Le Conservatoire d’espaces naturels veut sauver les vieilles forêts
Publié le 9 Décembre 2024
Le Conservatoire d’espaces naturels d’Alsace cherche à acquérir de vieilles forêts, où sont encore présents des arbres morts, tombés au sol ou sur pied
paru le 23/11/2024 sur l'Alsace- transmis par Bernard. Merci Bernard
Le Conservatoire d’espaces naturels d’Alsace lance une souscription afin d’acquérir des parcelles de vieilles forêts, dans le but de les protéger. Une stratégie de maîtrise foncière qui vise notamment les forêts privées, très présentes dans la vallée de la Doller.
Le mercredi 19 novembre, une délégation du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) d’Alsace, anciennement Conservatoire des sites alsaciens, s’est rendue à Wegscheid pour un moment très solennel. Il s’agissait en effet pour le trésorier adjoint du CEN, Jean-Marie Lettermann, de lancer un appel à dons destiné à donner les moyens à l’association de poursuivre sa stratégie d’acquisition de parcelles forestières remarquables.
« Notre présence aujourd’hui à Wegscheid ne doit rien au hasard, puisque la vallée de la Doller est particulièrement riche en forêts privées, or c’est là une ressource qui nous intéresse beaucoup », a souligné Jean-Marie Lettermann, qui était notamment accompagné de l’administrateur Daniel Rudler. La délégation a été accueillie sur place par le maire Jean-Marie Berlinger, qui a dressé un rapide portrait de sa commune, riche d’un environnement forestier exceptionnel. On y trouve notamment la réserve naturelle de la Forêt des Volcans, dont la gestion est justement du ressort du CEN Alsace.
Seulement 1 % de la surface forestière
Les « vieilles forêts » auxquelles s’intéresse le CEN se distinguent par la présence d’arbres de grande taille, et de bois mort, sur pied ou tombé au sol. « Ces forêts sont dites vieilles, car elles ont eu le temps d’accomplir leur cycle biologique complet, ce qui est de plus en plus rare aujourd’hui, en raison de la façon dont sont gérées les forêts en France », souligne Jean-Marie Lettermann. « En France continentale, les trois quarts des forêts sont dans un état de conservation défavorable, et les vieilles forêts sont estimées à seulement environ 1 % de la surface forestière. »
En 2023 était inauguré à Wegscheid le nouveau belvédère du Fuchsfelsen, aménagé dans la réserve de la Forêt des Volcans, gérée par le CEN Alsace.
En 2021, le directeur du CEN Alsace, Marc Brignon, prend une photo dans le cadre de la signature d’un bail avec la commune de Goldbach-Altenbach pour la gestion d’une parcelle d’un hectare.
Outre leur valeur esthétique, ces sites forestiers remarquables, souvent difficiles d’accès et constituent de véritables réservoirs de biodiversité. Ils permettent en outre de stocker le carbone, et assurent un rôle primordial dans le cycle de l’eau et le maintien des sols.
Six cent trente-trois parcelles cadastrées
La stratégie mise en place par le CEN Alsace consiste à s’assurer la maîtrise foncière de ces parcelles, « des acquisitions qui garantissent qu’elles seront affectées à la conservation de la nature », assure Jean-Marie Lettermann. Plus d’une trentaine d’hectares ont ainsi été acquis depuis le lancement de la première souscription forêt, en 2022, notamment sur le site du Baerenloch, sur les hauteurs du Lachtelweiher. « C’est d’ailleurs à proximité que nous sommes en discussion pour l’acquisition d’une parcelle qui nous permettrait de compléter cet espace », souligne le trésorier adjoint.
Le CEN a déjà eu recours aux souscriptions par le passé, lui permettant ainsi d’acquérir des sites remarquables comme les zones humides ou des vergers. Il gère aujourd’hui plus de 4 000 hectares de terres répartis sur 400 sites, achetés ou loués par baux emphytéotiques, « ce qui représente 633 parcelles cadastrées », souligne le trésorier. « Sur une carte, les zones que nous gérons représentent évidemment une mosaïque de confettis. C’est le reflet de cette spécificité alsacienne et de ses espaces naturels très morcelés, mais cela nous permet aussi d’être proches des gens, puisqu’au travers de nos acquisitions, nous entretenons des relations et sommes partenaires de plus de 200 communes en Alsace. »
Une centaine d’hectares de forêts d’ici cinq ans
Au-delà de la conservation de ces espaces naturels remarquables, l’un des objectifs du CEN est également d’utiliser ces vieilles forêts pour évaluer les impacts du changement climatique : « L’idée, c’est d’avoir sous la main un laboratoire pour le futur », indique Jean-Marie Lettermann, en précisant que les vieilles forêts, qui sont au moins centenaires, constituent de bons indicateurs de la santé des espaces forestiers et des éventuelles mesures à prendre pour les sauvegarder ou les adapter.
L’objectif fixé par le CEN est ainsi d’acquérir une centaine d’hectares de forêts dans les cinq années à venir. Pour y parvenir, le soutien du public est indispensable, et les personnes qui voudraient y participer peuvent répondre à l’appel à souscription lancé via le site Helloasso. « Il est également possible d’effectuer des donations ou des legs de parcelles forestières à l’association », indique le trésorier. Enfin, le CEN Alsace recueille également des renseignements fonciers sur des opportunités d’acquisition de vieilles forêts.
La mystérieuse origine des forêts privées de la vallée de la Doller
À rebours du reste de l’Alsace, la vallée de la Doller présente une caractéristique unique en termes de parcelles forestières, puisqu’environ 70 % de celles-ci sont gérées par des propriétaires privés. Une situation inhabituelle qui intéresse beaucoup le CEN Alsace, toujours à la recherche d’opportunités d’acquisition de forêts remarquables, notamment auprès de particuliers.
Cette prépondérance des forêts privées dans la vallée laisse toutefois nombre d’experts dubitatifs quand à l’origine de cette situation, que certains font remonter à la Révolution française. Nombre de forêts étaient en effet des domaines seigneuriaux ou ecclésiastiques, qui ont été nationalisés puis revendus à des particuliers lors de la Révolution.
Jean-Marie Ehret, président de la Société d’histoire de la vallée de Masevaux, estime quant à lui que cette prépondérance des forêts privées pourrait être antérieure, et remonter à la Guerre des paysans, de 1524 à 1526, durant laquelle des communautés villageoises auraient acquis ou se seraient emparées de domaines forestiers, que le couvent de Masevaux et d’autres propriétaires n’auraient pas pu récupérer par la suite