La Cystoptéride fragile, Cystoptéris fragile, Capillaire blanche (Cystopteris fragilis)
Publié le 8 Janvier 2025
Voici une fougère des rochers aux frondes délicates et fragiles. Elle est peu commune en France, et les chercheurs poursuivre leurs investigations pour trouver sa véritable identité.
Roland
Nom scientifique : Cystopteris fragilis (L.) Bernh.
Origine du nom: le genre dérive du grec «cystis», la vessie en raison de la forme des indusies, ces membranes qui recouvrent l’organe reproducteur. Son nom d’espèce est tiré du latin « fragilis», « fragile, délicat», comme le sont les lobes de la fronde.
Autre nom commun : Capillaire blanc
Nom commun allemand/ dialecte : Zerbrechliche Blasenfarn
Nom anglais : brittle bladder-fern
Date de l’observation: le 6 avril à Lemberg en Moselle (57)
Les fougères, constituent l’une des 4 divisions des plantes, sans fleurs ni graines dénommée Ptéridophytes. Ces plantes diffèrent de la très grosse majorité des fleurs et arbres comme la marguerite, le pommier…. Elles sont présentes surtout dans les zones forestières et humides des pays tropicaux chauds.
Elles possèdent une partie souterraine gorgée de réserves, le rhizome qui émet des racines. La partie qui émerge du sol est une fronde, semblable à une feuille, bien qu’elle puisse prendre l’allure d’un petit arbre pour certaines espèces tropicales (les fougères arborescentes).
Cette fronde porte pour une très grande majorité de fougères, à son envers des petits sacs. Ils sont dénommés sores et sont des amas de sporanges, petite structure dans laquelle se forment les spores. Ces spores emportées par le vent et la pluie vont germer en tombant au sol. Certaines vont produire un minuscule organisme vert en forme de cœur, le prothalle, qui portera des gamètes mâles et femelles. Pour qu’elles se rencontrent il faut de l’eau. C’est une fécondation aquatique, donc très différente des plantes à fleurs dont la fécondation est toujours ou presque aérienne.
Famille de plantes : celle des Cystopteridaceae. Elle est encore classée dans les Aspleniaceae par Kew Gardens et dans les Woodsiaceae par deutsch wikipedia et d’autres.
Les Cystopteridaceae ont des frondes de 10 à 60 cm divisées en petits lobes dentés ou non. Leurs pétioles sont grêcles (non pas d’erreur, ils ne sont pas grêles mais grêcles). Cela me permet de jouer au lettré et de placer cet adjectif jamais lu ni entendu avant ce jour. Grêcle = mince, fin et fragile ! Les sores sont recouverts d’une membrane translucide. Les rhizomes sont courts et couverts d’écailles sombres.
La classification des fougères est complexe et reste encore floue. Elle a été remaniée plusieurs fois et ne semble toujours pas figée. Il est donc inutile de rentrer dans les détails si déjà les spécialistes ne s’entendent pas entre eux.
Catégorie : plante vivace, petite fougère élégante de rochers en touffe, aux frondes peu nombreuses et non persistantes.
Hauteur: 15 à 30 cm
Tiges et racines: pétiole glabre sur un rhizome allongé.
Rappelez-vous que le rhizome n’est pas une racine mais une tige souterraine horizontale. La preuve en est qu’elle possède des nœuds très visibles, à partir desquels de nouvelles « tiges » peuvent pousser. Ces « tiges » ou nouveaux rhizomes se terminent par des racines et poils radicants. Le rhizome est donc une tige à allure et fonction de racine !
« Feuilles »: pour les fougères, l’organe qui sort de terre enroulé en crosse, la fronde, n’a pas de tige mais un pétiole car elle est analogue à une feuille. La partie large et vert clair de la fronde est le limbe. Le limbe est glabre, 2 à 3 fois plus long que large et se réduit au sommet et à la base. Sa particularité est son odeur d’amande amère quand il est jeune car les spores contiennent de l’acide cyanhydrique.
Le limbe est finement découpé en 7 à 18 petites divisions dénommées pennes puis en pinnules triangulaires dentées.
Pétiole La base du pétiole, couleur paille, porte quelques écailles. Les écailles sont ces squames brunes qui couvrent en partie le pétiole. Il est plus court que le limbe, en général, sa longueur n’atteint que la moitié de celle du limbe.
Différents stades de maturité des sores de la Cystoptéride fragile, Cystoptéris fragile, Capillaire blanche (Cystopteris fragilis) et sa répartition selon l'INPN
Sporulation de mai à août. La feuille apparait en février-mars et disparait en se desséchant après la fructification (juillet à septembre).
Les fructifications des fougères sont appelés « sores ». Ce sont des amas de petites boules brunes sous le limbe, les sporanges qui contiendront les spores. Cette Cystoptéride fragile a sur les nervures de ses pinnules des sores arrondis en ovale, protégés par une membrane persistante très fine, l’indusie. Ils sont isolés ou très proches les uns des autres.
A maturité, ils produisent de très nombreuses spores, 20 à 80 millions. La majorité des plants ont des spores typiques épineuses (photo) mais d’autres sont simplement rugueuses. En germant, elles donneront naissance à un gamétophyte, une petite feuille miniature qui possède des organes mâles et femelles. En présence d’eau, les gamètes ou cellules sexuelles mâles et femelles se rencontrent et fusionnent. L’embryon formé se développe et produit une nouvelle plante.
Le cycle de cette plante est résumé dans le schéma joint.
Confusion : elle ressemble à d’autres fougères comme la Fougère femelle, Athyrium filix-femina, quand elle est jeune.
Les fougères c’est pas simple :
les caractères morphologiques ne sont pas stables chez cette « espèce ». Les chercheurs doutent depuis un moment de l’identité de certaines espèces (1). Il s’avère que certaines ne sont que des déclinaisons (2) de cette Cystoptéride fragile comme Cystopteris dickieana uniquement identifiée dans un coin de l’Ecosse et aux Etats-Unis. Le doute est encore plus grand quand la séparation de deux espèces repose sur un caractère qui n’est pas stable, comme celui de l’aspect des spores, épineuses ou rugueuses.
Ces dernières années des chercheurs (1) ont prouvé qu’il existe des individus multiploïdes, à plusieurs génomes (4X, 5X et 6X) au lieu de 2 X. L’aspect des spores repose seulement sur quelques gènes. Avec plusieurs patrimoines génétiques, une fougère peut exprimer l’un ou l’autre de ses gènes parentaux. Cela explique les différences de caractères entre les individus, de leurs frondes et de leurs spores selon leur lieu de vie. Il existe toute une continuité de plants légèrement différents. Au final, il ne s’agirait pas d’une espèce mais d’un complexe avec des lignées proches issues sans doute d’ancêtres différents. Elles sont peut-être en train de se séparer en espèces. Dans quelques dizaines de milliers d’années ou plus, elles seront devenues différentes espèces à part entière et ne pourront plus se reproduire entre elles.
Habitat : C’est une espèce silicole ou calcicole de milieu légèrement humide qui est résistante à la sécheresse et au froid. Elle apprécie les pierriers, les vieux murs , les parois gréseuses humides, où elle forme des populations toujours réduites. Elle est présente en faible densité dans notre pays sur toute la partie Est et Sud, mais absente de terrains très acides comme ceux des façades de l’Atlantique et de la Mer du Nord. Elle est cosmopolite puisqu’on la trouve dans tout l’Hémisphère Nord jusqu’à 3100 m, en Amérique du Sud sur la façade Ouest et en Afrique au Sud et à l’Est.
Protection : la Cystoptéride fragile est présente dans plusieurs régions de notre pays mais n’est jamais commune. Pour cette raison elle est protégée dans les régions Aquitaine, Limousin, Ile-de-France, Centre et Basse-Normandie. Elle est aussi classée CR, en danger critique d’extinction en région Pays-de-Loire, Bretagne, Picardie et dans les régions citées où elle est sous liste protégée. Elle est classée EN en danger d’extinction dans les régions Poitou-Charentes, et Nord-Pas-de-Calais. Elle a disparu de Haute-Normandie.
Usage horticole : fougère appréciée par les jardiniers pour habiller les murs humides et ombragés de leurs jardins.
Usage alimentaire : uniquement utilisée en cas d’urgence vitale
Utilisations médicinales:
Une décoction de racines a été utilisée comme lavement vermifuge. Une infusion froide de la plante a été utilisée en interne et en externe comme traitement des blessures chez les indiens Navaho. Un thé était aussi infusé pour les désordres gastriques dans la tribu des Ojibwa (entre Canada et E.U)
Aucune étude médicale récente n’a été faite sur cette espèce. Le mieux est de s’abstenir.
Texte et photos Roland Gissinger (Anab) relecture Bernard Weinzaepflen (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/ Cytogenetic, geographical, spore type and plastid haplotype data reveal cryptic patterns of species diversity in the cosmopolitan Cystopteris fragilis complex (Polypodiopsida: Cystopteridaceae) Libor Ekrt juil 2022
2/ Historical review of the uncertain taxonomic status of Cystopteris dickieana R.Sim (Dickie's bladder fern) – A.F. Dyer mars 2000
3/ http://floranorthamerica.org/Cystopteris_fragilis
4/ https://temperate.theferns.info/plant/Cystopteris+fragilis