Biodiversité : comment les villes transforment les plantes
Publié le 23 Décembre 2024
Une étude menée par des chercheurs strasbourgeois vient de démontrer que, pour survivre dans le milieu urbain, des plantes s’accommodent voire évoluent. La ville ne crée pas la biodiversité, elle la transforme.
Taillée pour les êtres humains (qu’elle sait aussi broyer), la ville n’est pas réputée pour offrir le meilleur terreau à la nature. Immeubles qui confisquent le soleil ou au contraire îlots de chaleur écrasante, tontes répétées qui brident la croissance, piétinements, pollution, elle n’est pas très généreuse en apparence, avec la flore. Et pourtant, les plantes croissent et se multiplient. Mais pas de la même manière. Entre plantain des champs et plantain des villes, l’identité n’est plus la même.
Un groupe de chercheurs du laboratoire “Image ville environnement” de l’université de Strasbourg et du CNRS a étudié pendant trois ans les facultés qu’ont les plantes des villes à s’adapter (ou pas) aux contraintes d’un environnement urbain dans le cadre d’un programme baptisé “Evolville, l’évolution s’invite en ville”.
« L’urbanisation a une influence sur l’évolution de ses êtres vivants »
« Les études en écologie urbaine ont d’abord fait le constat de la biodiversité présente dans les villes. Plus récemment, les chercheurs ont commencé à s’intéresser aux mécanismes responsables du maintien de cette biodiversité dans ces environnements a priori dégradés », rappelle l’enseignant-chercheur Laurent Hardion, membre du collectif en charge de ce projet. « Nous nous sommes attachés à une case vide de la littérature scientifique, comment les plantes peuvent-elles répondre aux pressions générées par l’urbanisation, avec cet enjeu : au regard de l’urbanisation croissante, la ville a-t-elle une influence à long terme sur l’évolution de ses êtres vivants ? La ville transforme-t-elle la biodiversité ? »
Les chercheurs ont sélectionné quatre plantes parmi les plus communes que l’on trouve dans les espaces herbacés de l’Eurométropole de Strasbourg : plantain lancéolé, trèfle des prés, luzerne lupuline et dactyle aggloméré. Rien n’est plus banal ni plus fréquemment foulé aux pieds…
Extinction, adaptation génétique ou plasticité
D’un côté, ils ont noté la fréquence et mesuré la morphologie de ces sujets sur le terrain le long de différents gradients urbains. De l’autre, ils ont prélevé leurs graines pour les faire croître dans des conditions similaires afin de vérifier si les réponses aux gradients urbains observées sur le terrain se maintenaient à la génération suivante cultivée en jardin. « Nous envisagions trois réponses possibles de ces plantes : soit l’extinction, soit leur adaptation génétique sachant qu’au sein d’une même espèce, il y a beaucoup de variabilité génétique. Soit, dans le troisième cas, la plasticité : les plantes modifient leurs formes sans pour autant faire évoluer l’espèce », décrit Alejandro Sotillo, l’un des chercheurs.
Une morphologie adaptée
Comme attendu, c’est la troisième hypothèse qui se vérifie le plus fréquemment : les plantes s’accommodent en modifiant leur morphologie pour faire face aux aléas urbains et survivre : dans des sites fréquemment fauchés, le plantain lancéolé produit des feuilles plus fines. Le trèfle des prés se fera plus petit pour échapper à la tondeuse.
De façon plus surprenante, les chercheurs ont pu montrer qu’il existe aussi une adaptation évolutive, sur le long terme, notamment en réponse aux hausses de température et à la densification urbain
En définitive, la biodiversité en ville fait preuve de résilience par sa plasticité et son adaptation évolutive. Mais pour conserver des écosystèmes urbains riches, la gestion et l’aménagement des villes doivent intégrer cette résilience. En l’absence de cette réponse, l’on sait dorénavant que la nature en ville se transformera et s’homogénéisera.
Les études ont été menées sur des sites urbains de l’Eurométropole, tout ce qu’il y a de plus habituel.
Dactylis glomerata, ou dactyle aggloméré, l’une des plantes suivies dans le cadre de l’étude Evolville.