Nuits de la chouette en mars : le discret essor des rapaces nocturnes dans notre région
Publié le 11 Mars 2025
En mai dernier, une hulotte tombée du nid à Wissembourg a été prise en charge au centre de soin de la LPO
paru sur l'Alsace -le 7/3/2025 transmis par Bernard. Merci Bernard.
Sous l’égide de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), la 30e édition des Nuits de la chouette décortique le silence des nuits alsaciennes, tout au long du mois de mars. Ces rencontres partagées par les spécialistes de la hulotte ou de la chevêche sont l’occasion de rappeler combien le sort des neuf rapaces nocturnes présents en Alsace diffère.
Dans la famille, ils sont neuf et se distinguent par la couleur de leurs yeux ou par leur corpulence : de près de 3 kg pour le grand-duc à 60 g toute mouillée pour une chevêchette d’Europe. Autant cette dernière est difficile à distinguer dans le vert des vieilles forêts vosgiennes, autant son cousin plus mastodontesque (son envergure est de 1,80 m) attire la lumière sur lui lorsqu’il occupe le beffroi d’Obernai en 2021 ou l’abbatiale de Wissembourg l’année suivante. L’essor de cette espèce est un juste retour des choses après avoir fait l’objet d’une chasse impitoyable. Tout comme la chouette d’or, mais celle-ci n’est pas un oiseau…
Ces virtuoses de la nyctalopie, que la LPO propose d’approcher à l’occasion des Nuits de la chouette tout le mois de mars, connaissent des fortunes contradictoires attisées par la qualité des milieux naturels qui doivent leur assurer gîte et couvert. C’est en particulier le cas pour trois représentants de cet ordre des strigiformes : l’emblématique chevêche d’Athéna ou chouette des pommiers, la minuscule chevêchette et la chouette de Tengmalm, venue du froid.
Un impact positif des actions de soutien
La chevêche d’Athéna est la grande fierté des ornithologues. Elle a failli disparaître avec les destructions de vergers et de prairies conjointement engendrées par l’essor de l’agriculture moderne et la fin de la civilisation rurale. Grâce à une batterie de projets destinés à la remplumer, comme la conservation de vergers ou la pose de nichoirs , sa population a quadruplé en trente ans , retrouvant ses effectifs du début du XXe siècle. « Avec les nichoirs qui lui assurent de bonnes conditions de reproduction, elle doit aussi cet essor à la disparition des hivers très froids. Elle était auparavant très sensible aux grands froids parce qu’il lui devenait difficile de trouver de la nourriture », rappelle Yves Muller, le président de la LPO.
Aussi discrète que minuscule, la chevêchette d’Europe a été observée dans certains secteurs du massif vosgien à la fin du XIXe siècle. Très rare (seulement six observations en vingt ans) et considérée comme une espèce relictuelle glaciaire, elle est inféodée aux vieilles forêts d’altitude. Depuis une vingtaine d’années, son aire de présence s’élargit progressivement selon les ornithologues qui la scrutent. Une des raisons de l’augmentation très marquée de ses effectifs pourrait être liée au vieillissement d’une partie des peuplements forestiers et la conservation de vieux arbres dont elle occupe les cavités creusées par les pics.
Victime de la chaleur
Quant à la chouette de Tengmalm , dont le nom revêt un parfum d’exotisme nordique certain, elle aussi a besoin des vieilles forêts d’altitude du massif vosgien. Elle a été observée pour la première fois en 1923 et a fait l’objet d’une étude attentive entre 2011 et 2023. Au-delà des variations annuelles liées à l’abondance de rongeurs, la tendance observée a été celle d’une baisse également constatée dans d’autres massifs comme le Jura.
Certains spécialistes ont émis l’hypothèse du réchauffement climatique qui malmène cette espèce du froid. « Dans ce cas, la chevêchette devrait également régresser, mais ce n’est pas le cas, relativise Yves Muller qui avance une autre explication : la chouette de Tengmalm se nourrit exclusivement de petits rongeurs tandis que la chevêchette inclut également des oiseaux dans son régime alimentaire. Ce qui veut dire que si l’une ou l’autre ressource fait défaut, elle peut se rabattre sur une deuxième option contrairement à la chouette de Tengmalm » Sachant que toutes les deux sont extrêmement tributaires de la qualité des forêts d’altitude.
Les nuits promettent d’être chouettes
En Alsace, une dizaine de rendez-vous gratuits sont proposés dans le cadre de cette 30e édition des Nuits de la chouette.
Parmi les animations : une sortie pour écouter les chants des oiseaux, dont peut-être les rapaces nocturnes samedi 8 mars à Erstein (inscription au 03 88 98 14 33), des sorties de découverte de la nature le 12 mars autour de Strasbourg (06 50 49 27 64), des balades à Eschentzwiller (03 89 50 69 50, www.lemoulinnature.fr), à Kirrwiller le 15 mars, des ateliers scientifiques à Bisel le 21 (06 08 26 89 19) et Leymen le 28 (03 89 89 78 59), la visite d’un espace classé à la réserve naturelle du Neuhof le 16 mars, une sortie “réveil au polder” à Erstein le 30 mars (06 20 24 62 02) ainsi qu’une conférence à la médiathèque de Roeschwoog le 28 mars.
Détail de ces animations sur le site de la LPO : https://alsace.lpo.
La pose de bagues métalliques sur le tibia des jeunes chevêches permet de connaître leur longévité et leurs déplacements