’un orifice à leur extrémité, le micropyle. La paroi des œufs est solide car elle est en chitine. Il est donc indispensable d‘avoir une entrée d’air pour la respiration de l’œuf puis pour la larve qui va s’y développer.
Au sortir de l’œuf, la petite chenille va passer par le micropyle et manger le reste de la paroi de l’œuf. Sans ce repas, elle ne peut pas survivre. Cette paroi contient donc des substances indispensables à son développement futur.
Les œufs écloront six mois plus tard. La durée d’éclosion dépend de la température externe.
Les chenilles peuvent être observées de mars à juillet. Elles se développent en de nombreuses étapes ( jusqu’à 11 ) pour passer ensuite au stade de chrysalide lors de la nymphose. Cette période dure environ 10 semaines.
Les chenilles à l’éclosion et au premier stade peuvent se faire transporter par le vent ce qui décuple leur diffusion. Au second stade elles vont dévorer les nouvelles feuilles des plantes hôtes. Les chenilles dévorent d’abord l’intérieur très tendre des feuilles et laisse les extérieurs intacts. Quand elles grandissent elles mangent toute l’épaisseur des feuilles.
La chenille, photo ci-dessus, atteindra 40 mm à 70 mm de long. Elle a le corps gris et porte des poils urticants. Des verrues rouges et bleues apparaissent au quatrième stade de développement.
Les chenilles se déplacent vers le houppier( le sommet ) de l’arbre en début de journée et se réfugient la nuit dans un nid au pied du tronc.
En fin de cycle, elles s’entourent d’un fil de soie à l’abri duquel elles se métamorphosent en papillon adulte.
Ce stade de chrysalide dure 7 à 14 jours selon le climat et le sexe.
Ce papillon ne peut produire qu’une génération par an
Nourriture des adultes : certains papillons de nuit adultes ne se nourrissent pas car ils vivent quelques jours seulement. Ceci explique qu’il n’existe pas de données sur son alimentation.
Confusion : avec des espèces voisines comme par exemple, la Nonne, Lymantria monacha qui vit sur les mêmes arbres.
La processionnaire du chêne, Thaumetopoea processioneae en est un autre . Ses chenilles sont bien plus allergisantes que celle de notre Disparate du jour.
Habitat : ce papillon est présent partout dans l’hémisphère nord jusqu’au Japon.
Il a été introduit en Amérique du Nord à la fin du XIX siècle par un éleveur de vers à soie qui voulait le croiser avec d’autres espèces.
Certains papillons se sont échappés et ont ravagé les forêts de quelques états comme l’Illinois et la Caroline du Nord.
Il a été combattu au moyen de produits chimiques.
Prédateurs: Chauve- souris, oiseaux (Sittelle, Geai, mésanges ).
Boukoulava (1) cite une centaine d’insectes prédateurs des chenilles et de l’imago , en particulier des coléoptères, ichneumons, braconidae, tachinidae, araignées et libellules.
Protection et statut : ce papillon ravageur ne bénéficie d’aucun statut de protection.
Il est classé numéro 3 mondial au niveau financier pour ses dégâts. (par exemple 250 millions de dollars de traitement en 2011 aux Etats-Unis )
Les Disparate adultes sont attirés par la lumière et vont pondre dans les ports et sur les navires ce qui va accroitre leur dispersion.
Les chenilles consomment 10 mg de feuilles pour chaque mg de masse corporelle. Cela correspond à 3 feuilles pour un mâle jusqu’à l’âge adulte.
Une larve femelle peut consommer 6 fois plus, soit 1 000 cm2 de feuilles.
Pour lutter contre les chenilles de ce papillons qui peuvent défolier des forêts entières, plusieurs méthodes sont utilisées.
Après avoir utilisé des produits chimiques très toxiques ( certains à base d’arsenic ), la panoplie des produits est devenu moins agressive.
Les forestiers utilisent à présent des solutions de bactéries ou de virus, comme le Baculovirus pour asperger les arbres, de champignon microscopique ( Entomophaga maimaiga) ou des pièges à phéromones pour perturber la reproduction.
A noter qu’en Europe, l’écologie forestière est plus complexe qu’en Amérique du Nord où elle est moins diversifiée.
La forêt européenne est donc plus résiliente vis-à-vis de l’ infestation par ce papillon.
En Alsace, l’épisode d’attaque de 1994 a provoqué la défoliation de 23 500 hectares.
Médecine :
Les poils très fins et urticants de la chenille contiennent de l’histamine et des enzymes protéolytiques. Ils peuvent produire des allergies sévères chez les personnes allergiques polysensibilisées.
Texte et photos : Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab)
Identification papillon : Martine
Bibliographie :
1.Très joli et instructif, le Guide complet des papillons de jour de Lorraine et d’Alsace – JY Nogret /S Vitzthum, édition Serpenoise..
2/ Lymantria dispar (L.) (Lepidoptera: Erebidae): Current Status of Biology, Ecology, and Management in Europe with Notes from North America – Maria Boukoulava sept 2022
3/ Dernière attaque de chenilles processionnaires en Alsace 25/8/2023 FR3