"Une plante fabuleuse, avec elle, tout est possible" : ce cultivateur d'orchidées, l'un des derniers d'Europe, raconte sa vie sous serre

Publié le 2 Mai 2025

Orchidées exposées à Vogelsheim

Orchidées exposées à Vogelsheim

paru sur franceinfo le 21/4/2025 transmis par Francis. merci Francis.

À l'occasion de l'exposition internationale d’orchidées et de plantes exotiques de Volgelsheim (Haut-Rhin), nous avons rencontré Gérard Schmidt, orchidéiste de renom, auteur du Petit Larousse consacré à cette fleur fascinante.

Avec 30 000 espèces recensées dans la nature, le monde des orchidées est si vaste qu'un Petit Larousse n'y suffit pas. Gérard Schmidt peut en témoigner, il en est l'auteur. L'orchidée est la plus grande famille du règne végétal. Et d'ailleurs, le découvreur de cette fleur, Jean Linden, un belge tout comme notre interlocuteur, y a consacré six tomes, la Pescatorea "pesant 16 kilos, et encore ce n'est pas complet".

Gérard Schmidt possède bien évidemment cette somme horticole sur ces étagères du côté de Nalinnes en Belgique. Il est un des deux derniers orchidéistes de Belgique, la tradition s'est perdue depuis le 19e siècle flamboyant. Qu'importe, depuis plus de quarante ans, Gérard butine sans relâche, créant sous ses serres de l'Amazone, un véritable laboratoire végétal, 50 espèces différentes chaque année, soit 500 000 plantes. "Je suis un hybrideur, je sélectionne des parents que j'assemble, que je sème, que je regarde fleurir et que je sélectionne. Le cas échéant, je les réhybride." Un travail de fourmi ou du moins d'insecte pollinisateur.

Pollinisateur

Il faudra ensuite attendre quatre à cinq ans pour la floraison. Gérard possède ainsi plus d'espèces d'orchidées sauvages que les jardins botaniques de Belgique réunis dont certaines, extrêmement rares, ont totalement disparu à l'état naturel.

Une plante fabuleuse. Avec elle, tout est possible : de la plante qui pèse une tonne à celle qui pèse quelques grammes, depuis des fleurs qui font 30 cm de diamètre à celles qui en font deux

Gérard Schmidt

 

" J'ai fait des études d'horticulture pendant 7 ans, puis je me suis spécialisé. Dans les orchidées, la plus grande famille des plantes à fleurs de la planète, la plus diversifiée, d'une richesse inouïe." En effet, les orchidées sont inter-hybridables, entre genres et entre espèces, ce qui laisse des possibilités quasi infinies en termes de couleurs et de formes. "Une plante fabuleuse. Avec elle, tout est possible : de la plante qui pèse une tonne à celle qui pèse quelques grammes, depuis des fleurs qui font 30 cm de diamètre à celles qui en font deux". Bien loin des clichés monochromes et standards, des orchidées blanches, vendues à la chaîne dans les supermarchés.

Le clonage en masse des orchidées, découvert en 1990, a permis ce genre d'aberration : acheter une orchidée pour le rebord de sa fenêtre chaque année. Et puis la mettre à la poubelle
Gérard Schmidt

"Il faut éviter les supermarchés qui vendent des plantes jetables. Le but de l'industrie horticole comme n'importe quelle industrie c'est de vendre. Le clonage en masse des orchidées, découvert en 1990, a permis ce genre d'aberration : acheter une orchidée pour le rebord de sa fenêtre chaque année. Et puis la mettre à la poubelle. L'orchidée Phalaenopsis (papillon) est produite comme les salades. Nous sommes passés d'un produit de luxe au 19e siècle, réservé aux grandes fortunes, vendu aux enchères des millions, à un produit de consommation comme un autre. Et ça, c'est la mort de notre métier."

Orchidées exposées à Vogelsheim

Orchidées exposées à Vogelsheim

Gérard aime les hybridations mais c'est un puriste. Il est spécialiste des Paphiopedilums (Sabot de Vénus), plante dont le labelle (3e pétale), s'est transformé au gré de l'évolution, en sabot piégeant les insectes. Lui, mieux que personne sait que l'orchidée est une plante complexe, exigeante.

"Dès sa découverte en 1835, et pendant huit ans, Jean Linden a étudié en Amérique Centrale et du Sud, les conditions de culture des orchidées. Il a fait une topologie très précise des conditions climatiques, environnementales, dans lesquelles elles poussaient. Contrairement aux autres chasseurs d'orchidées de l'époque. À son retour, il a été le plus grand cultivateur d'orchidées au monde, à Bruxelles, jusqu'à la première guerre mondiale." Ainsi, Jean Linden, a transmis sa passion à la Belgique et son savoir aux plus curieux.

Espèce en voie de disparition

"Chaque espèce est différente et pousse, s'épanouit dans des conditions différentes en termes de température et d'exposition. Il faut donc à tout prix éviter de fonctionner au coup de cœur, car il est impératif de tenir compte des besoins de la plante et du lieu où elle sera conservée : maison, serre, véranda, patio, voire orchidarium... On adapte ainsi et la vente et les conseils en fonction de ces conditions. Parfois oui, on ne vend rien."

Gérard Schmidt

Gérard Schmidt

Les orchidéistes ne courent plus les champs. Ils se font rares. Comme les espèces qu'ils préservent. "Les orchidées aiment la chaleur, et avec les coûts de l'énergie qui augmentent, l'activité n'est plus rentable d’autant plus qu'il faut attendre cinq ans pour avoir une fleur commercialisable". Ils ne sont plus qu'une petite trentaine en Europe, dont cinq en France. Alors Gérard pollinise aussi les esprits, ses fleurs sous le bras.

C'est vital de nous déplacer, de vendre nos plantes. On est obligés de voyager pour trouver notre public cible. Les amateurs d'orchidées éclairés et les amoureux des belles plantes." Gérard vend également ses orchidées par correspondance aux quatre coins de l'Europe et reçoit ses clients chez lui, à Nalinnes. Son petit coin de paradis en pleine campagne wallonne. Une "vie enchantée par les fleurs et les couleurs" mais qui ne suffira pas à explorer toutes les possibilités qu'offrent ces plantes merveilleuses. "Un regret".

Rédigé par ANAB

Publié dans #Consommation

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T
Un article fascinant.<br /> Service après-vente? Voilà qui est remarquable.<br /> “L’orchidée Phalaneopsis est produite comme les salades” nous dit-on. Curiosité et savoir-faire sont en voie de disparition, dans tous les domaines. C’est triste.<br /> On achète et on jette. Les amateurs de plantes vivaces sont, eux aussi, de moins en moins nombreux. Trop de boulot. Le plaisir de propager, diviser, partager se perd. <br /> On achète les plantes vivaces un peu comme les annuelles. Les magasins verts et autres supermarchés vendent souvent des vivaces “tendance” en sachant parfaitement que les conditions locales sont complètement défavorables.
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A
Merci Toll de cette expérience et sentiments à propos de cette activité de jardinage de plates et de commerce. Oui la mode est au acheté livré et tout cela manque de liens et de partages.<br /> Roland