La Prêle des marais (Equisetum palustre)
Publié le 9 Mars 2025
Cette Prêle des marais se trouve comme son nom l’indique dans des endroits très humides. Elle est élégante avec ses tiges très fines couleur vert pomme régulièrement annelées par une couronne de dents noires.
Roland
Nom scientifique : Equisetum palustre L., 1753
Origine du nom : «equisetum» vient du latin « equus » le cheval et de « setum », le crin. Son prénom, son nom d’espèce, vient du latin « palustre» , « du marais».
Autres noms : Prêle des eaux courantes
Allemand/ dialecte: Sumpf-Schachtelhalm auch Duwock
Anglais : Marsh Horsetail
Date et lieu de l’observation : le 30 mars à Gungwiller (Bas-Rhin- 67)
Famille de plantes : celle des Equisetaceae, famille des prèles qui comportait beaucoup d’espèces variées voici 300 à 350 millions d’années (au Carbonifère). A cette époque certaines prèles étaient aussi grosses que les arbres d’aujourd’hui et atteignaient 30 m de haut. Elles ont constitué les forêts denses de l’époque à l’origine des gisements de charbon (époque du Carbonifère).
Les prêles ont des pousses sur lesquelles se trouvent des nœuds. Chaque nœud donne naissance à de très petites feuilles ou microphylles. Certaines prêles se ramifient à partir des nœuds en émettant des pousses latérales.
Les prêles sont des plantes sans fleurs, des Ptéridophytes, qui se reproduisent grâce à des spores. Celles-ci germent rapidement sur le sol humide en donnant un petit organisme chlorophyllien dénommé prothalle en forme de cœur. C’est lui qui va porter les gamètes, mâles et femelles. Leur rencontre est obligatoirement aquatique et va produire un embryon à l’origine d’une nouvelle plante, une prêle.
La capacité de germination n’est que d’une à deux semaines sauf dans les régions très froides.
Les prêles actuelles sont toutes issues d’une seule lignée survivante et donc se ressemblent. Ce sont des plantes vivaces munies de longs rhizomes. Elles se multiplient grâce à leur croissance car les conditions de fécondation sexuée sont difficiles à réunir. De plus, les rhizomes sont profonds, ils résistent aux incendies et permettent aux prêles de recoloniser rapidement leurs lieux de vie.
Catégorie : plante vivace produisant des tiges vertes. Elles se prolongent par des rhizomes souterrains fins et profonds jusqu’à 1 m de long
Port : dressé
Hauteur : 10 à 60 (90) cm.
Tiges
La distinction entre les prêles se fait par l’examen des tiges. Chez cette Prêle des marais, les tiges fertiles et stériles sont identiques. Les 5 à 8 cannelures des tiges sont marquées. La section d’une tige est très fine, de 1 à 4 mm de diamètre. Sa section fait apparaitre un vide peu important, moins de 30% de l’espace.
Les tiges possèdent des faisceaux de tiges lâches, arqués et dressés rapprochés de la tige principale. Ce point la distingue de la Prêle des eaux, Equisetum fluviatile, chez laquelle, les faisceaux de tiges s’écartent de la tige principale.
Gaines : les tiges vertes sont couvertes par des petites gaines de 1 à 2 cm. Ces gaines vertes, noires à la base de la plante, se terminent par des pointes en forme de dents très allongées de couleur vert à noir avec un liseret blanc. Le nombre et la forme des pointes identifient les différentes espèces de prêles, ici 6 à 12 dents. Les tiges sont segmentées régulièrement par des anneaux portant des feuilles sur de petites.
Les tiges fertiles se terminent par un épi terminal obtus (à pédoncule grêle) de 1 à 3 cm qui abrite des sporangiophores. Ils sont disposés en anneaux et ont une forme d’écailles ou petits boucliers. Ce sont des clypéoles. Les clypéoles portent des sporanges produisant des spores vertes. La membrane externe de ces spores se découpe en quatre fils ou élatères, dits spatulés en raison de leur forme. Ils se déroulent ou s’enroulent selon l’humidité ambiante. Ceci provoque le déplacement de la spore et facilite ainsi la dissémination de la plante.
Le mécanisme des élatères a été observé par des scientifiques du laboratoire interdisciplinaire de physique de Grenoble.
Nous avons publié un résumé facile à comprendre sur ce blog et une petite vidéo sur ce sujet :
La danse des(spores de) fougère. Elle est très impressionnante.
Habitat : espèce de soleil et surtout d’eau. Elle est présente dans les zones inondées riches en nutriments une grande partie de l’année ou inondées en permanence. Ce sont des marais, des roselières, des zones à carex et aussi les bords sableux des zones humides et des fossés. Dans ces différents endroits elle peut y former des colonies importantes.
Elle se trouve dans tous les pays d’Europe jusqu’à 2400 m. Ailleurs ses milieux de vie sont sur tout l’hémisphère Nord au-dessus du 35 ème parallèle (le sud de l’Espagne) jusqu’en Sibérie et Amérique.
Confusion possible : oui, avec d’autres prêles. Elle s’en distingue par le nombre de dents des tiges, et ses deux types de tiges.
La Prêle des eaux courantes, Equisetum fluviatile a des tiges moins rugueuses, des dents noires plus nombreuses (10 à 20) et le vide central des tiges est très important (80%).
Protection : cette Prêle des marais est présente un peu partout dans notre pays mais est rare en Bretagne, une large partie Ouest-Atlantique et la Corse. Elle est déterminante Znieff en Corse.
Usage alimentaire:
Les jeunes pousses étaient consommées cuites en petites quantités à la manière des asperges en cas de disette. Elles sont peu appétissantes et pauvres en nutriments.
Plante toxique
Il est connu que les prêles sont riches en silice. Celle-ci est aussi riche en thiaminase, une enzyme. Cette enzyme dégrade la vitamine antiscorbutique, B1. Elle est à l’origine de la carence en vitamine et de cette maladie. La Prêle des marais ne peut pas être utilisée comme plante fourragère et a été à l’origine d’intoxications de bétail et surtout de chevaux.
La Prêle des marais contient en outre huit alcaloïdes toxiques pour le bétail, les principaux, la nicotine, la palustrine et palustridiène Il a été démontré en Finlande, que ces deux derniers réduisent la quantité de lait produite par les vaches qui en consomment et provoquent des symptômes de paralysie. Problème, ces alcaloïdes restent stables plusieurs années dans le foin.
Les quantités trouvées par les chercheurs varient énormément, de 213 à 994 mg/kg de matière sèche selon une source (4 ) et même depuis 88 mg/kg (3) soit un facteur de 10.
Ces variations importantes expliquent pourquoi des résultats contradictoires ont été publiés sur la toxicité de cette plante très répandue dans les plaines et steppes nordiques. La température lors de la croissance des prêles est le facteur qui influe le plus sur ces teneurs en toxiques. Ils sont, on le suppose, produits par la plante comme toujours pour se protéger des attaques de certains insectes.
Écologie :
Comme cette Prêle des marais et la Prêle des eaux sont très présentes dans les pays d’Europe du Nord, les chercheurs (5) ont mesuré sur sa croissance , les impacts du changement climatique en cours. L'augmentation du CO2 de l’air et de la température pourraient augmenter sa biomasse de manière importante dans ces pays les prochaines années.
Pour éviter les intoxications futures du bétail via des foins contaminés par cette Prêle des marais, des chercheurs ont étudié leur utilisation dans le process de biogaz. Bonne nouvelle, selon l’étude de Melchert (4) paru voici seulement quelques semaines, plus de 95% des alcaloïdes toxiques sont détruits dans le process du biogaz et les prairies peuvent être amendées avec les résidus de fermentation.
Usage médicinal :
Les romains et les grecs du début de notre ère l’utilisaient pour traiter les maladies rénales, arrêter les saignements et soigner la tuberculose.
Les autorités européennes (European Medicines Agency) tolèrent l’utilisation des prêles pour ces usages traditionnels. Elles confirment qu’il n’existe aucune preuve tangible ni test scientifique pour prouver l’efficacité de ces traitements à base de prêle. Il est interdit de les utiliser pour des enfants de moins de 12 ans.
Texte, photos, bibliographie Roland Gissinger (Anab)
Voir la bibliographie utilisée dans notre rubrique répertoire- index des plantes
1/Structural and quantitative analysis of Equisetum alkaloids Luise Cramer aug 2015
2/ Equiseti herba - herbal medicinal product European Medicines Agency
3/Variation of the Main Alkaloid Content in Equisetum palustre L. in the Light of Its Ontogeny Jurgen Muller Nov 2020
4/Equisetum alkaloids degradation in biogas fermentation of E. palustre contaminated plant material Dennis Melchert janv 2025
5/ Growth response of Equisetum fluviatile to elevated CO2 and temperature Anne Ojala mars 2002