Regards sur des forêts de fond de vallée au fil des saisons (1)
Publié le 23 Mars 2025
Nous entamons ici une série de “promenades naturalistes” effectuées au fil des saisons le long d’un affluent de la Sarre au nord de l’Alsace Bossue. Elles sont axées principalement sur le monde végétal et concernent des îlots forestiers encore présents dans certains fonds de vallée. Dans ce milieu occupé majoritairement par les prairies, les cultures, voire des constructions, deux types de formations forestières sont présents: d’une part, les forêts alluviales et d’autre part, les ripisylves qui en constituent la marge le long des cours d’eau et qui se prolongent plus loin sous forme de cordon étroit limité aux rives. Une des caractéristiques de ces zones est de subir l’inondation répétée, parfois prolongée, en fonction de la topographie.
Unités paysagères du fond de vallée.
Fond de vallée large comportant un îlot de forêt alluviale. Cette dernière est liée à l’exploitation ancienne de sablières à présent abandonnées. Il s’agit donc d’une forêt de reconquête. La rivière court actuellement au bas de la colline et inonde toute l’étendue lors des crues (lit majeur).
A quelque distance du site précédent, le fond de vallée se resserre. Le versant collinéen pentu est très proche (à droite). Trois milieux forestiers se succèdent sur une courte distance.
Caractéristiques topographiques des forêts alluviales
Aspects du sous-bois en hiver. A certains endroits, l’eau de ruissellement en provenance des pentes proches, stagne dans les dépressions à l’abri de cordons d’alluvions et d’embâcles accumulés au fil des crues. De nombreux troncs de frênes, victimes de la chalarose, gisent sur le sol. Frênes et aulnes constituent le boisement.
Dans cette dépression (ancien site d’exploitation de sable), la nappe phréatique affleure à l'air libre. La surface est recouverte d’un tapis de lentilles d’eau. Ici, l’aulne domine.
Dans une étude* consacrée aux forêts de fond de vallée dans le Land de la Sarre (D), les auteurs relèvent la présence de plusieurs types de peuplements qui peuvent coexister dans un espace restreint. Cette mosaïque est due principalement aux variations d'altitude, aux types d’alluvions plus ou moins perméables, au régime hydrique qui en découle.
Ils décrivent des forêts à bois dur : les aulnaies pures, les aulnaies-saulaies, les aulnaies frênaies et des forêts à bois tendre, les saulaies basses.
*Abh. DELATTINIA 24: 27 - 46 Saarbrücken 1998 ISSN 0948-6526
Auwälder im Saarland von Andreas Bettinger und Ankea Siegl
La fin de l’hiver
L’activité végétale
La forêt alluviale par une belle journée, en fin d’hiver.
La strate arborescente est constituée d’aulnes et de frênes ainsi que de bouquets de noisetier. Le sol est recouvert d’une litière. Des zones “d’herbes sèches” occupent les clairières.
En ce mois de février, les seules plantes vertes et actives dans ces milieux sont le gui, le lierre, les nombreuses mousses et lichens et dans une moindre mesure les ronces situées en lisière.
Un chêne sert de support à un lierre. Des arbres de la forêt collinéenne peuvent être présents à certains endroits de la ripisylve.
un lève-tôt : le noisetier
Variable selon les années, le démarrage de la floraison du noisetier annonce le basculement vers le pré-printemps. Progressivement, les jours s’allongent. Le pollen de noisetier (allergisant) procure une première source alimentaire aux insectes lorsque la température est clémente. La floraison des individus est décalée ce qui favorise, grâce au vent, les transferts de pollen d’un pied à un autre (fécondation croisée) et permet ainsi le brassage génétique.
Activité de la faune
Ce secteur de la berge est criblé de trous d’un diamètre d’une vingtaine de centimètres. Certains communiquent avec un tunnel souterrain à faible profondeur. Nous sommes sur le site d’un terrier de ragondins.
Ici, ce sont des traces laissées sur des arbres. Des branches d’un saule couché sont sectionnées en biseau (à gauche), la base du tronc d’un jeune charme a été coupée en mode crayon (à droite), des copeaux trainent sur le sol. Les profils sont caractéristiques de l’activité d’un rongeur nocturne, le castor.
De temps à autre retentit le cri lugubre du pic noir. Dans les arbustes, des mésanges poussent un bref “Zitt ìsch” (littéralement : le temps est… en suspens)
Texte, photos et bibliographie Étienne Feuchter (Anab)
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