Comment les chercheurs ont-ils fait renaître les ormes en France ?

Publié le 20 Juin 2025

L’orne pourrait retrouver une belle place dans nos paysages français

L’orne pourrait retrouver une belle place dans nos paysages français

paru sur lefigaro le 6/5/2025

 

Autrefois très répandu en France, l’orme a dramatiquement souffert de la graphiose au début des années 70, jusqu’à disparaître.

Une maladie dévastatrice. L’épidémie de graphiose, qui a frappé au début des années 1970 les ormes européens, a fait disparaître les variétés anciennes de nos villes et campagnes. C’est le début d’une longue lutte pour faire renaître l’orme, un arbre si commun jusqu’alors en France que de nombreux villages portent son nom.

«Nous étions face à un trio diabolique : un champignon très pathogène, des arbres européens sensibles, des insectes vecteurs très efficaces», raconte Jean Pinon, pathologiste forestier qui a consacré près de quarante ans à la recherche sur la graphiose et les moyens de la contrer. Celui qui est aujourd’hui directeur de recherche honoraire à l’Inrae de Nancy découvre cette maladie lorsqu’il est étudiant en agronomie en 1968 et travaille sur ce champignon.

 

Aussi lorsque les souches agressives arrivent en France vers 1973, le Service de la protection des végétaux se tourne vers lui pour lui soumettre des échantillons. Les traitements expérimentés sur le champignon puis sur les insectes qui le transportent d’arbre en arbre ne furent pas efficaces ou concluants. Il a donc fallu travailler sur l’orme même.

Pour ce faire, il collabore vers 1975 avec un sélectionneur hollandais d’ormes «ayant une longue expérience et une large collection d’espèces européennes et asiatiques». Des centaines de plants sont mises en terre à Nancy. En 1983 et 1984, le sélectionneur lui propose d’autres variétés, qu’il plante dans le bois de Vincennes, où la Ville de Paris met à sa disposition 1,5 hectare, «ce qui a permis de planter de nombreux arbres à large espacement». Une aide financière du secrétaire d’État à l’environnement de l’époque, Brice Lalonde, «pour équiper la serre d’Angers puis un petit budget annuel de Paris» lui permet de poursuivre ses recherches.

Un défi : créer des variétés avec un haut niveau de résistance

Les chercheurs de l’Inra d’Angers préparent des centaines de plants que Jean Pinon inocule en pépinière, selon sa méthode, avec des souches fraîches du champignon. Il peut ainsi reconnaître des variétés qui résistent au champignon. «J’identifie ainsi Lutèce (nom clin d’œil que j’ai choisi pour remercier le soutien indéfectible de Paris, sans demande de contrepartie) et Vada (nom romain de Wageningen, les Hollandais voulant faire pendant à mon choix de Lutèce)». Près de 3 décennies sont nécessaires pour concevoir des arbres bien résistants à la graphiose. Lutèce est inscrit au catalogue des variétés cultivées en 2002 et Vada en 2006.



 

Vers une renaissance ?

En 2001, le nouveau premier ministre Lionel Jospin plante un Lutèce dans les jardins de Matignon. La relève est en marche. En 2021, 92 ormes Vada sont plantés sur la Grande Allée du jardin des Tuileries à Paris, comme avant la Révolution, période à laquelle ils ont été abattus. Peut-être les avez-vous remarqués, magnifiquement éclairés, lors du passage de la flamme olympique, lors de la cérémonie d’ouverture, l’été dernier.

Les variétés résistantes (plus de 420.000 plants Lutèce et Vada ont été vendus à ce jour), permettent ainsi un repeuplement ornemental dans les châteaux privés, les parcs publics (parc de Sceaux). Les arbres d’avenir sont également réintroduits dans les villes françaises (Auxerre, Bordeaux, Grenoble, Orléans, Lille, Grand Lyon, Paris, Strasbourg, Rouen, etc.). Ces nouveaux ormes ont remplacé des essences victimes de problèmes sanitaires, comme l’érable, le platane ou le hêtre.

 

Cette réimplantation des ormes en France laisse espérer de beaux spécimens durablement adultes pour les générations futures. Mais existe-t-il un risque qu’une épidémie de graphiose ne survienne de nouveau et n’empêche ces ormes de devenir de beaux multicentenaires ? Selon Jean Pinon, c’est théoriquement possible, mais il ne croit pas réellement au contournement éventuel de la résistance. «Le champignon a atteint un tel niveau d’agressivité, qu’on voit mal comment il pourrait encore faire plus. Je crains plus l’introduction d’un autre ennemi exotique dont on aurait sous-estimé la nuisance potentielle. Mais ce risque est vrai pour toute plante, voire humains et animaux.»

Comment les chercheurs ont-ils fait renaître les ormes en France ?

Rédigé par ANAB

Publié dans #Arbres

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