D'où vient le cacao ?

Publié le 18 Avril 2025

 D'où vient le cacao ?

paru sur MHN . Transmis par Christian, merci Christian.
Voir aussi notre article sur le cacoyer

Domestiqué il y a plus de 5 000 ans, le cacao a parcouru le monde jusqu’à devenir un produit incontournable de notre cuisine. D’où viennent les premiers cacaoyers ? Comment la fève de ce fruit a-t-elle conquis l’Europe et façonné l’industrie du chocolat ? Découvrez son incroyable périple, de son berceau amazonien à la "ceinture du cacao" d’aujourd’hui.

Fèves de cacao sorties de la cabosse, fruit du cacaoyer

Aux origines du cacao

Le cacao trouve ses racines au Pléistocène, dans la vaste forêt d’Amazonie. Les plus anciennes traces de consommation du cacao que l’on connaisse à ce jour ont été retrouvées en haute Amazonie par les archéologues, dans des céramiques et des récipients en pierre polie issus de la culture Mayo Chinchipe-Marañon, datant d’il y a environ 5 300 ans. Pourtant, c’est auprès des populations autochtones d’Amérique centrale et du Nord (Olmèques, Mayas, Mixtèques, Nahuas et Aztèques) que les Européens ont rencontré ce fruit pour la première fois. Ces peuples cultivaient le cacaoyer, dont ils utilisaient les fèves comme monnaie d’échange et pour préparer des aliments.

Le cacao était ainsi utilisé pour différentes boissons, très amères, auxquelles on ajoutait d’autres ingrédients comme le piment, le roucou ou de la vanille. Ces boissons cacaotées étaient battues et servies de haut pour obtenir une consistance mousseuse. Elles étaient largement consommées par le peuple et l’élite. Certaines servaient d’offrandes aux divinités.

Arrivée du cacao en Europe

Au tout début du XVIe siècle, les Européens arrivent au Mexique, et goutent pour la première fois à l’une de ces boissons chocolatées. Celle-ci est forte et leur semble alors âcre, amère et trop épicée, mais ils reconnaissent qu’elle est très énergisante. Le conquistador espagnol Hernan Cortés enverra alors un bâton de cacao (à râper) au Roi Charles Quint qui n’est pas immédiatement convaincu par ce nouveau mets. En Amérique, les colons espagnols adaptent la recette à leur palais en y ajoutant du sucre de canne et de la cannelle. Presque un siècle plus tard, la consommation du chocolat "à boire" gagne les cours européennes où de nouvelles recettes voient le jour : le chocolat est servi chaud, de nouvelles épices y sont ajoutés et certains y introduisent même un œuf ! Sous le règne de Louis XIV, le chocolat à boire est devenu un plaisir de luxe incontournable au sein de l’aristocratie française.

Migration des cacaoyers

Production de cacao dans une plantation en Afrique

Production de cacao dans une plantation en Afrique

© Media Lens King - stock.adobe.com

Alors que les Européens apprécient de plus en plus le cacao, les souverains cherchent à faire produire ces fruits dans leurs colonies. Les puissances coloniales, dès le milieu du XVIIe siècle, participent activement à la culture du cacao. En 1660, Benjamin da Costa d’Andrade plante ainsi le premier cacaoyer en Martinique. La même année, Louis XIV ordonne la mise en culture du cacao pour répondre à une demande grandissante en France. Les Hollandais, particulièrement friands de cette boisson, imposent la culture de cacaoyer à Cuaraçao et au Suriname, tandis que les Britanniques la lancent en Jamaïque et à Saint-Christophe. Les Portugais, en parallèle, extraient le cacao d’Amazonie brésilienne d’où il est natif.  

Des routes commerciales pour échanger du cacao

La route du cacao devient ainsi internationale : les échanges de plants et de fèves se font outre-Atlantique, tandis que de nouvelles variétés sont introduites dans des archipels colonisés.  

L’un des premiers mouvements qui soit vraiment significatif est celui organisé par le Portugal de l’Amazonie brésilienne vers l’île de Principe (São Tomé-et-Principe) dès 1721. En moins d’un siècle, les colons portugais y ont acclimaté la plante et cultivent le cacaoyer à grande échelle. Le marché du cacao repose alors sur celui de la traite négrière, puisque les esclaves servent de main d’œuvre pour intensifier la production.

São Tomé-et-Principe devient le point de départ de l’introduction du cacaoyer en Afrique continentale. Si l’on ne sait pas vraiment à quelle date précise les cacaoyers sont arrivés dans quel pays, il n’en reste pas moins que cette propagation s’est révélée très intense, et que rapidement, les pays africains se sont imposés comme principaux producteurs de cacao pour l’Europe. Au XIXe siècle, la "ceinture" de cacao, représentant l’ensemble des pays producteurs sur le globe le long des tropiques, était née.

L’Afrique est d’ailleurs aujourd’hui la principale source de production mondiale de cacao (70 % en 2022), tandis que l’Amérique ne représente "plus" que 20 % des productions.

L'exemple santoméen

São Tomé est un territoire où se sont étendues des économies de plantation successives. Ainsi, depuis le XIXe siècle, la culture du cacao a favorisé l'introduction sur l'île d'esclaves africains puis de travailleurs sous contrat en provenance d'autres colonies portugaises. Ces migrations et la stratification sociale en contexte colonial ont façonné la distribution de la diversité génétique humaine sur l'île.

Colonisée par les Portugais, São Tomé est l’un des premiers exemples d’économie de plantation coloniale, fondée au XVe siècle autour de la culture de la canne à sucre et l’exploitation d’esclaves venus principalement du Golfe de Guinée et du nord de l’Angola. Leurs descendants, issus de métissages et en partie affranchis, resteront sur place pendant deux siècles de déclin économique.

L’arrivée du cacao sur l’île au XIXe siècle provoque le lancement d’une 2e économie de plantation, qui se poursuit après l’abolition formelle de l’esclavage. C’est durant cette vague que des habitants du Cap Vert, un archipel situé face aux côtes du Sénégal, immigrent pour servir de main d'œuvre peu payée, formant une nouvelle couche sociale avec très peu de libertés. L’activité économique de l’île se structure alors autour des "roças", de vastes exploitations agricoles centrées sur la culture du cacao. Ces domaines structurent l’espace et la société : ils regroupent les terres cultivées mais aussi le logement du propriétaire terrien, les dortoirs pour esclaves et travailleurs sous contrat, des hôpitaux pour soigner les travailleurs de leurs maladies tropicales, d’une école et d’une place centrale.

Une analyse récente des génomes des Santoméens met en évidence une contribution génétique majeur provenant du Golfe de Guinée et de l’Angola, liée à la traite esclavagiste durant la première économie de plantation. À cela s’ajoute une composante cap-verdienne, issue de la seconde vague migratoire associée à la culture du cacao, elle-même marquée par le métissage auparavant entre des populations de Sénégambie et d’Europe au Cap Vert. En somme, les Santoméens d’aujourd’hui portent, dans leur diversité génétique complexe et imbriquée, l’empreinte des dynamiques migratoires et sociales liées aux plantations.

Le temps passant, la hausse du coût de la main-d’œuvre, les maladies des cacaoyers, et les changements du marché mondial contribuent au déclin de l’industrie cacaotière sur l’île.

Le marché du cacao aujourd'hui

Aujourd’hui, le commerce du cacao est un marché mondial avec une soixantaine de pays producteurs. Certaines régions productrices comme São Tomé-et-Principe sont valorisées pour leur terroir et le patrimoine génétique de leurs cacaoyers. Leurs fèves sont recherchées pour la fabrication de chocolat fin. 

Actuellement, le marché du chocolat haut-de-gamme valorise les "chocolats d’origine" dont la traçabilité et (en théorie) la génétique sont claires. La nouvelle tendance consiste ainsi, pour les chocolatiers européens, à travailler en direct avec des producteurs sélectionnés pour la qualité de leurs fèves. Le chocolatier européen torréfie lui-même les fèves et produit ce qu’on appelle un chocolat "de la fève à la tablette" (bean to bar). On observe désormais une déclinaison locale de cette tendance puisque certains producteurs de fèves fabriquent leur propre chocolat sur place, selon le concept de l’"arbre à la tablette" (tree to bar). 
 

Production de cacao dans une plantation en Afrique

C’est ainsi qu’en Amazonie, mais aussi à São Tomé et dans d’autres régions, la filière cacaotière vit actuellement un large renouveau avec la production locale de chocolats fins. Ce mouvement associé à la chocolaterie haut-de-gamme permet de redessiner la géopolitique du cacao : alors que traditionnellement les producteurs de fèves se trouvent dans les pays du Sud et les fabricants de chocolat dans les pays du Nord, on assiste désormais au développement de savoir-faire chocolatiers dans les Suds. 

Pour ce qui est du marché du chocolat commun, cette économie, bien qu’elle soit un pilier pour des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Ghana, induit de nombreux problèmes : la main d’œuvre évolue souvent dans des conditions très précaires tandis que la déforestation massive fait des ravages sur les écosystèmes. Certaines initiatives tentent d’enrayer ces mécanismes en faisant la promotion du commerce équitable et de l’agriculture biologique.

En somme, la migration du cacao est le fruit d’un projet colonial poussé par le gout des européens envers cette nouvelle boisson. Les transferts de plans de l’Amérique centrale vers l’Afrique et l’Asie, visant à la création de nouvelles sources d’approvisionnement, ont largement transformé la géographie de la production cacaoyère et a posé les bases d’un commerce international tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Consommation, #Apprendre de la nature

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article