Les haies en Alsace : remparts contre les inondations et refuges pour la biodiversité
Publié le 21 Juin 2024
Un paysage vert et apaisant autour de Wingen, dans les Vosges du Nord. La tendance allant plutôt à l’openfield, il ne faudra pas s’étonner de la forte régression de la biodiversité, en particulier parmi les oiseaux et les insectes, dont beaucoup dépendent des haies nourricières.
parule 28 mai surl'Alsace signalé par Marie-Thérèse et Bernard. Merci à eux.
Pascal Gérold est le premier Président et un des fondateurs de l'Anab.
Les inondations récentes en Alsace ou ailleurs redisent toute l’importance des haies. Obstacles à la course de l’eau, elles sont aussi un refuge inestimable pour la biodiversité et apportent des services écosystémiques en nombre, y compris aux agriculteurs. Le naturaliste alsacien Pascal Gérold les a détaillés dans un ouvrage qu’il vient de publier.
Au Néolithique final. Sur les collines de loess alsaciennes, la terre est fertile. Mais lorsque gronde le ciel, les trombes d’eau lessivent cette fertilité. Pour leur faire obstacle, les défricheurs premiers aménagent des haies en travers de la pente. Visibles aujourd’hui, les rideaux de culture, des talus, en sont le témoignage relictuel. Plus de 5 000 ans plus tard, il est scientifiquement établi que les haies brise-crues ont un effet sur le débit de l’eau et qu’en amont, elles l’absorbent mieux.
Naturaliste et photographe, Pascal Gérold est un fin connaisseur de la riche biodiversité que soutiennent les haies.
100 tonnes de carbone stocké
On pourrait presque faire un inventaire à la Prévert de tous les services que rendent les haies et bocages. Ce sont des brise-vent naturels qui réduisent le dessèchement du sol et limitent… la dispersion des produits phytosanitaires. Les haies abritent le bétail du soleil, augmentent l’humidité de l’air grâce à l’évapotranspiration. Il y a aussi tout le cortège des services écosystémiques : les haies offrent le gîte et le couvert aux pollinisateurs, ravitaillent les oiseaux migrateurs, accueillent les auxiliaires des cultures en assurant un gîte idéal pour la plupart des espèces : selon une étude de l’Inrae, parue en 2022, les haies réduisent de 84 % le nombre de ravageurs dans les cultures proches. Elles participent de ces corridors écologiques, les trames vertes et bleues, que l’aménagement du territoire a rendues incontournables. Elles procurent du bois et, signe des temps, elles aident les agriculteurs à améliorer leur bilan carbone puisqu’elles aussi stockent du carbone, en moyenne 100 tonnes par kilomètre selon l’Ademe, l’agence de la transition écologique. Le Grand Est en compterait 75 000 km, soit 5 % du linéaire national.
La pie-grièche écorcheur, oiseau emblématique des haies avec son masque de Zorro. Photo Pascal Gérold
Naturaliste dans le nord de l’Alsace, Pascal Gérold arpente depuis toujours cette nature ordinaire qui sait parfois rendre nos ressentis extraordinaires. « Ces haies champêtres, bosquets ou bocages sont ici le paradis de la pie-grièche écorcheur, oiseau protégé qui a la particularité d’empaler ses proies sur des épines. Les haies ont toujours procuré à l’homme de quoi se nourrir, se soigner, se chauffer. » Dans un ouvrage qu’il vient de publier aux éditions Château & Attinger, « Haies et nature ordinaire d’Alsace et d’ailleurs », il écrit un vibrant plaidoyer en faveur de cette nature dite commune mais finalement plutôt méconnu
Entre 2010 et 2019, 686 ha de haies ont été plantés dans le Grand Est et… 2 196 détruits, en particulier dans les piémonts vosgiens. Ce n’est pas faute d’incitations : la Région a activé le plan national de relance “Plantons des haies” en 2021 , à destination des agriculteurs, qui a abouti à la plantation de 759 km de haies, ainsi que “l’Appel de la haie”, l’été dernier, qui s’est déjà concrétisé par la plantation de 104 km de haies. En mars, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a enfin lancé le Pacte en faveur de la haie , décliné en 25 actions, pour gagner 50 000 km de haies jusqu’en 2030, dont 4 000 dans la région. La chambre d’agriculture d’Alsace sensibilise également aux vertus des haies anciennes. Mais les aides ne compensent pas l’impact de leur destruction. De plus, elles vont surtout à la plantation plutôt qu’aux coûts de gestion alors que les agriculteurs en auraient également besoin. Enfin la faiblesse des contrôles réalisés dans le cadre des bonnes pratiques environnementales de la Pac européenne ainsi que l’augmentation constante de la surface des exploitations agricoles limitent de fait ces appels à la haie…