Trois ans de travaux de préservation à la tourbière du See
Publié le 9 Novembre 2024
paru sur l'Alsace le 22/10/2024 - transmis par Bernard. Merci Bernard.
En mars 2022, pour la première fois en France, la Fondation du patrimoine lançait une collecte de dons afin de préserver un site naturel exceptionnel abritant des habitats d’espèces rares, la tourbière du See, à Urbès. Après presque trois ans de travaux, l’objectif est atteint.
La tourbière du See était menacée par un phénomène d’enfrichement, et donc de fermeture du milieu. Trois années de travaux y ont remédié.
« Grâce à la Fondation du patrimoine, nous avons réalisé en trois ans ce que nous avions prévu de réaliser en dix ans », déclare Marc Brignon, directeur du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) d’Alsace, en cette matinée de mi-octobre, sur les bords de la tourbière du See, à Urbès.
Si le ton est à la boutade, le fond est sérieux : « Le soutien de la Fondation du patrimoine a été un formidable accélérateur, un facilitateur. Il nous permet également d’envisager l’avenir avec plus de sérénité pour le maintien du site en l’état. » En effet, le plan de gestion du See d’Urbès établi par le CEN d’Alsace (lire par ailleurs) couvrait la période 2020-2029. Un temps précieux a ainsi été gagné.
La capacité des riverains à agir
Propriété de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) et située sur les bans de trois communes - Urbès, Fellering et Husseren-Wesserling -, la tourbière est gérée par le CEN d’Alsace. Au total, un budget de 55 000 € a été consacré aux travaux menés pendant trois ans, de 2022 à 2024. « La Fondation du patrimoine a financé 25 000 €, ainsi que les plus de 4 000 € apportés par l’appel à dons. Le reste a été abondé par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse et par nous-mêmes », précise Marc Brignon.
La majorité des donateurs sont des habitants du secteur, très attachés à ce site naturel, tourbière lacustre millénaire formée par la fonte d’un glacier, qui fait partie de leur paysage. « Financièrement, 4 000 € est peut-être une somme symbolique, mais cet apport est très important en termes d’ancrage local, de capacité des riverains à agir en faveur de leur territoire », appuie le directeur du CEN d’Alsace.
Une mosaïque d’habitats en péril
Réglementée par un arrêté préfectoral de protection de biotope, classée Natura 2000 et Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique, la tourbière était menacée par un phénomène d’enfrichement, et donc de fermeture du milieu, conséquence directe du réchauffement climatique mettant en péril une mosaïque d’habitats palustres, humides, forestiers et ouverts, et donc la tranquillité des zones de nidification.
Ces dernières abritent une importante diversité d’espèces, notamment, côté faune, le castor d’Europe, la pie-grièche écorcheur, le tarier des prés ou la sarcelle d’hiver, évaluée en danger critique d’extinction sur la liste rouge nationale des oiseaux nicheurs, et, côté flore, la linaigrette à feuilles larges, l’utriculaire citrine ou le jonc filiforme.
« La première phase de travaux, qui a démarré en 2022, a consisté à rouvrir la partie la plus en aval et la plus humide du site en procédant à un arrachage sélectif de saules et d’aulnes », explique Louis Thiebaut, technicien de l’environnement au CEN d’Alsace. Un travail fastidieux, ce secteur de deux hectares, partie « flottante » de la tourbière, étant très difficile d’accès. « Nous avons utilisé une méthode d’arrachage particulière avec des machines positionnées en bord de tourbière équipées de treuils et de câbles. »
La tourbière d'Urbès est réglementée par un arrêté préfectoral de protection de biotope, classée Natura 2000 et Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique
Seize hectares d’habitats humides tourbeux restaurés
En 2023, le CEN d’Alsace s’attache à une partie plus centrale du See, où la même méthode d’arrachage est employée, ainsi qu’un test de coupe et de submersion afin de noyer les souches et d’éviter la reprise des rejets d’aulnes et de saules.
En 2024, troisième phase d’arrachage, cette fois dans la partie amont, humide mais moins engorgée, où l’utilisation de moyens mécaniques est plus commode. « Nous sommes intervenus avec une pelle-araignée sur caillebotis. » Grâce au maintien du milieu ouvert, ces travaux ont permis de restaurer environ seize hectares d’habitats humides tourbeux, ce qui constitue « une surface conséquente pour ce type d’habitat », avance Louis Thiebaut.
Les habitats ainsi restaurés, le risque de disparition des espèces est à présent enrayé, à condition que cette action s’inscrive dans le temps. « Un suivi cartographique et par drone des habitats sera mis en place le temps que les habitats se régénèrent et reconquièrent les zones rouvertes afin d’observer la dynamique végétale. » Viendra ensuite le temps du suivi scientifique.
La Fondation du patrimoine sur le front des sites naturels
Plus connue pour son action en matière de protection du patrimoine bâti, la Fondation du patrimoine, pressée par l’accélération du changement climatique et l’érosion de la biodiversité, s’engage de plus en plus dans la préservation de l’environnement. Lancé en 2009, le programme Patrimoine naturel et biodiversité s’inscrit dans cette démarche en soutenant l’écorénovation du bâti, la restauration des parcs et jardins, la désimperméabilisation des sols et la préservation des paysages, des espaces naturels et des habitats d’espèces rares ou menacées.
Plus de 350 projets ont été soutenus par ce programme, dont le site de la tourbière d’Urbès.
Document de travail établi par le Conservatoire d’espaces naturels d’Alsace, le plan de gestion 2020-2029 du See d’Urbès fixe les principaux objectifs de gestion du site : maintien de l’équilibre entre les milieux ouverts et forestiers, bonne gestion des boisements, bon état écologique et hydrologique du site, lutte contre les espèces exotiques envahissantes, implication, sensibilisation des habitants du territoire et du grand public, ainsi que l’amélioration des connaissances sur le site. Le document sera renouvelé en 2029.