“C’est un triste spectacle de voir la montagne épuisée par les gens qui en abusent” : par conviction écologique, ils ont arrêté le ski alpin
Publié le 18 Mars 2025
paru sur FR3 Auvergne-Rhône-Alpes le 12/3/2025
voir la vidéo surle site 2min
Le ski est-il écologique ? Pour certains amoureux de la montagne, la réponse est non. Deux militants écologistes du Puy-de-Dôme ont arrêté de pratiquer le ski alpin par conviction. Ils expliquent leurs motivations.
Dans le Puy-de-Dôme, la station de Super Besse, début mars, ressemble à une montagne pelée sans neige, et quelques pistes de ski sont ouvertes grâce aux canons à neige. Pour Pierre Rigaud et Thomas Pasquier, deux militants écologistes, le spectacle est désolant. Pierre a exercé quarante ans à Besse comme vétérinaire. Son père était loueur de skis dans les Alpes. La montagne, il l’aime. Mais au naturel. Il s’est donc engagé au sein d’une association pour la défendre. Cet administrateur de France Nature Environnement 63 constate : “Le spectacle est désolant. Il y a encore quelques années, en avril, on faisait encore du ski. Maintenant, le 10 mars, il n’y a plus rien. Il n’y a que de la neige artificielle : il suffit d’un orage ou d’un coup de pluie et ce sera terminé. Cela me fait de la peine de voir qu’on en est arrivé là, une station complètement artificielle. On fabrique de la neige à 15 degrés pour faire fonctionner à tout prix des installations très énergivores. Ils dépensent 2 millions d’euros en électricité pour 3 mois de fonctionnement : c’est énorme”.
J’ai préféré arrêter le ski alpin
Pierre Rigaud, administrateur de France Nature Environnement 63
Il insiste : “Il y a une bonne vingtaine d’années, je me suis dit que cela prenait un tournant qui ne me plaît pas trop. Pour moi, la montagne ce n’est pas toutes ces infrastructures lourdes que l’on voit actuellement. Quand j’étais gamin, la station des Deux Alpes, (en Isère, NDLR) était autour de zones humides et de marécages. On s’amusait à attraper les grenouilles au milieu de la station. Maintenant, ce n’est que du béton, il n’y a plus rien, plus de nature, ce ne sont que des immeubles. En Auvergne, c’est le même modèle que dans les Alpes : les stations ont poussé dans les années 60, des stations champignon. Ce sont de grosses infrastructures avec beaucoup d’immobilier, des remontées mécaniques un peu partout et des travaux qui ont dégradé le patrimoine naturel”.
De la neige produite à 14 degrés
Vincent Gatignol, directeur de la station de ski de Super Besse réagit aux attaques de ce militant écologiste. Il nuance : "Désormais, on peut produire de la neige de culture à n'importe quelle température. On pourrait même le faire à 20 degrés. On s'est abstenu de monter trop haut en température. On s'arrête à 14 degrés. On fabrique cette neige à partir du 15 octobre pour avoir des pistes ouvertes au 15 décembre pour les vacances. On fait cela depuis 15 ans avec des "unités de production de neige toute température". Cela ne produit pas forcément de la neige mais de la paillette de glace, très fine. On possède une douzaine d'unités de ce type sur la station, qui fonctionnent jour et nuit". Il poursuit : "On dépense 2 millions d'euros d'électricité pour 12 et non 3 mois. Le coût de l'électricté a explosé. Notre système était tout à fait équilibré quand l'énergie était à 11 centimes du KW il y a 3 ans. On dépensait alors en 600 00 et 700 000 euros. On fabrique de la neige, on fait fonctionner nos remontées, on chauffe nos bâtiments. Ces 2 millions d'euros ne servent pas qu'à fabriquer de la neige".
Une prise de conscience
Thomas Pasquier, lui, a grandi à Annecy. Dès son plus jeune âge, il a chaussé des skis et dévalé les pistes. En arrivant en école d’ingénieur, il s’engage dans le monde associatif et prend conscience du réchauffement climatique. Il décide alors d’arrêter le ski alpin. Le militant écologiste explique : “Mon rapport au ski, je ne le veux plus comme ça. Cela me dégoûtait tel que je le vois. Je préfère mettre mon énergie sur un changement de système, de société pour définir d’autres bases. On dépense beaucoup d’argent pour le ski. Si on le mettait pour d’autres activités et qu’on changeait notre manière de vivre, on s’adapterait mieux”.
La question du tourisme de masse
Pour eux, il existe des alternatives au ski alpin : ski de fond, ski de randonnée, balade en raquettes. Pierre Rigaud poursuit : “Le ski est de plus en plus compliqué. Il y a de moins en moins de neige. Quand il n’y a pas de neige on va se balader, on observe les animaux sauvages et on profite de la montagne, telle qu’elle est, sans vouloir à tout prix l’enneiger pour une activité. S’il y a de la neige, je fais du ski de fond ou du ski de randonnée. Je n’ai pas pris une remontée mécanique depuis 15 à 20 ans”. Thomas Pasquier rappelle : “Je trouve que c’est un triste spectacle de voir la montagne épuisée par les gens qui en abusent. J’ai délaissé le ski alpin pour privilégier d’autres activités comme le ski de fond ou de randonnée et les raquettes. Voir un centre aquatique avec sauna et hammam au pied des pistes, dans les Alpes, m’a dégoûté. Je me suis dit qu’il fallait que j’arrête définitivement le ski alpin. Il y a de moins en moins de neige. On investit de plus en plus pour pallier ce manque. Ce n’est pas écolo mais on continue. C’est le tourisme de masse qui me dérange. Il y a d’autres manières tout aussi plaisantes de profiter de la montagne et de la nature, de façon plus respectueuse”.
Au fond, voilà ce qui réunit ce jeune et ce vieil écolo : un amour profond pour la montagne et l’envie de préserver les sommets d’Auvergne.
Propos recueillis par Anne-Claire Huet / France 3 Auvergne