Quand le réchauffement climatique tropicalise nos jardins alsaciens
Publié le 30 Septembre 2024
Dans son jardin florissant, Georges Dal Bo a réuni quelque 900 plantes et 750 variétés différentes. Certaines d’entre elles peuvent se passer de protection hivernale depuis quelques années.
paru sur l'Alsace le 21/9/2024 et recommandé par Bernard. Merci Bernard.
Depuis une dizaine d’années, le climat alsacien est de plus en plus favorable aux plantes exotiques de pleine terre. À Bollwiller, le jardin extraordinaire de Georges Dal Bo et ses 900 plantes exotiques sont un témoin privilégié de l’impact du réchauffement climatique, comme en témoigne sa profusion tropicale. Malgré tout, il convient de rester attentif car tout ne pousse pas…
Envie de goûter à l’émotion que confère une promenade dans une forêt tropicale sans avoir à dégainer le coupe-coupe ? Le jardin de Georges Dal Bo à Bollwiller est en Alsace, voire dans le Grand Est, ce qui se rapproche le plus d’une forêt lointaine, exception faite du jardin botanique de Strasbourg. Passionné d’ambiances exotiques, il rêvait son jardin comme une évocation du voyage. Plus de vingt-cinq ans après avoir mis en terre la première de ses 900 plantes exotiques, il peut se targuer d’avoir réussi une immersion réaliste, peuplée de palmiers et de bananiers, de cyprès parce qu’il est italien, et de cactus parce qu’il aime ça.
« Depuis quatre ans, mes palmiers se ressèment spontanément, c’est une première »
Rien n’est laissé au hasard, entre le petit cheminement à l’ombre d’impressionnants palmiers de Chine, les épaisses touffes de cannas à la floraison flamboyante ou sa collection de trente bananiers qui n’a peut-être pas son pendant dans tout l’Hexagone. Il n’a pas non plus oublié la gourmandise, des fruits de l’asiminier nord-américain, une trouvaille, à ceux du grenadier d’Ouzbékistan. Voilà un petit bout des tropiques qui s’est invité dans la plaine alsacienne
Ce jardin aussi florissant, Georges Dal Bo le doit à une patiente entreprise de sélection et à son savoir-faire vert, mais aussi au réchauffement climatique. « Mon jardin est parsemé de marqueurs du changement climatique, témoigne-t-il. Au début des années 2000, j’ai perdu 50 Trachycarpus fortunei , le palmier de Chine, à cause du froid. À nouveau pendant les hivers rigoureux entre 2009 et 2012, j’en ai perdu une soixantaine. Depuis, ce n’est plus le cas. Un autre marqueur, ce sont les semis spontanés. Depuis quatre ans, mes palmiers de Chine se ressèment sur place. Je peux aussi prendre les graines sur l’arbre et les semer comme on sème des poireaux. Avant 2013, cela n’existait pas. Je viens même de trouver un semis de papyrus… »
Idem avec ses Canna altensteinii et marabout : « En 2000, il fallait les protéger. Aujourd’hui, ils se propagent par leurs rhizomes et envahissent mes bananiers ! Globalement, il y avait un avant et un après 2013. Avant, les palmiers souffraient et employaient leur énergie à survivre ; après, tout a poussé tout seul. Comme le cocotier du Chili, Jubaea chilensis, dont la protection hivernale est devenue superflue. » Certes, son jardin bénéficie d’un microclimat très favorable, dit de Colmar, mais cela n’explique pas tout…
« Avant, entretenir de telles espèces était l’affaire de spécialistes ou de jardiniers éclairés »
En tout, une trentaine d’espèces peuvent se passer depuis de protections hivernales, selon lui. Certaines d’entre elles, comme son palmier des Canaries (Phoenix canariensis) ou ses bananiers, ont toujours besoin d’une protection chaude. Qui va de l’épaisse couche de feuilles mortes au tuyau chauffant enroulé autour de son Phoenix avec une isolation complète. Parfois les passionnés s’ingénient à organiser des protections alambiquées. C’est le cas de Régis, à Fegersheim, qui explique sur son site internet ( https://palmiersderegis67.wordpress.com ) avoir conçu un « puits alsacien » qui chauffe la plante tropicale avec des calories provenant de la cave.
Passionné de voyages, le Bollwillérois Georges Dal Bo a imaginé un jardin qui s’inspire de sa passion. Avec 900 plantes de 750 variétés différentes, il a réussi une véritable immersion dans une nature tropicale généreus
Conservateur du jardin tropical de Strasbourg, étudiant l’acclimatation des palmiers, Frédéric Tournay confirme cet appel d’air pour la verdure exotique. « Avant, entretenir de telles espèces était l’affaire de spécialistes ou de jardiniers éclairés. Aujourd’hui, bon nombre d’entre elles, si elles proviennent des régions subtropicales et tempérées, survivent sans grande difficulté. Lorsque le jardinier plante un arbre aujourd’hui, il doit prendre une essence adaptée au climat qu’aura l’Alsace dans cinquante ans, à savoir celui de Montélimar. En faisant attention à ses besoins en eau. Les plantes tropicales boivent beaucoup. »
Les ravageurs sont encore loin
Si le climat alsacien autorise les jardins à s’ouvrir aux exotiques qui croissent dans l’ouest de la France, le choix de l’essence adaptée reste essentiel, insiste Georges Dal Bo, par ailleurs secrétaire adjoint de la Société française d’acclimatation. « Pour l’extérieur, il faut choisir les plantes originaires des milieux montagnards : mon grenadier vient d’Ouzbékistan, il est par conséquent adapté au climat continental. Mon Hedychium ou gingembre ornemental vient des montagnes vietnamiennes. Mon jujubier de Chine n’a pas peur du froid, tout comme mon arbre à soie, Albizia Julibrissin. Enfin le Musa bajoo géant est originaire des montagnes cambodgiennes. Cela implique de ne pas prendre la première plante venue et de faire très attention à leur sélection. »
Enfin les amateurs d’exotisme seront rassurés d’apprendre que les ravageurs de leurs essences favorites ne sont pas encore à nos portes. « Le charançon du palmier, qui sévit à Nice, ne présente pas (encore) de risques chez nous, quant au papillon du palmier, il est dans le sud de la France, mais commence à remonter. Raison de plus pour se méfier des transports sauvages de plantes tropicales », insiste Frédéric Tournay. Un bémol toutefois : un jardin tropical comme celui de Georges Dal Bo n’est vraiment beau qu’en été. Les feux d’artifice ne durent jamais longtemps.
u de la grenade d’Ouzbékistan. Ces plantes prospèrent parce qu’elles ont poussé dans les montagnes ou qu’elles proviennent de pays où les hivers sont froids
’est le cas de son somptueux Albizia ou arbre à soie, venu d’Asie de l’est et supportant la rigueur hivernale.