L’imagination de la Nature est sans limite, exemples d’associations entre des amphibiens et d’autres organismes
Publié le 3 Août 2024
(synthèse d’articles internet et traduction par Roland -Anab)
Ce sont des exemples de mutualisme. Le mutualisme est très répandu dans le règne animal. Il s’agit d’une association étroite entre deux organismes d'espèces différentes dans laquelle les deux sont bénéficiaires. Si ce système est fréquent chez les organismes dits « inférieurs » comme par exemple les mollusques ou les anémones de mer, il est exceptionnel chez les vertébrés. Parmi les amphibiens, il existe un certain nombre d'interactions mutualistes intéressantes et nouvellement découvertes. Cela va de la symbiose avec les algues aux interactions avec les araignées prédatrices et à la communauté de vie avec les buffles d'eau. Notre compréhension de la portée et de l'étendue de ces interactions mutualistes au sein des amphibiens reste encore mal comprise. Voici quelques découvertes récentes.
1/ La symbiose mutualiste entre les algues et les embryons de la Salamandre maculée (Ambystoma maculatum) d'Amérique du Nord. Elle a été signalée pour la première fois il y a plus de 120 ans (Figure 1). Dans cette relation, des algues vertes (Oophila amblystomatis) vivent à l'intérieur des embryons en développement et semblent fournir de nombreux avantages aux salamandres: une éclosion plus précoce, une mortalité réduite et l'atteinte d'une plus grande taille à l'éclosion (Kerney 2011).
Dans l’autre sens, on pense que les algues sont gagnantes en bénéficiant pour se nourrir des déchets azotés libérés par les embryons.
Kerney et son équipe ont mis en évidence une relation bien plus étroite qu'on ne le pensait à l'origine. Grâce à l'imagerie et aux analyses génétiques, les chercheurs ont découvert que les algues vont jusqu’à envahir les tissus des salamandres pendant le développement des embryons. La membrane gélatineuse qui entoure les œufs est imperméable à la vapeur d’eau et à l’oxygène pour éviter aux œufs de se dessécher. L’algue Oophila fournit l’oxygène à l’embryon et utilise les déchets azotés de l’œuf et le gaz carbonique, un autre déchet, résultant de son développement.
En présence d’un agent herbicide, anti-algues comme l’atrazine, le développement de l’œuf est très ralenti preuve de l’action positive des algues.
2/ Le mutualisme entre les larves d'amphibiens et les algues a été observé chez d'autres espèces. Les têtards du crapaud nain d'Amérique (Bufo americanus charlesmithi vivent dans des étangs temporaires, peu profonds et chaud. Ils sont longuement baignés par le soleil. Il a déjà été observé que les têtards développent sur leur peau une coloration verte brillante au cours de leur développement. Tumlison et Trauth (2006) ont mené une série d'expériences et ont découvert que cette couleur verte était le résultat d'une algue symbiotique (Chlorogonium) vivant sur la peau des têtards. Les têtards bénéficient de l'oxygène des algues qui le photosynthétisent à la lumière du soleil.
Les étangs temporaires peu profonds subissent un appauvrissement sévère en oxygène dissous dans l’eau pendant les périodes de fort ensoleillement et de chaleur. L’oxygène obtenu via ces algues permet aux têtards de survivre plus longtemps dans les étangs et d'atteindre une plus grande taille avant la métamorphose. En retour, les algues reçoivent du dioxyde de carbone des têtards provenant de leur respiration, un facteur important pour leur croissance.
3/ On connaissait déjà l’association d’oiseaux avec des mammifères pour les débarrasser et se nourrir des insectes.
Une forme incroyable de ce mutualisme a été observée pour la première fois entre un batracien, la Grenouille des marais (Pelophylax ridibundus) et les buffles d'eau d'Anatolie (Bubalus bubalis) en Turquie. Zduniak et al. (2017) ont signalé un comportement unique chez les grenouilles, où les individus grimpaient sur la fourrure et sur le dos et la tête des buffles où ils semblaient chasser les mouches. Jusqu'à 31 grenouilles ont été observées en train de se nourrir d'un seul buffle à la fois. Ce comportement n’était observable qu’à l’automne quand les grenouilles sont en nombre plus important. Il semble que les deux espèces bénéficient de cette interaction puisque les grenouilles gagnent de la nourriture et que le buffle se fait retirer les mouches qui peuvent provoquer une irritation et transmettent des maladies. Les grenouilles sur les buffles bénéficieraient aussi du « chauffage intégré ». Ceci est un avantage pour ces animaux à sang froid qui ne peuvent réguler leur température. Ils ne sont actifs qu’avec une température minimale. Il semble qu'il s'agisse du premier enregistrement d'une telle interaction entre des batraciens et des mammifères. Le chercheur souligne que d’autres associations ou interactions mutualistes restent à découvrir entre les amphibiens et d'autres espèces.
Photos des auteurs des articles- références ci-dessous
1/Kerney, R., Kim, E., Hangarter, R.P., Heiss, A.A., Bishop, C.D. & Hall, B.K. (2011) Intracellular invasion of green algae in a salamander host. PNAS, 108 (16): 6497-6502.
2/Tumlison, R. & Trauth, S.E. (2006) A novel facultative mutualistic relationship between bufonid tadpoles and flagellated green algae. Herpetological Conservation and Biology, 1 (1): 51-55.
2/A possible mutualistic interaction between vertebrates: frogs use water buffaloes as a foraging place Piotr Zduniak1,*, Kiraz Erciyas-Yavuz2, Piotr Tryjanowski3 mars 2017