La Zygène de la coronille, Zygène de la Coronille variée (Zygaena ephialtes)
Publié le 1 Mai 2025
Les zygènes, ces papillons noirs et rouges sont faciles à voir et à observer. Certaines espèces volent déjà. Il faudra un peu patienter pour observer celle-ci.
Martine et Roland
Nom scientifique : Zygaena ephialtes (Linnaeus, 1767)
Origine du nom : « Zygaena», vient du grec « zugon», « le joug » et par suite « la balance ». C’est une allusion aux deux grosses antennes armées de massues des zygènes, qui semblent être comme des balanciers d’acrobate, en équilibre constant.
Le mot « ephialtes» viendrait du grec «ephallomai», oppresser, sauter dessus. Ce terme est lié à un sentiment d’anxiété ou d’étouffement, il signifierait aussi « cauchemar ».
Est-ce en lien avec le caractère supposé toxique des zygènes ?
Voir le site très intéressant de Jean-Yves Cordier sur la zoonymie (étymologie et étude du sens des mots) de nombreux papillons dont celui-ci.
Nom allemand : Veränderliche Rotwidderchen oder Beringte Kronwickenwidderchen.
Nom anglais : variable burnet , billowing burnet.
Observation : le 7 juin à Dinsheim (67-Bas-Rhin)
Famille : cette zygène est un » papillon de nuit « et appartient à la famille des Zygaenidae qui compte plus de 1000 espèces différentes recensées de par le monde.
La majorité des zygènes se trouve sous les tropiques mais de nombreuses espèces existent en Europe.
Points communs : les larves de ces papillons sont robustes et trapues . Elles renferment dans leur organisme des composés cyanhydriques qui les rendent incomestibles. Les adultes conservent cette faculté. Des couleurs très voyantes ou métalliques avertissent les prédateurs éventuels du risque lié à la présence de ces composants cyanurés hautement toxiques ( signal aposématique ).
Le monde antique des insectes s’est révélé, par la découverte dans des schistes, de zygènes, magnifiquement fossilisées datant de 47 millions d’années ( Eocène ).
Dimensions: envergure 30 à 40 mm.
Description : la zygène de la coronille a les ailes antérieures noir à reflet bleu avec 5 ou 6 taches rouges ou blanches. Les ailes postérieures peuvent être rouge bordées de noir ou noires à taches blanches. Mais ce qui est flashy chez elle, ce sont les petites pointes blanches aux extrémités de ses antennes !
Et attention ! Soyez diplomate avec cette zygène et ne la fâchez pas. Elle est championne, ceinture noire de judo « 9 ème dan » soit le plus haut grade de judoka. A ce grade, il est permis de porter une ceinture rouge, ce qu’elle fait en arborant sur l’abdomen, une belle sangle d’un rouge éclatant.
NB : Pour la ceinture rouge, nous n’inventons rien, voir la ligue de judo.
Cette zygène a des allures variées selon les pays : elle est polymorphique. Ce caractère est souligné dans certaines langues.
Autrefois les spécialistes avaient donné des noms différents à chaque forme en croyant qu’il s’agissait d’espèces à part entière. Certains noms subsistent pour les formes atypiques.
Ces nombreux caractères morphologiques sont héréditaires au sein d’une population. Ils sont exprimés ou non selon leur caractère récessif, comme les yeux bleus dans l’espèce humaine.
Cette zygène est utilisée comme modèle par certains généticiens pour observer les critères de transmissions des gènes.
Mais des entomologistes ont remarqué qu’elle s’accouple quelquefois avec d’autres zygènes ce qui complique encore l’identification de sa descendance.
Confusions : Les zygènes ont coutume d’être très variables, dans des proportions peut-être encore plus importantes que les autres papillons , ce qui augmente les chances d’observer un spécimen d’une espèce donnée ressemblant comme deux gouttes d’eau …à une autre espèce !
Ainsi sommes- nous invités à faire preuve d’une immense prudence et d’une curiosité sans limite car il semble que chez les zygènes, tout est permis !
En plus , il y a quelques faux amis : Syntomis (Amata ) phegea et Syntomis quercii partagent avec Z.ephialtes quelques traits communs : taches blanches sur les ailes sombres, anneau abdominal et antennes avec du blanc au bout …
Période d’observation: juin à septembre
Biologie et activité :
Son vol est lent typique des papillons de nuit mais elle vole le jour.
Nourriture des adultes : ils se nourrissent surtout du nectar des fleurs d’espèces très variées, astéracées, caprifoliacées (scabieuses et knauties) mais ils ont une préférence pour le sureau. Leurs larves sont monophagiques ou presque.
Reproduction :
Ce papillon a un seul cycle de reproduction. La femelle pond ses œufs délicatement par groupes sous les feuilles de la Coronille variée, Coronilla varia .
Nourriture des larves :
Les larves se développent sur leur plante hôte préférée mais peut être aussi sur d’autres fabacées comme l’Hippocrepis à fer à cheval, Hippocrepis comosa, (un habitué des prairies sèches), sur les trèfles, le thym, les plantaginacées ( plantains et véroniques ).
Les œufs de papillons sont tous munis d’un orifice à leur extrémité, le micropyle. La paroi de l’œuf en chitine est solide. Il est donc indispensable d‘avoir une entrée d’air pour la respiration de l’œuf puis de la larve qui va s’y développer.
Après éclosion de la larve, la croissance se fait par un passage en 5 stades successifs ou mues. Ce cycle est interrompu à l’automne, au deuxième stade ; la chenille hiverne alors et poursuit son cycle au printemps suivant. La nymphose se déroulera dans un cocon blanc. Les imagos quant à eux émergeront en juin-juillet.
Les chenilles sont visibles de septembre à octobre puis de mars à juin.
Leur taille ultime est de 22 mm de long. Elles sont de couleur jaune vert avec deux lignes de gros points noirs et trois fines lignes de points sombres. Le corps est hérissé de fines soies claires sur chaque anneau.
Techniques de self défense:
Les chenilles ont des techniques pour se défendre des prédateurs comme des soies indigestes.
La couleur très voyante des zygènes, dite aposématique avertit les prédateurs qu’elle contient du cyanure dans ses tissus. Avis aux amateurs !
Ceci explique aussi la facilité du photographe à leur tirer le portrait car elles ne s’enfuient pas comme la plupart des papillons au moindre mouvement.
Un papillon, le Sphinx du pissenlit, Amata phegea lui aussi très toxique, « a eu l’idée » de se déguiser en Zygène de la coronille pour échapper à ses prédateurs. Les savants dénomment cette particularité « mimétime mullérien ». Ce mimétisme entre espèces différentes confère aux deux espèces une immunité encore plus importante quand l’une d’elles est en petit nombre. Toujours surprenants et inventifs ces insectes !
Menaces par fragmentation des habitats
La fragmentation des habitats des insectes est une problématique peu prise en compte par les aménageurs fonciers et les politiques.
De plus en plus de recherches vont dans ce sens. Les papillons, on le sait depuis longtemps se déplacent très peu et se cantonnent dans de petits habitats. Ils ont besoin de corridors de liaisons, de reproductions croisées avec d’autres populations pour renouveler leur patrimoine génétique.
Habitat: Cette zygène plutôt méridionale aime les talus et terrains secs, couverts de prairies, peu fauchées et peu amendés. Elle peut y trouver sa plante hôte principale, la coronille, plus précisément, la Coronille variée, Coronilla varia. Elle ne peut pas vivre en forêt.
Elle est présente dans l’Europe continentale et méditerranéenne jusqu’à l’Oural. Elle est absente au sud d’une ligne passant par la Sicile où elle est remplacée par des zygènes encore plus méridionales.
Prédateurs: Chauve- souris, oiseaux.
Protection et statut : Par suite de l’usage immodéré des pesticides, de la fragmentation de ses habitats, de pratiques de l’agriculture intensive, de la disparition des prairies fleuries autres que celles faites en « béton vert », sa population s’est réduite.
Cette Zygène de la coronille est classée en danger d’extinction EN dans la Région Hauts-de-France, vulnérable VU en Centre-Val de-Loire et Ile-de-France
NT, quasi menacé en Occitanie, Rhône-Alpes, Franche-Comté, Bourgogne, Alsace, et LC ailleurs.
Elle est classée déterminante Znieff en régions Ile-de-France, Picardie, Haute-Normandie, Centre-Val-de-Loire et Lorraine.
Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.
Pour conclure ,
en résumé : reconnaissable à ses 5/6 taches rouges ou blanches, à sa ceinture rouge de judoka 9ème dan et les pointes blanches de ses antennes.
Texte, : Martine Devondel (Anab) et Roland Gissinger (Anab)
Détermination des papillons : Martine ; Photos : Roland
Bibliographie
Livres
1/Très joli et instructif livre : Guide complet des papillons de jour de Lorraine et d’Alsace –JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise
2/Papillons de France, Tristan Lafranchis
3/ Mimicry in the burnet moth Zygaena ephialtes: population studies and evidence of a Batesian—Müllerian situation- V Sbordoni fev 1979
4/ Habitat requirements of conspicuous burnet moth Zygaena ephialtes (Linnaeus, 1767; Lepidoptera: Zygaenidae) Jakub Horák jun 2013
5/ Veränderliches Rotwidderchen wikipedia De
6 /Guide photographique des Papillons de jour et des zygènes de France, Jean-Laurent Hentz, Jean-Pierre Dhondt, Philippe Dauguet.