Les osmies, des abeilles solitaires
Publié le 16 Mars 2025
Hôtel à insectes avec une Osmie cornue, l’Osmie rousse (Osmia cornuta ) et sa répartition selon INPN
Les osmies sont des abeilles solitaires au pouvoir pollinisateur très important. Elles sont utilisées à présent de manière industrielle dans les vergers et les serres potagères tout comme les abeilles domestiques. Il est effectivement essentiel de supprimer la chimie et tous ces insecticides destructeurs de la biodiversité, indispensable aux écosystèmes et aux cultures alimentaires.
Martine et Roland
Les premières abeilles du printemps que vous avez vues ces derniers jours sont à la fois, les osmies et la très grande abeille charpentière ( Xylocopa violacea ).
Moins sensibles au froid, elles commencent à butiner à 10°C, bien avant les abeilles domestiques qui, elles, refusent de sortir si le thermomètre ne monte pas au moins à 14 °C !
Les osmies cornues ( Osmia cornuta ) sont les principales habitantes des hôtels à insectes. A vrai dire, ceux- ci sont peu diversifiés en abeilles et c’est surtout Osmia cornuta qui les occupe.
Si vous avez raté les premières sorties des osmies, ce sera facile pour vous de les observer s’affairant devant un hôtel à abeilles sauvages.
Classification : les osmies sont des abeilles solitaires plutôt squatteuses comme nous le verrons !
Elles font partie de l’Ordre des Hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis…), plus de 156 000 espèces dans le Monde !
Ce sont des insectes à 2 paires d’ailes membraneuses, aux pièces buccales de type broyeur/ lécheur équipées de mandibules dentées capables de déchiqueter une nourriture solide.
Les Hyménoptères sont classés en 132 familles dont celle des Megachilidae à laquelle appartiennent les osmies.
Outre la longueur des pièces buccales et la particularité d’avoir deux cellules submarginales à l’aile antérieure, les femelles des espèces non-kleptoparasites (*) ont une brosse ventrale de récolte pour le pollen. La combinaison de ces caractères font des Megachilidae une famille facilement identifiable.
Ces espèces présentent une variation importante de taille et de comportement de nidification. Elles sont toutes solitaires ou kleptoparasites. Il n’y a pas d’espèces sociales chez les Megachilidae.
De nombreuses espèces utilisent des matériaux pour construire en partie ou en totalité leur nid comme des morceaux de feuilles, des pétales de fleurs, de la boue ou encore de la résine. Elles squattent les hôtels à insectes ou d’autres cavités préexistantes, on peut les trouver sous les encadrements de fenêtres, les serrures de portes et même les pipes à tabac. Certaines sont particulièrement intéressantes car elles construisent toujours leur nids dans des coquilles d’escargot ( Osmia bicolor).
Les espèces les plus connues en Europe sont l’Osmie cornue ( Osmia cornuta ) et l’Osmie rousse ( Osmia bicornis) .
Pour l’Osmie cornue, en cliquant ici, vous pourrez lire notre article détaillé sur cette espèce déjà paru :
(*) Kleptoparasite ou cleptoparasite : individu qui vole de la nourriture à un autre
Nom scientifique : Osmia cornuta (Latreille, 1805)
Origine du nom: vient du grec « osmos », l’odeur, le parfum et de « cornuta », la corne, en référence aux 2 excroissances que présentent les femelles sous les antennes. Les mâles ont à leur emplacement des touffes de poils blancs.
Nom anglais : european orchard bee
Nom allemand: Gehörnte Mauerbiene
Observation : le 4 mars à Sarre-Union (67- Bas-Rhin).
Dimensions : 12 à 15 mm, (une abeille domestique mesure 16 à 20 mm), les mâles sont plus petits de 1 à 2 mm en moyenne.
Durée d’observation : début mars à juin.
Description: Abeille de taille moyenne, très précoce au printemps. Elle a une pilosité noire sur la tête et le thorax, rouille vif sur l’abdomen y compris la brosse ventrale. Le mâle est reconnaissable aux poils blanc de sa face. Les plus belles des abeilles comme dirait notre ami Michaël ! Pour plus de détails anatomiques, se référer à la photo fléchée.
Osmia cornuta ( Osmie cornue ) et Osmia rufa – bicornis ( Osmie rousse) sont fort semblables : les femelles possèdent toutes deux les petites excroissances frontales, le mâle des poils blancs sur la face ; elles ont des mœurs fort semblables et apparaissent toutes deux aux même périodes, dans les mêmes milieux .Cependant Osmia cornuta ( 12 à15 mm ) est plus grande que sa copine ( 10 à 12 mm ) et arbore une pilosité noire sur la tête et le thorax ainsi qu’un flamboyant rouille vif sur l’abdomen tandis que Osmia rufa, si elle a gardé du noir sur le front, a choisi le gris-jaune pour le thorax, du brun clair pour l’abdomen qu’elle termine, coquette, par une petite pointe noire !
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Nourriture:
Pour se nourrir, cette abeille n’est ni difficile , ni spécialisée, elle est dite « polylectique ». Les femelles collectent par leur brosse ventrale du pollen, quant au nectar, elles l'accumulent dans leur jabot. Elles visitent plus de 14 familles de plantes , soit plusieurs centaines d’espèces. Elles ont une nette préférence pour le pollen des pruniers et cerisiers, des pommiers et poiriers, espèces de la famille des rosacées. Ces derniers jours, dans notre région, les premiers saules et corydales ont fleuri. Ces plantes sont aussi très appréciées de ces abeilles.
Cycle biologique :
Dans les cellules d’élevage, les larves issues des pontes dévorent les réserves mises à leur disposition ; deux à trois semaines plus tard, elles tissent un cocon, la nymphose a lieu fin juillet-début août. La nouvelle génération d’osmies naît avant l’hiver mais reste à l’intérieur du cocon protecteur jusqu’au moment de l’envol au début du printemps.
A la fin février, les mâles sortent les premiers de leur hibernation. Ils restent à proximité du nid pour féconder dès leur envol les femelles début mars. Après maturation des ovaires, elles vont se nourrir, préparer leurs nids, de préférence dans des cavités allongées, accumuler les réserves et pondre leurs œufs. Le cycle est unique sur l’année, l’insecte est dit dans ce cas « univoltin ».
Reproduction:
Les osmies sont solitaires et ne vivent pas en colonies comme les bourdons et abeilles domestiques.
La femelle recherche des cavités pour pondre ses œufs souvent des cavités allongées (tiges de bambou, anciennes galeries de coléoptères dans le bois ). Elle pond ses ovules et les féconde avec les spermatozoïdes issus de sa spermathèque, cet organe où elle a stocké le résultat de son accouplement.
Les œufs fécondés donnent des femelles, les œufs non fécondés donneront des mâles.
Les larves après éclosion se nourriront des réserves très nutritives assemblées par leur mère autour d’elles ( le nectar est régurgité et le pollen accumulé à proximité).
L’Osmie cornue peut construire en enfilade 12 cellules séparées les unes des autres par une cloison d’argile qu’elle a malaxé avec de la salive et travaillé comme du mortier en s’aidant de ses petites « cornes « .
Elle recommencera ensuite sur une autre tige creuse ou cavité.
Il lui faut 10 à 30 voyages pour récolter assez de nourriture pour un œuf. Sacrée bosseuse cette osmie !
Les pontes ne sont pas réalisées le même jour. Les dernières pontes, celles des cellules les plus proches de l’ouverture sont toujours occupées par des mâles, leur maturation étant plus rapide, ils sortent les premiers .On a vu comme la nature est bien faite !
Il faut environ 3 semaines pour le développement de l’œuf en adulte grâce à plusieurs mues.
La dernière mue est faite dans un cocon tissé par la larve et a lieu en fin d‘été. L’adulte restera dans ce cocon jusqu’au printemps suivant. Aux premiers jours de chaleur, il grignote la paroi qui l’isole de l’extérieur et émerge.
Habitat: cette abeille aime les endroits chauds avec des printemps précoces et doux. Pour le reste, elle n’est pas difficile non plus pour faire son nid. Elle utilise tous les trous et cavités existantes : fissures de murs, de plâtre, trous de drainage des fenêtres, parois d’argile ou de lœss toujours orientées plein sud.
Elle est présente dans tous les pays d’Europe Centrale et ceux qui bordent la Méditerranée jusqu’à 700 m d’altitude.
Hôtel à insectes :
Cette Osmie cornue, non exigeante, accepte les aides à la nidification. C’est le principal occupant des hôtels à insectes. Ceux-ci seront de préférence orientés plein Sud et abrités par un mur. Ils doivent être protégés de la pluie pour éviter le développement des moisissures.
Les tubes ont une section ouverte de 7 à 9 mm et une longueur de 20 à 25 cm pour les tubes de bambou ou de phragmite des roseaux mais 8 à 10 cm de long suffisent pour les blocs de bois.
Pollinisation : les abeilles du genre Osmia sont très utilisées par les arboriculteurs du Japon pour les pommiers et cerisiers. Les osmies sont aussi bien plus efficaces pour polliniser les amandiers que les abeilles domestiques car peu sensibles aux basses températures et à l’humidité.
Le métier d’osmiculteur est né grâce à ces abeilles expertes en pollinisation. Les osmiculteurs récoltent des hôtels à insectes, les installent ou les vendent, moyennant finances, chez des arboriculteurs ou des maraîchers.
Aux États-Unis, l’Abeille bleue des vergers, Osmia lignaria est commercialisée par les osmiculteurs pour les fameux vergers d’amandiers de Californie. Chaque osmie peut effectuer plus de 60 000 visites de fleurs. En une saison, elle peut en moyenne élever, dans 3 tubes, 8 larves avec ses réserves.
Une boite de 20 tubes est vendue 35 dollars (32 euros) et suffirait à 3 arbres soit 10 euros par arbre ce qui est une somme conséquente pour le propriétaire d’amandiers. Sa récolte peut cependant varier de 20 kg à 1000 kg d’amandes à l’hectare avec une bonne pollinisation. Le prix industriel des amandes est d’environ 4 euros le kg. Il en résulte un coût en osmie d’approx. 1kg d’amandes par arbre.
Pour ceux qui aiment les maths, nous avons trouvé un article slovaque qui traite de l’optimisation mathématique de la pose de nids d’osmies dans des vergers (6).
Comme nous n’avons pas trouvé, merci à eux de vérifier si cette formule est juste et de nous donner leur solution pour un verger en L de 60 ares :
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où yij−represents the pollination event of the j-th tree by bees from the i-th nesting aid, et dij-represents the shortest distance from the i-th nesting aid to the j-th tree, or from the i-th tree to the j-th tree.
Cette partie d’article est en avance sur le 1er avril. 😛😛
Prédateurs, parasites et pathogènes: ses ennemis naturels peuvent être des microchampignons (Nosema spp), certains virus ( Deformed wing virus ), les frelons ( indigène, oriental ou asiatique ), les araignées tisseuses de toile comme l’Argiope, les araignées crabe comme les Thomise et Misumenae , sans parler des punaises assassines ( Réduve ) tous prédateurs généralistes. Plus spécifiquement pour les osmies, on trouve des acariens ( Chaetodactylus osmiae) , les chrysides ou guêpes dorées, le Clairon des abeilles et les méloés ! J’en passe et des meilleurs sans oublier les mouches satellites comme Cacoxenus indagator, un diptère drosophile qui pond 6 à 8 œufs sur le pain de pollen des cellules larvaires . Après avoir mangé ou tué la larve, il dévore les provisions bien plus rapidement que la larve de l’osmie.
Les oiseaux insectivores tels que les guêpiers sont friands également d’abeilles sauvages ainsi que la pie-grièche écorcheur, les grimpereaux et autres gobemouches.
Statut de protection : de manière générale, ces abeilles sauvages, sont mal connues. Ce qui est certain c’est qu’elles sont en très forte régression comme tous les insectes (disparition de 75% de la masse d’insectes les 20 dernières années).
Elles ont disparu d’une grande partie de leurs habitats naturels par la fragmentation des zones naturelles et suite à l’utilisation de pesticides dits modernes comme les nicotinoïdes qui ne font aucune distinction entre les espèces.
L’Osmie cornue est assez fréquente par rapport à d’autres. Elle n’a aucune protection juridique et est classée LC, préoccupation mineure, en France et en Europe, statut d'une espèce pour laquelle le risque de disparition est faible.
Bibliographie :
Guide des Abeilles, Bourdons, Guêpes et Fourmis d’Europe , H. Bellmann
Vincent Albouy, Abeilles sauvages, Delachaux et Niestlé, 2016 (ISBN 9782603019931)
Hyménoptères d’Europe 3, Bourdons d’Europe et contrées voisines, Denis Michez
Hyménoptères d’Europe 1, Abeilles d’Europe, Denis Michez
Faune de France, Lucien Berland
Apidae 3 Fauna Helvetica 6
Découvrir & Protéger nos abeilles sauvages, Nicolas Vereecken
Webographie
1/Atlas Hymoptera en ligne
2/http://www.atlashymenoptera.net/page.aspx?id=111&search=osmia&marked=1474#anc_1474
3/http://www.atlashymenoptera.net/biblio/01500/Pauly_2015_Cl%C3%A9s_Megachilidae_Belgique_9JAN2016.pdf
(2 et 3 site non sécurisé supprimer l'espace après http)
4/BIOLOGIE ET COMPORTEMENT DE CACOXENUS INDAGATOR LOEW (DIPT.,) CLEPTOPARASITE D'OSMIA CORNUTA ) 1983
5/Location problem of Osmia cornuta nesting aids for optimum pollination Juraj pekar dec 2020
6/ BlueOrchard Bee (Osmia lignaria) Commercial Pollinator for Orchards -USDA Utah stateuniversity 2021
Liste des espèces d'hyménoptères déjà présentées sur ce blog (cliquer sur le lien en couleur)
Andrène de la bryone | Andrena florea |
Abeille charpentière | Xylocopa violacea |
Abeille des sables | Andrena bicolor |
Bourdon des champs | Bombus pascuorum |
Bourdon des jardins | Bombus hortorum |
Bourdon des pierres | Bombus lapidarius |
Cératine bleutée | Ceratina cyanea |
Cimbex du bouleau | Cimbex femoratus |
Colletes des sablières, Colletes du printemps / Vernal colletes | Colletes cunicularius |
Crypteffigies lanius | Crypteffigies lanius |
Cynips du rosier | Diplolepis rosae |
Frelon à pattes jaunes, Frelon asiatique | Vespa velutina |
Galle du lierre terrestre | Liposthenes glechomae |
Galle lenticulaire du chêne | Neuroterus quercusbaccarum |
Guêpe poliste- Poliste française- Poliste gaulois | Polistes dominula |
Halicte de la scabieuse | Halictus scabiosae |
Ichneumon suspiciosus | Ichneumon suspiciosus |
Isodonte mexicaine- Sphex de Saussure | Isodontia mexicana |
Lasioglossum | Lasioglossum |
Mouche-à-scie de la scrofulaire, Tenthrède de la Scrofulaire | Tenthredo scrophulariae |
Neuroterus albipes | Neuroterus albipes |
Neuroterus numismalis | Neuroterus numismalis |
Nomada jaune | Nomada flava |
Osmie cornue | Osmia cornuta |
Pemphredon lethifer | Pemphredon lethifer |
Philanthe apivore | Philanthus triangulum |