Paul Watson : «J’espère bien éradiquer la chasse à la baleine avant de mourir»

Publié le 19 Décembre 2024

Paul Watson : «J’espère bien éradiquer la chasse à la baleine avant de mourir»
paru sur lemonde le 17/12/2024

LE CAPITAINE PAUL WATSON LIBRE. IL NE SERA PAS EXTRADÉ AU JAPON. ENTRETIEN RÉALISÉ AVANT QU’IL SOIT ARRÊTÉ : IL EXPLIQUE POURQUOI IL REPARTAIT EN MER POUR INTERCEPTER LES BALEINIERS DANS LE PACIFIQUE NORD

« Paul est libre ! » Paul Watson va retrouver la liberté, a annoncé ce mardi 17 décembre Sea Shepherd France sur X. « Il va pouvoir reprendre son combat pour le respect de la nature, qui est un combat pour l’humanité et la justice », a confirmé son avocat François Zimmeray auprès de Libération. L’inlassable combattant pour la défense des océans va pouvoir regagner la France, où il réside depuis 2023 avec sa femme et deux de ses enfants. L’ancienne ministre et députée écologiste du Pas-de-Calais, Agnès Pannier-Runacher, a déclaré ce matin  : « Je salue la libération de Paul Watson, après 149 jours de détention au Danemark. La mobilisation collective a payé. Bravo à Sea Sheperd et à tous les citoyens qui n’ont cessé de se mobiliser pour lui. C’est votre victoire à tous ! ».

L’histoire de son arrestation est bien d’époque. Inique et absurde. Le justicier est arrêté, le criminel érigé en juge. Le lanceur d’alerte puni, le déprédateur récompensé. Tous ses soutiens attendaient ce jour depuis quatre mois, tandis qu’en France, à la suite de Joe Duplantier du groupe métal Gojira, plus de trente artistes (Cali, Francis Lalanne, Florent Pagny, Véronique Sanson, Zazie, etc…) lançaient une chanson appelant à sa libération : « C’est la mer qui l’aura, le dernier mot ».  Le fondateur de Sea Shepherd et de la Captain Paul Watson Foundation (CPWF) avait été arrêté à Nuuk le 21 juillet, au Groenland, par un commando de douze policiers et membres des forces spéciales danoises à bord de son vaisseau amiral de 72 mètres, le JOHN PAUL DEJORIA II, alors qu’il s’apprêtait à lancer l’ « opération Kangei Maru », du nom du nouveau navire baleinier usine japonais qu’il entendait intercepter cet hiver dans le Pacifique Nord pour pèche illégale. Cette arrestation a été justifiée par les autorités danoises par une « notice rouge » d’Interpol émise par le Japon suite aux interventions passées du capitaine contre la chasse baleinière… en 2014.

A l’époque, le Japon s’était auto-attribué un quota de 1035 baleines à tuer dans le sanctuaire baleinier antarctique sous prétexte de recherche scientifique sur les paisibles cétacés. Le comble de l’hypocrisie meurtrière. La viande des baleines tuées était ensuite vendue dans les restaurants japonais, en totale violation du moratoire international sur le commerce de viande de baleines – ce qui avait fait condamner le Japon à l’international. D’après Sea Shepherd France « les missions du capitaine Paul Watson avaient permis de soustraire aux harpons plus de 5000 baleines. Cela avait valu à Paul Watson des accusations d’« écoterroriste » émanant du gouvernement japonais ». Un concept politique usurpatoire aujourd’hui à la mode pour s’en prendre aux militants écologistes qui s’opposent aux carnages en cours. 

Depuis, cette « notice rouge » avait été suspendue des listes officielles d’Interpol du fait que les pèches japonaises sont considérées comme illégales des suites du moratoire international de 1986 sur les baleines – signée par tous les pays sauf l’Islande, la Norvège et le Japon. Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France assurait que la réactivation de cette notice en 2024 « est une manoeuvre politique et qu’elle coïncide avec le projet du Japon de reprendre la chasse baleinière en haute mer dans l’Océan Austral et dans le Pacifique nord dès 2025… » Elle ajoutait, très inquiète : « Si Paul Watson est extradé, nous ne le reverrons jamais ».  Mais ça n’a pas eu lieu suite à une mobilisation d’importance, tant en France qu’à l’international. Voyez plutôt…

Un système carcéral « sadique et violent »

Après l’arrestation de Paul Watson, un comité de soutien a aussitôt été créé, le gouvernement français est intervenu auprès des Danois, et la pétition lancée en France pour exiger sa libération a rapidement recueilli 700 000 signatures. Une nouvelle pétition a été adressée en septembre à la Première ministre du Danemark pour lui demander de renoncer à l’extradition : elle est visible sur le site Sea Shepherd France :👉ici.  Cet appel estimait qu’un pays européen, signataire de la Charte des droits fondamentaux des personnes, ne devrait pas livrer le capitaine Watson a un pays connu pour son système carcéral écrasant et inhumain, régulièrement dénoncé par les organisations humanitaires. Amnesty International en effet décrit les « châtiments cruels et dégradants dans les prisons japonaises. » De son côté, la FIDH (Fédération Internationale pour les Droits Humains) parle de « recours à l’isolement prolongé, de manque d’accès des détenus à des soins médicaux appropriés, de refus des garanties liées à la procédure, telles que l’accès à un avocat et les contacts avec les membres de la famille. » L’ONG Human Rights Watch critique, elle, des « pratiques abusives (qui) ont déchiré des vies, brisé des familles, et mené à des condamnations injustifiées. » Ric O’Barry, grand défenseur des dauphins, arrêté en septembre au Japon, a évoqué un système carcéral « sadique et violent, particulièrement à l’encontre des activistes occidentaux » – il a été pris de malaise pendant un interrogatoire sévère et dû être emmené à l’hôpital. 

Le soutien de Jane Goodall

Quant à l’éthologiste Jane Goodall, grande figure de la conservation animale, messagère de la Paix de l’ONU depuis 2002, elle a interpellé le gouvernement danois en ces termes : « Paul Watson fait partie de ces activistes, de ces défenseurs du vivant qui luttent pour donner une voix à ceux qui n’en n’ont pas. Sa détermination à ne pas accepter la domination des humains sur tous les autres animaux a inspiré et inspire tant d’entre nous. Il est un symbole et un rappel permanent à notre nécessaire respect, à l’empathie que nous devons porter à la vie des autres animaux- quels qu’ils soient. Comment peut-on criminaliser ceux qui se battent en faveur de ceux qui ne peuvent s’exprimer ? Ceux qui sont des lanceurs d’alerte, des précurseurs et dont l’action sera reconnue par tous. Le jour où l’on arrêtera d’intimider les activistes qui agissent pour le vivant, et qu’on le fera pour ceux qui commettent des crimes environnementaux, on aura fait un grand pas. Il est temps de recevoir un message d’espoir, celui de sa libération. « 

Cette histoire survient deux ans après que Paul Watson ait été évincé arbitrairement de sa propre fondation, Sea Shepherd Global, parce qu’il jugeait la nouvelle équipe trop légaliste. Il avait aussitôt rameuté les collectifs qui lui restaient fidèles, parmi lesquels Sea Shepherd France, et affrété un nouveau navire d’intervention, le JOHN PAUL DEJORIA II, pour reprendre ses interventions directes contre la pèche illégale – et contre le Japon. Je l’avais interviewé à l’époque. Il m’avait confié qu’il connaissait le risque qu’il courait en reprenant la mer et en s’attaquant à la flotte baleinière japonaise – toute sa vie, la menace ne l’a jamais empêché d’agir. Cela s’appelle le courage… 

 

Rédigé par ANAB

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