La Molinie bleue, la Molinie bleuâtre, (Molinia caerulea)
Publié le 11 Septembre 2024
Les fleurs en pleine floraison disparaissent les unes après les autres à ce moment de l’année. Il reste possible d’en voir en floraison ou d’autres comme les graminées qui conservent leur aspect. En voici une pourvue de supers pouvoirs de reproduction comme vous pourrez le constater.
Roland
Origine du nom : « molinia » est un hommage au botaniste chilien, Juan Ignacio Molina (1740-1839) et « caerulea » signifie « bleu sombre », comme le sont ses épis.
Autre nom commun : Canche bleue, Paleine, Guinche jonchée…
Nom scientifique : Molinia caerulea (L.) Moench, 1794
Dialecte / Allemand: Pfeifengras , Blaues Pfeifengras, Gewöhnliches Pfeifengras, Kleines Pfeifengras, Besenried, Benthalm
Nom anglais : Purple Moor-grass
Date de l’observation: le 6 septembre à Keskastel (67)
Famille de plantes : C’est la grande famille des Poacées autrefois dénommées Graminées.
Il existe plus de 12 000 espèces identifiées au niveau mondial et plusieurs centaines en France.
Ce sont toutes ces herbes qui ressemblent de près ou de loin à du maïs, du riz, canne à sucre, du bambou, du mil, du blé, de l’avoine ou encore de l’orge.
C’est LA famille de première importance au niveau nutritionnel, toutes les céréales comestibles en font partie
Elle recouvre 40% de la couverture végétale terrestre.
Caractères communs :
Plantes herbacées à fleurs peu visibles, non colorées. Leurs tiges, les chaumes, sont cylindriques, creuses et portent des nœuds où naissent les feuilles.
Normalement une feuille possède une partie élargie, le limbe et une partie étroite le pétiole qui la raccorde à la tige comme la feuille d’un pommier par exemple.
Les feuilles des Poacées, n’ont pas de vrai pétiole et forment une gaine foliaire entourant la tige à partir du nœud. Le limbe de la feuille s’élargit quand il s’écarte de la tige, à partir de la ligule. Il devient alors visible pour l’observateur. Il lui est aussi facile de reconnaitre au toucher ces nœuds car renforcés par des fibres.
Le réseau racinaire des Poacées est variable pour s’adapter à tous les milieux. Il est très perfectionné et permet à certaines espèces d’améliorer les rendements agricoles ou de s’étendre rapidement pour former des grandes pelouses ou gazons, par tallage ou drageonnage.
Points communs des molinies : ce genre se caractérise par des fleurs sur des épillets en panicule rameuse. Chaque épillet comprend plusieurs fleurs, sans arrête et la ligule, la cicatrice de la feuille est une rangée de poils. Les molinies se développent en touffe sur des rhizomes non traçants.
Catégorie : vivace, grande graminée en touffes.
Hauteur : 20 à 120 cm de haut.
Tige: ascendante en touffes. La tige renflée à la base possède un seul nœud situé dans la partie basse (rarement plus). La tige est issue de longs rhizomes, les nouvelles tiges vont se former au niveau des nœuds en contact avec le sol. Cette plante forme des mycorhizes particuliers, type V.A. à vésicules et arbuscules qui améliorent ses approvisionnements en nutriments.
Feuillage : les feuilles vertes, planes, de 10 à 40 cm mesurent 4 à 8 mm de large. La ligule est réduite à une frange de poils (voir photo)
Les gaines des feuilles sont lisses et leur base ciliée.
Détail fleurs de la Molinie bleue, la Molinie bleuâtre, (Molinia caerulea) et sa répartition selon l'INPN
Fleurs : la panicule est longue, jusqu’à 30 cm. Les rameaux sont raides et étalés à rapprochés. Les fleurs sont de couleur vert à violet-noir portés par des rameaux de2 à 10 cm. Les épillets sont des ovales, pointus à l’extrémité, comprimés de 4 à-6 mm. Ils contiennent 1 à 5 fleurs fertiles. Les glumelles intérieures ou lemmes ont 1 nervure centrale. Ce sont les anthères en X des 3 étamines qui donnent cette couleur presque noire aux épis (photos).
Pollinisation : plante autostérile, pollinisée par le vent
Fruits :.ce sont des fruits secs typiques , des caryopses enfermés par les lemmes et dispersés par le vent. Ils contiennent de l’air ce qui va favoriser leur dispersion par le vent et l’eau. Quelques fruits peuvent germer sur la plante comme chez d’autres graminées (Poa ). Par analogie avec les animaux on dit que les épillets sont vivipares.
Habitat : plante de sols modérément acides, idéalement un pH de 3.5 à 5. Elle apprécie les milieux humides comme les fossés, les forêts humides et claires et pauvres en humus, les landes, marais et prairies très humides. Elle est présente dans toute l’Europe, Asie Centrale et Afrique du Nord jusqu’à 2300 mètres selon les latitudes. D’origine indoeuropéenne, c’est une néophyte dans les Amériques.
Confusion possible : oui avec une autre molinie, Molinia arundinacea, plus grande (jusqu’à 2.5 m) présente sur les sols calcaires riches en humus, marneux dont les feuilles sont plus larges, supérieures à 8 mm La glumelle dépasse 5 mm alors que celle de la Molinie bleue ne dépasse pas 5 mm.
Protection : pas de risque de disparition pour cette plante dans l’immédiat, non réglementée, classée « préoccupation mineure » (LC). Elle est toutefois plante déterminante Znieff dans la région Hauts-de-France.
Rôle écologique : les touffes formées par la Molinie deviennent avec le temps de petites buttes ou petites tours dénommées « touradons ». Ils servent toute l’année d’abri à la microfaune, insectes mais aussi les batraciens, tritons, grenouilles…
Une étude récente (2023) française de l’INRAE de Marine Fernandez (1) montre que la Molinie interfère négativement avec le Chêne sessile (Quercus petrae). En présence de Molinie, le nombre de mycorhizes de ce chêne diminue et la teneur en azote du sol et du chêne en même temps. Vous vous rappelez que les bactéries des mycorhizes des arbres sont précisément des bactéries qui apportent de l’azote supplémentaire et des minéraux aux arbres souvent en échange de glucides.
Une plante aux pouvoirs d’adaptation puissants .
Vous avez lu plus haut que la propagation des graines et celle des racines est performante.
La puissance de ses rhizomes et ses nombreuses graines font qu’elle peut devenir envahissante dans des zone humides et pauvres en nutriments. Elle est aussi résistante aux feux. Si des espaces sont classés zones naturelles, il peut être nécessaire de supprimer des buttes de molinie pour laisser s’installer d’autres plantes moins dynamiques.
Elle possède des racines qui peuvent descendre à 1 mètre sous terre et ses feuilles s’enroulent pour diminuer les pertes d’eau en cas de sécheresse. En automne la Molinie déplace les minéraux des feuilles vers la base des tiges afin de ne pas avoir à en puiser à nouveau dans le sol si elle est broutée ou perd ses feuilles.
Les enveloppes du fruit de la Molinie peuvent se fermer très rapidement si un insecte essaye de s’introduire. Ils ont un rôle défensif.
C’est une plante pionnière des zones tourbeuses dégradées où elle facilité l’apparition des arbres, pionniers, bouleaux, pins, pruneliers…
Usages : la Molinie a la particularité de rester souple, non cassante même quand elle est sèche. Cette qualité et sa résistance dans le temps en font une espèce utilisée en vannerie. En particulier elle permet de faire un assemblage très solide avec d’autres graminées et des fils en écorce de ronce : c’est la vannerie spiralée.
Les tiges longues, coriaces ont servi à nettoyer les pipes à tabac pendant des siècles, d’où le nom allemand de Pfeifengras, « Herbe à pipe »
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Jardinerie : ses belles touffes en font une plante appréciée des jardiniers qui ont développé des cultivars encore plus spectaculaires sélectionnés par la fameuse RHS anglaise comme Windspiel, Moordhexe….
Agriculture : c’est une herbe considérées comme intéressante pour le pâturage sur les sols pauvres. Elle sert de nourriture aux oiseaux et petits mammifères sauvages. Ailleurs elle est plutôt jugée indésirable en raison de sa faible productivité.
Elle peut être utilisée pour lutter contre l’érosion. C’est un couvre sol qui résiste assez bien aux incendies.
Utilisation médicinale et alimentaire: pas d’utilisation connue
Texte et photos Roland Gissinger (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/ Molinia caerulea alters forest Quercus petraea seedling growth through reduced mycorrhization- Marine Fernandez fev 2023
2/Evaluating management techniques for controlling Molinia caerulea and enhancing Calluna vulgaris on upland wet heathland in northern England, UK -Sarah Ross 2003