Le Trolle d'Europe, Boule-d'or (Trollius europaeus)
Publié le 29 Juin 2024
Vous ne la trouverez que dans des endroits ensoleillés et humides.
Roland
Nom scientifique : Trollius europaeus L., 1753
« Europaeus » vient d’Europe évidemment.
Autres noms communs : Trollière, Renoncule de montagne
Nom allemand et dialecte: Trollblume
Nom anglais : Globeflower
Date et lieu de l’observation : le 7 juin à Metzeral et le 20 juin à Guillaumes (06)
Famille de plantes : celle de l’anémone et du bouton d’or (Renonculacées). Cette famille contient 56 genres et plus de 2100 espèces dont plus de 400 pour le genre « Ranunculus » qui signifie la petite grenouille, type Bouton d’or. La plupart des plantes de cette famille sont toxiques car ils contiennent des alcaloïdes comme la proto-anémonine, une cardiotoxine. Certaines sont mortelles et portent bien leur nom comme l’Aconit tue-loup.
Ce sont pour l’essentiel des plantes herbacées avec de rares espèces ligneuses et plutôt répartis dans l’hémisphère Nord.
Les généticiens-botanistes les ont identifiées comme étant des plantes primitives en raison du grand nombre d’étamines disposées en hélice et de leurs carpelles libres.
Beaucoup de renonculacées ont des fleurs à 5 pétales et 5 sépales libres, mais leurs formes peuvent être très variées :
En apparence, il n’y pas grand-chose de commun entre l’aconit et les anémones ou avec les hellébores et les clématites. Pourtant toutes ces plantes s’enchaînent dans leur histoire évolutive. Elles sont reliées les unes aux autres par des espèces intermédiaires. Un des rares points communs est l’embryon qui est petit avec un albumen charnu contenant les réserves.
Genre Trollius : difficile d’imaginer qu’il existe une trentaine d’espèces ayant cette forme de fleur. La couleur des sépales varie, du jaune au blanc à rougeâtre et il existe même une espèce en bleu-violacé (4). Les fleurs ont de 5 à 9 sépales, rarement 15 comme chez ce Troll d’Europe. C’est d’ailleurs le Trollius le plus globuleux et le seul fermé. Ce genre aime les endroits humides, les sols lourds et argileux et souvent les montagnes. Les espèces Trollius farreri et Trollius micranthus prospèrent entre 3500 et 4700 m au Tibet ; Trolius laxus entre 100 et 500 m dans le Connecticut et l’Est des Etats-Unis…
Catégorie : plante vivace, rampante, indicatrice de milieux humides
Hauteur : 20 à 50 cm (quelquefois 70 cm)
Tige : glabre, non ramifiée. Elle est issue d’un rhizome. Les plants forment des touffes compactes.
Feuilles : de couleur vert foncé, plus présentes dans le bas de la plante, elles sont très découpées à partir du point d’alimentation de la feuille, la nervure. Les 5 lobes sont dentés, découpés jusqu’à la nervure (palmatiséqués). Les feuilles de la tige ne sont pas pétiolées.
Floraison : mai à juillet
Il faut entrouvrir la fleur pour les trouver. En effet, les pétales sont cachés par les sépales et sont ces 5 à 15 petites languettes jaunes et fines à la périphérie des étamines.
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Pourquoi la Nature a-t-elle modifié les pétales de cette manière ? Merci aux savants qui nous lisent de nous éclairer sur ce mystère.
Le Trolle d’Europe possède de nombreuses étamines libres et carpelles ainsi que des nectaires. Les carpelles se terminent par une pointe courbée qui persistera sur le fruit.
Pollinisation : la particularité de cette fleur est d’être pollinisée en Europe par un seul genre de mouche, Chistocheta (ou chiastochètes) et plus précisément par 6 espèces de ce genre. Elles se reproduisent dans la fleur, consomment nectar et pollen et la pollinisent. Elles sont visibles sur deux des photos de cet article et surtout sur la photo à 3 trolles.
Ils pondent leurs œufs sur cette plante. Les larves qui en sortiront vont se nourrir des graines du Trolle. Ces mouches pollinisatrices sont donc aussi des parasites ! Les chercheurs ont remarqué que seules les mouches les plus vigoureuses parviennent à traverser cette barrière des sépales.
Cette association qui lie le pollinisateur à la plante qui le nourrit existe pour plusieurs espèces de plantes (les yuccas). Elle est appelée « pollinisation mutualiste obligatoire ».
Curieusement en Asie cette association n’est pas obligatoire pour les trolles de cette région qui sont indemnes de Chistocheta et de leurs larves. Laurence Després (2) de l’Université de Grenoble a étudié la génétique des 6 espèces de mouches. Elle n’a pas trouvé de parenté très proche mais elles forment toutefois un clade, une unité génétique ayant le même ancêtre. Ceci indique que des évènements de diversification ont impliqué des changements d’hôtes et de répartition de la plante.
Cette plante peut se passer des mouches car elle est capable de s’autopolliniser.
Confusion : peu probable, plante à aspect unique
Habitat : il est présent sur des terrains ensoleillés, riches en nutriments et humides, typiquement des prairies, des pâturages, des fossés. Il pousse dans les montagnes à partir de 500 m, et jusqu’à 3000 m : Hautes Vosges, Jura, Alpes, Massif central, Pyrénées et celles d’autres pays de l’Europe de l’Ouest. Elle devient de plus en plus rare dans les vallées souvent drainées ou urbanisées.
Fruits : cette plante ressemble aux boutons d’or classiques. Pourtant ce n’en est pas un. Les renoncules de type Bouton d’or ont des akènes comme fruits. Ce Trolle a comme fruits des follicules. Ils mesurent 15 mm et ont un bec court. Ils contiennent quelques graines et sont disposés sur plusieurs rangs. La dispersion des graines est réalisée par le vent et par la fourrure des animaux.
Protection : le Trolle d’Europe est sur la liste des espèces protégées en Alsace et Lorraine. Il y est aussi classé comme plante déterminante Znieff. C’est également le cas dans les régions Bourgogne-France-Comté et Midi-Pyrénées. Il est protégé dans d’autres pays d’Europe comme l’Autriche et la Suisse.
Horticulture
Plante décorative bien appréciée des jardiniers
Alimentation : pas d’usage alimentaire car toute cette plante est très toxique y compris les graines. Rappelez-vous, elle fait partie de la famille des Renonculacées. Cette famille comprend de nombreuses espèces de plantes à poison violent.
Médecine :
Le Trolle d’Europe était utilisé autrefois contre le scorbut mais rien ne confirme qu’il était efficace.
Plante toxique à l’état frais
La sève de cette plante est très allergisante Elle provoque des rougeurs, des cloques et quelquefois des ulcères. Le pollen provoque des inflammations du nez, des yeux et le rhume des foins. En cas d’ingestion par les humains les effets vont des vomissements, diarrhées, crampes jusqu’à une diminution du rythme cardiaque et une paralysie.
Dans les prairies il est facile de voir le refus de broutage par les vaches de ces trolls. Les animaux sauvages l’évitent également. Elles sont toxiques pour les ovins et les chiens. Certains veaux lors d’une première mise au pré peuvent en avaler des quantités importantes et mourir. Une inflammation des muqueuses buccales et intestinales provoque des convulsions et une inhibition du système nerveux.
Principes actifs : des renonculosides comme la ranunculine qui libère après hydrolyse des tanins, des saponines et de la protoanémonine (environ 0.05%). Cette dernière est issue de l’hydrolyse et de la déshydratation de la ranunculine. Celle-ci a des propriétés vésicantes et allergisantes pour la peau. Cette substante est secrétée par la plante pour se défendre du broutage par les animaux. A l’état sec, sous forme de foin ou plante séchée, cette substance se transforme en dimère d’anémonine inactive et presque inoffensive. Cette raison et la faible présence de cette plante expliquent la rareté des empoisonnements de bétail.
Les quantités de composés antioxydants augmentent (5) selon le stress de la plante provoqué par exemple par le parasitage de ses tiges par des pucerons.
Ces substances entravent le développement des pucerons. La plante augmente alors de 25 à 35% sa sécrétion d’antioxydants par rapport à une plante témoin non parasitée.
Attention, cette plante est dangereuse. Toute utilisation doit être supervisée par un médecin ou pharmacien qualifié ou bannie. Tout dans cette plante est toxique ce qui explique pourquoi elle est délaissée par le bétail dans les prairies.
Sens de troll (note du relecteur) :
Trolle est du genre masculin et désigne la plante. Troll, sans le « e », est du même genre mais a un autre sens. Un troll est d'après, le Larousse un message posté sur Internet, souvent par provocation, afin de susciter une polémique ou simplement de perturber une discussion; par extension on désigne par troll, la personne à l’origine de ce message.
Texte et photos : Roland Gissinger (ANAB) relecture Bernard Weinzaepflen
Bibliographie
Voir article index plantes
1/ Philogénie des renoncules
2/ Speciation in the Globeflower Fly Chiastocheta spp. (Diptera: Anthomyiidae) in Relation to Host Plant Species, Biogeography, and Morphology Laurence Després Mars 2002
3/ Using AFLP to resolve phylogenetic relationships in a morphologically diversified plant species complex when nuclear and chloroplast sequences fail to reveal variability- Laurence Després sept 2002
4/ Trollblumen
5/ Chemical Profile and Antioxidant Activity of Trollius Europaeus under the Influence of Feeding Aphids Ewa Witkowska-Banaszczak 2018
Aconit napel, Casque de Jupiter |
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Ancolie vulgaire, Clochette |
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Anémone des Alpes |
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Anémone hépatique, Hépatique à trois lobes |
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Anémone pulsatille, Pulsatille commune |
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Anémone Sylvie/sylvestre /des bois |
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Bouton d'or, Pied-de-coq |
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Clématite des haies, Herbe aux gueux, Clématite vigne blanche |
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Éranthe d'hiver-Hellébore d'hiver |
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Ficaire à bulbilles, Ficaire fausse renoncule |
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Hellébore fétide, Pied-de-griffon |
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Populage des marais, Sarbouillotte |
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Queue de souris naine, Ratoncule |
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Renoncule à tête d'or, Renoncule Tête-d'or |
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Renoncule âcre de Fries |
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Renoncule bulbeuse |
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Renoncule des champs, Chausse-trappe des blés |
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Renoncule flammette, Petite douve, Flammule |
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Renoncule rampante |
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Renoncule scélérate, Renoncule à feuilles de Cèleri, Mort aux Vaches |
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Trolle d’Europe |
Trollius europaeus |
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