Savez-vous planter des arbres ?

Publié le 26 Avril 2025

 Article réservé aux abonnés Je fais un don L’entreprise niortaise Créateur de forêt à l’œuvre à Aigondigné (79). Une fois en terre, le plant est protégé par un filet de protection, une ancienne poche à huîtres, tenue par deux tuteurs.  L’entreprise niortaise Créateur de forêt à l’œuvre à Aigondigné (79). Une fois en terre, le plant est protégé par un filet de protection, une ancienne poche à huîtres, tenue par deux tuteurs. •

Article réservé aux abonnés Je fais un don L’entreprise niortaise Créateur de forêt à l’œuvre à Aigondigné (79). Une fois en terre, le plant est protégé par un filet de protection, une ancienne poche à huîtres, tenue par deux tuteurs. L’entreprise niortaise Créateur de forêt à l’œuvre à Aigondigné (79). Une fois en terre, le plant est protégé par un filet de protection, une ancienne poche à huîtres, tenue par deux tuteurs. •

publié sur Lavie le 21 mars 2025

C’est un spectacle assez saisissant : 2,6 hectares de pelouse parsemée de piquets plantés dans des paquets de paille. On se croirait dans un cimetière un peu original. Mais en fait de cimetière, c’est plutôt l’inverse. « Ici, on aide la vie, philosophe Baptiste Trény, fondateur de l’entreprise niortaise Créateur de forêt. Car dès qu’on a créé des habitats, les habitants reviennent. » Aujourd’hui menacés, beaucoup d’animaux ont besoin de zones refuges : oiseaux et renards, grenouilles et hérissons, sans oublier les centaines d’espèces d’insectes qu’on imagine aisément s’installer dans des sous-bois. En parallèle, les sols se dégradent : quoi de mieux pour les régénérer que de les transformer en litière forestière ?

Dans ce petit coin d’Aigondigné (79), non loin de Niort, depuis une semaine, petits et grands s’affairent donc à planter 2 207 arbres, de 27 essences locales. C’est le futur bois des Elfes, nom choisi par le Conseil municipal des enfants. À l’entrée de la plantation, un imposant hôtel à insectes accueille le visiteur. Plus loin, des tas de paille recouverts de pierres sèches servent d’hibernaculum à reptiles. Ailleurs, les pans d’une mare creusée en août dernier commencent à verdir. « Nous avons aussi un projet de gîte à belette », reprend le fondateur. Dans un coin, la pelouse est recouverte de branchages divers.

« Nous avons voulu tester le semis d’arbres, explique Élise Girard, directrice de l’association. C’est une nouveauté pour nous. Avec les maternelles du village, nous avons fabriqué des bombes à graines contenant des glands, des noisettes, des graines d’érable. On en a mis beaucoup pour maximiser les chances de levée ! » Pour finaliser l’aménagement, une haie de protection a été plantée et deux prairies fleuries seront semées de vivaces en avril. « Nous travaillons avec des écologues, qui nous conseillent sur les aménagements à réaliser, précise la jeune directrice. Sur un autre site, nous avons par exemple conservé une prairie, car un papillon menacé y vit ! »

 

Savez-vous planter des arbres ?

« Nous, on fabrique des meubles », lance Léa entre deux brassées de paillage. Initiatrice d’un partenariat entre son entreprise et Créateur de forêt, cette salariée avoue que « dans notre activité, nous utilisons beaucoup de bois. Cela me semble important de revenir à la matière et de réaliser combien la création d’une forêt, ce n’est pas rien ». Plus loin, Anna tend un plant à sa collègue : « Tu peux en boire en infusion. » « Du tilleul ? » La confirmation fuse : « Oui, un tilleul à grandes feuilles ! » Accroupie, près d’un jeune plant, elle précise en répétant les conseils reçus de l’entreprise une demi-heure plus tôt. « Là, il faut tasser autour du pied, sans trop comprimer. Le seau d’eau fera le reste. Avec toute cette paille, normalement, pas besoin d’arroser, même cet été ! »

 

Avant d’être enterré, le plant est plongé dans le pralin, mélange de terre, de bouse et d’eau. Un bon fortifiant pour aider à la reprise.

Parmi les bénévoles, certains soutiennent financièrement le projet. Ainsi, au décès de son époux, Véronique a proposé à leurs proches d’orienter leurs dons vers ce projet. « Ils sont venus à une bonne trentaine en début de semaine, raconte Baptiste. Leur démarche, qui s’inscrit dans un contexte de deuil, rejoint notre désir de préserver la vie. C’est très beau. » C’est aussi l’histoire du grand-père de Sarah, qui a voulu financer un morceau de forêt en mémoire de sa petite-fille décédée dans un accident. « Et ces tuteurs, savez-vous d’où ils viennent ?, questionne le créateur. Ce sont les chutes de bois d’une entreprise de fabrication de cercueils. Encore un bel exemple qui montre combien la vie peut surgir de la mort ! »

Rien d’étonnant pour Marie-Hélène Lafage, cofondatrice d’Institut transitions : « La nature et l’arbre nous inscrivent dans un temps long qui nous dépasse. » Cette spécialiste des politiques de transition écologique note combien « nous sommes attachés à la forêt, ce lieu indemne de l’artificialisation, qui continue d’incarner la vie sauvage. Or, le vivant nous relie à Dieu. Par la contemplation à laquelle elle invite, la forêt offre une richesse spirituelle et culturelle. » Dans son exhortation apostolique Querida Amazonia, le pape rappelle d’ailleurs que « là où la forêt n’est pas une ressource à exploiter, elle est un être, ou plusieurs êtres avec qui entrer en relation ». Et « Dieu nous a unis si étroitement au monde qui nous entoure, souligne-t-il dans Laudate Deum, que la désertification du sol est comme une maladie pour chacun ; et nous pouvons nous lamenter sur l’extinction d’une espèce comme si elle était une mutilation ».

La méthode Miyawaki

Amener les citoyens à se retrousser les manches, c’est aussi l’objectif de MiniBigForest, association nantaise spécialisée dans la création de petites forêts urbaines selon la méthode Miyawaki, depuis 2018. Cette méthode géniale, inventée dans les années 1970 par le botaniste et phytosociologue japonais Akira Miyawaki, permet de « créer de petits écosystèmes à la dynamique proche des forêts naturelles, sur des sols sans humus, très dégradés ou déforestés », explique le cofondateur Jim Bouchet, à la barbe poivre et sel.

Il s’agit d’imiter la forêt naturelle, mais en plantant avec une forte densité, c’est-à-dire trois arbres en moyenne – dont la taille adulte est différente – par mètre carré. Cela favorise la croissance des arbres qui entrent à la fois en compétition et en coopération. Ces forêts peuvent comprendre jusqu’à 30 essences différentes et sont autonomes en trois ans. « Même si la méthode Miyawaki améliore la rapidité de pousse de la forêt, ce n’est pas notre objectif, précise Jim Bouchet. Nous souhaitons avant tout créer un écosystème cohérent, avec des essences adaptées au sol et à la région. »

Autre spécificité de l’association : MiniBigForest a choisi de se concentrer principalement sur le tissu urbain, pour y créer des îlots de fraîcheur et de biodiversité. Et en ville, ça compte… Avec chaque micro-forêt plantée, c’est jusqu’à 6 °C de fraîcheur en plus, une meilleure infiltration des eaux de pluie, une amélioration de la qualité de l’air, une diminution du bruit et l’absorption de CO2. « Dans les collèges et lycées, on a créé des îlots accueillants pour que les élèves puissent suivre des cours à l’extérieur, comme ceux de théâtre ou de rhétorique, détaille le cofondateur. Nous aimons développer des usages particuliers pour chaque projet ! »

À ses yeux, il est d’ailleurs « aussi important de créer des forêts que de construire du lien social. En amont des chantiers, nous allons à la rencontre des habitants, des écoles... Nous réalisons des ateliers avec les écoliers, les jeunes, les habitants. L’objectif est de sensibiliser et de transmettre un savoir sur la forêt. Dans un centre hospitalier, patients, soignants et bénévoles nous ont aidés à planter. Après la plantation, nous lançons des cercles de parole où les volontaires peuvent exprimer leur ressenti. À chaque fois, beaucoup d’enthousiasme et de joie s’extériorisent. On a aussi vu des adultes pleurer car cela avait réveillé quelque chose en eux ».

Même bienfait auprès des jeunes. Jim Bouchet a observé que certains d’entre eux, issus de quartiers difficiles, ont un comportement exemplaire lors de la plantation. « Ils sont plus concentrés qu’en cours, témoigne le quinquagénaire. Une fois, j’ai vu leur professeur venir leur parler, leur prendre la main. On sent combien cela peut faire bouger des choses. » Comment l’expliquer ? « Cela fait du bien, aujourd’hui, de planter collectivement, répond Marie-Hélène Lafage. Face au changement climatique qui semble nous condamner à l’impuissance, c’est une manière de redevenir acteurs, à notre échelle, ensemble. »


 

  Les bénévoles du jour : des salariés d’une entreprise qui vend des meubles.

Les bénévoles du jour : des salariés d’une entreprise qui vend des meubles.

Créer du lien social

Dans les années qui suivent la plantation, une équipe de bénévoles – les « MiniBigKeepers » – continue à entretenir la micro-forêt. « Ces projets font aussi se rencontrer des personnes qui, auparavant, ne se côtoyaient pas », sourit Jim. Responsable technique au sein de l’association pour la promotion d’une agriculture durable (APAD), Thierry Gain abonde : « Il existe beaucoup d’initiatives en termes d’écologie, et tous les participants ne sont pas impliqués dans la vie ecclésiale. C’est un lieu où l’on peut se rejoindre. Tout le monde s’entend sur l’importance de la forêt. Elle nous fait ainsi dépasser nos barrières ! » De quoi tisser aussi de beaux liens dans la durée et expérimenter la gratuité. « Ceux qui plantent le font pour leurs enfants et petits-enfants, poursuit ce diacre, très impliqué dans le programme Église verte. C’est une façon de prendre soin des autres. Dieu nous donne gratuitement, à nous de valoriser la nature gratuitement, en sortant de la notion de rentabilité. »

Il faut cependant trouver des fonds. Les projets de ces associations fonctionnent grâce au financement collectif ou participatif : entreprises, particuliers, collectivités, fondations… « Chacun peut, à sa mesure, contribuer à la plantation de forêt, assure Jim Bouchet. Vous pouvez créer une initiative locale avec quelques proches. Beaucoup de nos projets sont nés ainsi ! Il y a un terrain dans votre commune toujours tondu ? Pourquoi ne pas proposer d’y créer une mini-forêt ? Allez voir des associations comme la nôtre, qui conseillent dans les démarches, notamment techniques : présence ou non de réseaux sous-terrains, réserve foncière, etc. Puis faites-vous entendre auprès des conseils municipaux. Vous avez un grand terrain ? 100 m² suffisent pour planter une mini-forêt ! »

Sur internet, des propositions d’accompagnement existent. Par exemple, Permafforest, entreprise coopérative d’intérêt général, qui aime à parler de « reforestation participative », a conçu un programme en ligne. Au passage, vous découvrirez les atouts gastronomiques des forêts et, pourquoi pas, la cueillette sauvage ! « Le pape nous invite à une conversion communautaire, conclut Marie-Hélène Lafage dans son ouvrage Laudato Si en actes. Petit Guide de conversion écologique (Éditions Première Partie). C’est un chemin joyeux qui mobilise la créativité. À nous de le traduire en actes ! »

Quelques chiffres
Quelque 1 % d’oiseaux et d’insectes disparaît chaque année. Il y aura donc moitié moins d’espèces dans 50 ans ! C’est un véritable effondrement de la biodiversité. Selon l’Office national des forêts (ONF), 138 espèces d’arbre existent en métropole et 2 Français sur 3 déclarent être « passionnés par les forêts et les arbres ». Grâce à 8 500 planteurs, MiniBigForest a planté 65 miniforêts en six ans, soit 78 000 arbres. Créateur de forêt en compte déjà 13 à son actif depuis 2021. À travers le monde, plus de 40 millions d’arbres ont été plantés selon la méthode Miyawaki.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Arbres

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B
Bonne initiative. ! Le long de la RD 1066 entre la Croisière et Vieux Thann près de 8 km de haies ont été plantées sur un terrain privé mis à la disposition d'agriculteurs; soit 3350 plants ainsi que 250 arbres .<br /> le tout formant "Un joyeux mélange d'espèces champêtres" d'après Mr Marc Jermann.<br /> L'Alsace du 24 février 2024.
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A
Merci Bern@rd. Extra.<br /> Exemple à suivre. Roland