La Thécla de la Ronce, l’Argus vert, (Callophrys rubi).

Publié le 1 Juin 2025

La Thécla de la Ronce, l’Argus vert, (Callophrys rubi). Photo 1 Martine Devondel (Anab)

Répartion France et Europe de la Thécla de la Ronce, l’Argus vert, (Callophrys rubi). selon INPN

Voici un papillon de couleur inhabituelle pourvu d’un embryon de queue à l’arrière des ailes. Difficile de le rater s’il vole près de chez vous.
Martine et Roland

Nom scientifique : Callophrys rubi (Linnaeus, 1758).

Origine du nom : « Callophrys», vient du grec « callos », la beauté et « ophrus », le sourcil , en référence au pourtour blanc pur qui entoure son œil contrairement à son cousin, la Thécla de l’arbousier , Callophrys avis, au pourtour des yeux roux.
On retrouve la racine « callos « dans de nombreux noms usuels ou scientifiques : la « calligraphie » est l’art de bien écrire puisque graphos est l’écriture.
Le nom d’espèce de ce Thécla est « rubi » lié à « rubus », la ronce en latin, une de ses plantes hôtes et non pas à la couleur, rubis qui chacun le sait est rouge ou « rouge sang de pigeon ». Ce n'est du reste pas sa plante favorite.
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Voir le lien de l’article description toujours intéressante et documentée de JT Cordier sur la zoonymie ( étude du nom) de Callophrys rubi.

Nom commun : le Porte - queue vert.

Nom allemand : Brombeerzipfelfalter oder Grüne Zipfelfalter .

Nom anglais : Green hairstreaks.

Observation : le 2 mai dernier à Soulz (Haut-Rhin 67) en sortie Anab

Famille : la Thécla de la Ronce appartient à la famille des Lycaenidae qui comprend plus de 5000 espèces dans le monde et pas moins de 100 espèces en Europe, plus précisément à la sous famille des Théclinae .
La classification des Lycaenidae est complexe. Elle a été remaniée grâce aux outils moléculaires et le décryptage des ADN et n’est pas définitif (7).
Il est maintenant possible d’établir les filiations entre espèces et même la date d’apparition de ces espèces.
Elle n’est pas trop précise mais on sait par exemple que telle espèce est apparue voici 8 millions d’années (+/- 1) et une autre voici 5 millions (+/- 1).
L’ADN enregistre les mutations qui se produisent avec la régularité d’un métronome.
Il existe plusieurs articles sur le sujet dont celui Talavera (2012).

La famille des Lycaenidae comprend à ce jour 7 sous-familles dont celle des Lycaeninae où sont réunis les Cuivrés (dessus des ailes rouge- brun ), la sous - famille des Théclinae où on retrouve les Théclas (dessus des ailes brun ) et la grande sous - famille des Polyommatinae qui rassemble le groupe des Argus et des Azurés ( dessus brun ou bleu, ayant au revers une série de petits ocelles noirs dont la disposition et le développement constituent le meilleur critère de détermination).
Il existe une sous-famille, les Rhioninae de plus de 1500 espèces, répandues sous les tropiques avec une seule espèce en Europe, la Lucine, Hamearis lucina.
Pour la petite histoire, Linné est le naturaliste suédois qui a inventé la nomenclature scientifique à deux noms. Il avait classé les papillons « en tribus » représentant les classes de la société antique romaine. Il avait créé ainsi pour les papillons, la famille « les Ruraux » devenus les Lycènes, celle des « Urbains » devenus les Hespéries et celle des « Chevaliers » devenus les Papillionidés et d ‘autres encore…

Caractères généraux des Théclinae :
Les yeux sont lisses et bordés d’écailles et les antennes terminés par un article en massue. Ces papillons sont souvent irisés ou bruns sur le dessus. Ils ont souvent un dimorphisme sexuel (mâles différents des femelles). Un des traits de leurs chenille est la propriété de secréter par une glande dorsale située sur le 7 ème segment une substance riche en sucres et protéines. Cette substance attire les fourmis qui vont protéger la larve contre des prédateurs éventuels.
Adultes, les Théclinae ont un mécanisme de défense de fausse tête : les dessins et motifs en forme de tête détourneraient les attaques de leurs prédateurs, oiseaux et araignées.

Dimensions: 25 mm, envergure 26 à 30 mm.

Description: mâles et femelles sont identiques.
Les mâles possèdent une zone de taches émettrices de substances odorantes (dites androconiales) qui serviront à attirer les femelles.
Le dessous est caractéristique, vert métallisé avec une ligne de petits points blancs.
Cette couleur lui permet de se camoufler facilement dans la végétation arbustive.
Il est connu depuis longtemps que l’iridescence de ce type de couleur est la conséquence de microstructures présentes sur l’aile.
Pour ce cas, les chercheurs (9) ont identifié son origine. Elle se trouverait dans la structure en grains polygonaux de 5.4 microns de diamètre et 1 micron de hauteur. La couleur polarisée et réémise par l’aile correspond exactement à ce type de structure, du vert à 0.548 micron de longueur d’onde.

Le dessus est brun-gris terne. La couleur de ce papillon est quasi unique en France métropolitaine et le rend facile à identifier.
Le pourtour des yeux est blanc ce qui le différencie du Thècle de l’arbousier, assez rare, plus méridional et le seul qui lui ressemble. Quant aux antennes, seule la pointe de la massue antennaire est rousse ,à la différence de Callophrys avis où la massue antennaire est largement rousse en dessous.

Il est à noter qu’il existe des individus avec des caractères morphologiques particuliers résultats d’accidents génétiques lors de la fécondation. La couleur de dessous peut être plus terne par exemple.

Période d’observation : papillon précoce, mars à juin.

Biologie et activité :
Au printemps, l’œuf va éclore et une petite larve va en sortir et se nourrir des feuilles tendres de ses plantes hôtes.
La chenille est vert-foncé avec sur le dos une ligne jaune bordée de noir et des taches pâles. Elle présente sur les flancs une ligne latérale jaune.

Chenille de la Thécla du bouleau, Thecla betulae, d'aspect voisin mais pas identique de celui de la Thécla de la Ronce

Ce papillon produit une seule génération par an (il est univoltain) au contraire d’autres qui en produisent plusieurs. Ceci est lié à la richesse en protéines de ses plantes hôtes. Les protéines sont des éléments essentiels pour la construction des parties vitales du vivant, en particulier pour tout le matériel génétique et le système enzymatique.

Reproduction :
Les individus fréquentent le plus souvent les endroits lumineux où croissent leurs plantes hôtes les plus communes.
La femelle pond ses œufs isolément sur les inflorescences de ces plantes.
Les œufs sont verts et leur surface finement réticulée comme chez la plupart des Théclinae.
La chenille émerge en mai-juin, la chrysalide, libre, hivernera dans la litière.
A noter que la chrysalide émet un faible bruit, une espèce de chuintement.
Les fourmis n’hébergent pas les chenilles de la Thécla de la Ronce. Elles sont néanmoins attirées par les nymphes qui émettent ces bruits et sans doute leurs sécrétions. On pense qu’elles les enterrent toujours quand elles en trouvent et les protègent ainsi des effets du gel et des prédateurs.

Nourriture des adultes : Ils se nourrissent du nectar de différentes Fabacées comme les genêts et les Rosacées, potentilles en particulier.
Quand le soleil brille, ils se posent toujours les ailes fermées pour exhiber leur couleur- camouflage et leurs dessins anti- prédateurs.
Ils repartent rapidement sur une autre fleur pour y butiner puis s’envolent à nouveau.

Nourriture des larves:
Les chenilles éclosent après l’hiver. Les œufs de papillons sont tous munis d’un orifice à leur extrémité, le micropyle. La paroi des œufs est solide car elle est en chitine. Il est donc indispensable d‘avoir une entrée d’air pour la respiration de l’œuf puis pour la larve qui va s’y développer. Au sortir de l’œuf, la larve va passer par le micropyle et manger le reste de la paroi de l’œuf. Sans ce repas, elle ne peut pas survivre. Cette paroi contient donc des substances indispensables à son développement futur.
Les chenilles consomment d’abord les fleurs et graines riches en éléments nutritifs des plantes hôtes puis leurs feuilles.
Ce sont des Fabacées comme les genêts (Genista sagittalis), les feuilles de chêne, de myrtilliers, les trèfles, la Vesce craque ou Vesce de Cracovie ( Vicia Cracca ), la Bourdaine, la Callune, la Ronce et bien d’autres…
La liste de ces plantes est l’une des plus longues pour l’ordre des papillons. La chenille est dite polyphagique.
A noter que les larves de cette Thécla de la Ronce sont détectables la nuit car fluorescentes sous une torche à 365 nm, selon une étude récente de début d’année (11).

Confusion : peu de risque sauf avec Calloprys avis, la Thécla de l’arbousier, plus méridionale ( Maghreb, péninsule Ibérique et France méditerranéenne ).

Habitat: comme la chenille de ce papillon se nourrit de nombreuses plantes, ce papillon est présent un peu partout.
Il affectionne les terrains secs calcaires, garrigues mais aussi les landes acides, les clairières forestières et les pentes de montagne dominées par des arbustes nains jusqu’à 2600 m.
Hors de chez nous, on le trouve en Europe de l'Ouest et de l’Est.
La Thécla de la Ronce est le Théclinae le plus alpin, celui qui habite les territoires de plus haute altitude.

Intérêt des ocelles :
Les scientifiques qui ont observé les papillons munis d’ocelles, pensent que la nature a sélectionné les papillons qui développaient de telles taches en forme d’yeux sur les ailes car les ocelles évoquent des yeux de chats ou d’oiseaux dans le but d’effrayer certains prédateurs. Ces ocelles apparaissent loin des parties vitales. On observe ainsi, dans les ailes de certains papillons rescapés de l’attaque d’un oiseau, les coups de becs en forme de triangle.

Prédateurs: Chauve- souris, oiseaux mais aussi insectes parasitoïdes comme les Ichneumons, prédation aussi par les larves de Tachinidae (Diptères ) ou de Braconidae (Hyménoptères).

Protection et statut : Par suite de l’usage de pesticides, de la fragmentation de ses habitats et de l’agriculture intensive, ce papillon est en régression et est devenu rare dans de nombreuses régions. Il n’est pas encore protégé par la réglementation. Il est classé déterminant Znieff en Région Nord-Pas-de-Calais.

Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique sont des espaces naturels inventoriés en fonction de leur caractère remarquable, ces zones. ont pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.

Texte et photos : Martine Devondel et Roland Gissinger (Anab)
Identification papillons : Martine

Bibliographie :

1.Très joli et instructif, le Guide complet des papillons de jour de Lorraine et d’Alsace – JY Nogret /S Vitzthum, édition Serpenoise.
2.Lafranchis,T, 2000 - Les Papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles. Collection Parthénope, éditions Biotope.
3.Claerebout S - Clé de détermination photographique des papillons de jour en Belgique, Cercles des Naturalistes de Belgique asbl .
4.Stratégie européenne pour la connexion des zones de protection des espèces.
5/Coexistence of both gyroid chiralities in individual butterfly wing scales of Callophrys rubi Benj Winter oct 2015
6. Etudes sur le développement des oeufs de Lycaenidés (en russe mais avec google traduction ce n’est plus un problème).
7/ Callophrys rubi (Linnaeus, 1758) and C. chalybeitincta Sovynski, 1905 (Lepidoptera: Lycaenidae): a comparative analysis of mitochondrial and nuclear DNA sequences Boris V. Stradomsky June 2011
8/ Callophrys rubi (L.) interacting with Favonius quercus (L.) Adrian Spaldin August 2021
9/ Iridescence from diffraction structures in the wing scales of Callophrys rubi, the Green Hairstreak R.B. Morrismars 1975
10/ UV photoluminescence in lycaenid butterfly larvae and implications for nocturnal monitoring Gareth Tilley janv 2025

Papillons lycaenidés déjà présentés sur ce blog

Nom commun	Nom scientifique et lien
Argus bleu / Azuré de la bugrane	Polyommatus icarus
Azuré bleu-céleste (L'), Bel-Argus (Le), Argus bleu céleste (L'), Lycène Bel-Argus (Le), Argus bleu ciel (L')	Lysandra bellargus
Azuré de l'Ajonc (L'), Argus bleu-violet (L'), Argus satiné (L'), Argus (L'), Argus bleu (L')	Plebejus argus
Azuré des Nerpruns (L'), Argus à bande noire (L'), Argus bordé (L'), Argiolus (L')	Celastrina argiolus
Cuivré commun (Le), Argus bronzé (L'), Bronzé (Le)	Lycaena phlaeas
Cuivré de la Verge-d'or (Le), Cuivré satiné (Le), Argus satiné (Le), Verge-d'or (La), Lycène de la Verge-d'or (Le), Polyomate de la Verge-d'or	Lycaena virgaureae
Demi argus, Azuré des Anthyllides (L'), Demi-Argus (Le), Argus violet (L')	Cyaniris semiargus
Thécla de la Ronce (La), Argus vert (L')	Callophrys rubi