Regards sur des forêts de fond de vallée au fil des saisons Numéro 4
Publié le 20 Avril 2025
Depuis la dernière sortie, nous sommes entrés dans le “ proto printemps" (situé devant / contre le plein printemps). Il est arrivé d’abord dans la forêt alluviale puis, en quelques jours, a gagné la forêt collinéenne, déroulant dans les sous-bois des tapis blancs d’anémones et de primevères élevées. Pour terminer, il s'est installé dans les prairies où les étendues de cardamines des bas-fonds rivalisent avec les primevères et les violettes odorantes des côteaux plus secs. Dans les haies, les prunelliers et les merisiers en fleurs entretiennent pendant les beaux jours un ballet d’insectes.
A présent, dans la forêt alluviale*, les floraisons basses régressent, une végétation herbacée plus haute prend le relais : orties, ronces, gaillet, ail, carex. Des arbustes (aubépine, fusain, noisetier) étalent leurs feuilles créant un premier écran au sol. Les houppiers des arbres (frêne et aulne) tardent encore à afficher leur feuillage…
*A comparer avec la photo du même site de l’Article 1
Aulnaie avec son parterre d’ail des ours. A l’arrière, une haie de prunellier et un merisier apportent une note blanche et côté rivière ( à droite), un érable affiche une robe vert pistache La forêt collinéenne garde encore son aspect hivernal
C’est sur la marge, dans les ripisylves, que les arbres vont apporter des notes colorées et que vont s’épanouir encore quelques “nouveautés”. C’est là que se déroule notre parcours d’aujourd’hui.
La note vert pistache
Une saulaie occupe les zones basses du lit majeur et constitue “la forêt à bois tendre”. Lors des crues, les terrains sont remaniés par l’érosion et le dépôt de bancs de sable. La nappe phréatique est peu profonde (le cours de la rivière est visible à droite). Plusieurs espèces de saules peuvent occuper l’espace. Leur détermination n’est pas toujours aisée.
Deux arbres de rive, l’un dans une parure vert-jaune, l’autre encore en habit d’hiver. Pourtant, les deux sont en fleurs… Rapprochons-nous.
Coup d’œil sur un rameau de frêne avec ses bouquets d’étamines sombres et sur une branche d’érable sycomore aux bouquets de fleurs vert-jaune.
Cette fois, il s’agit d’une espèce d’arbrisseau à fruits comestibles (!). Pour l’instant, il étale des grappes de fleurs vert pistache à peine visibles : le groseillier à grappes se plaît dans la forêt alluviale. A droite, un autre individu (groseillier à maquereaux) s’est développé sur le tronc d’un saule têtard.
Pour autant, ces fleurs aux couleurs peu marquées pour nous autres humains, attirent leurs lots d’insectes grâce à leur nectar ou parfum. Quant à l’avifaune, la ripisylve résonne de concours de chants sans fin.
Mais voici deux plantes vertes dont on se serait bien passé.
Les renouées du Japon refont surface depuis leur réseau de rhizomes souterrains. Un Mahonia s’est installé au pied d'un saule. Le premier végétal est une invasive venue d’Asie orientale, le second nous vient d’Amérique du Nord.
Et toujours les notes de couleurs variées
A gauche, lamier pourpre et lianes sèches de houblon parties à l’assaut d’un arbuste. A droite, lamier blanc en compagnie d’une touffe d’alliaire sur le point de fleurir. A noter que le lamier tacheté peut également être présent dans cet environnement.
Un parterre d’orties ? Non, aujourd’hui, c’est le festival des lamiers. Il s’agit de lamiers jaunes totalement inoffensifs au contact . Ils peuvent former de véritables tapis à l’ombre des arbres.
Pour terminer, une rareté en Alsace Bossue.
La surprise:se trouve dans la ripisylve d’un ruisseau : une station de gagées jaunes…
Nous avons observé le pré-printemps (article 2), le premier printemps ou”proto printemps” (articles 3 et 4) et déjà à l’heure où paraissent ces lignes, le plein printemps s’annonce. Il est temps d’évoquer le calendrier des saisons végétales.
le calendrier phénologique
L’observation des phénomènes saisonniers répétés année après année a conduit la sagesse populaire à créer des dictons souvent utilisés pour les cultures.
A titre d’exemple, en voici deux en francique rhénan :
“Der Aprìll mùss ùm Mäi ‘s hàlwe Lààb liwre” / Avril se doit de livrer au mois de mai la moitié du feuillage.
“Wenn ìm Aprìll ’s Grààs wàckst, schdéht’s ìm Mäi féscht” Quand l’herbe pousse en avril, mai la rend drue.
Une approche plus codifiée a consisté à établir un calendrier qualifié de phénologique qui permet de suivre les variations des dates de changement dans la nature et de connaître ainsi l’évolution climatique. L’apparition des feuilles, des fleurs, la maturation des fruits, la coloration et la chute des feuilles constituent des étapes clés. Elles sont notées chez des espèces “indicatrices” appartenant à la nature sauvage ou aux plantes cultivées (les observations du monde animal sont souvent plus délicates à réaliser).
Le tableau* résume quelques caractéristiques des dix phases ou saisons végétales observables FL = fleurs, F = feuilles, FR = fruits
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Textes, photos, recherches, et bibliographie Étienne Feuchter (Anab)
* Pour notre territoire, on trouvera de nombreuses pages consacrées à la phénologie sur le net (pour la région nord-est, mais aussi chez nos voisins directs allemands ou suisses).
Articles précédents: