L’ Ophrys mouche (Ophrys insectifera)
Publié le 8 Juin 2025
Cette petite orchidée possède une fleur à allure d’insecte unique, très originale. Elle est rare dans nos régions.
Roland
Nom scientifique : Ophrys insectifera L., 1753
Autres noms communs :
Origine du nom: du grec « ophrys », qui signifie, « sourcil» allusion au duvet qui couvre son labellle et de « insectifera », littéralement, « je porte un insecte », allusion à son apparence.
Nom commun allemand/ dialecte : Fliegen-Ragwurz
Nom anglais : fly orchid
Date de l’observation: 16 mai dernier au Bollenberg (Haut-Rhin 68)
présent en Alsace Bossue dans la région d'Herbitzheim (Bas-Rhin -67)
Famille de plantes : les Orchidées, dont fait partie le phalaenopsis, l'orchidée des grandes surface et jardineries, ainsi que la vanille exotique et le très rare sabot de Vénus. Les plantes de la famille des Orchidées sont, d’après les scientifiques très évoluées. Elles s’installent dans tous les milieux, des plus secs aux plus humides. Il en existe près de 30 000 espèces. Elles sont menacées car peu résistantes à la pollution et sont quelquefois pillées.
Une des particularités des orchidées est leur vie en parasite puis en symbiose avec un champignon.
Elles ont besoin de trouver dans le sol ce champignon avec lequel elles s’associent. Il leur est indispensable pour faire germer leurs graines. Celles-ci sont microscopiques, presque dépourvues des réserves contrairement à la plupart des graines des autres plantes. C’est au fur et à mesure du développement de leur symbiose avec les champignons qu’elles ont perdu la faculté de développer des graines avec réserves. De ce fait, elles ont un besoin impératif du mycélium émis par ce champignon « compagnon ». Ce fin filament puise des nutriments minéraux dans le sol pour sa croissance et les partage avec l’orchidée.
Grâce à ses apports, la graine va pouvoir germer et développer ses premières racines et feuilles. Le champignon mycorhizien est très sensible aux changements d’acidité des sols provoqués par des apports de lisier et d’engrais chimiques ainsi qu’aux pesticides.
Pour cette raison les orchidées sont particulièrement affectées par la pollution due aux fongicides, herbicides, et aux surcharges en azote et engrais, même à faible quantité.
Les orchidées de notre région sont en voie de disparition. Leurs milieux, coteaux secs et zones humides disparaissent. Les pratiques d’agriculture intensive avec engrais et fumures et les fauchages trop précoces (avant juillet et août) empêchent la production de graines, et épuisent les tubercules.
Les Ophrys — 400 espèces (3) à ce jour— forment un groupe très évolué en constante diversification, dont l’apparence varie fréquemment suivant leur localisation.
Elles ont cependant en commun des exigences strictes : un sol non pollué et exempt de fertilisants, ce qui va à l’encontre des pratiques agricoles actuelles.
Description: plante vivace grêle aux multiples fleurs étroites aux vives couleurs.
Hauteur: de 15 à 40 cm
Tiges et racines: tige verte, ronde, unique, portant 2 à 10 fleurs. Sa racine tubérisée va accumuler des réserves durant la belle saison et les stocker sur un nouveau tubercule situé sous la feuille la plus basse. Au début de l’année suivante ce rhizome va servir à faire croitre les feuilles et la tige. Le tubercule est colonisé par un champignon basidiomycète Thanatephorus, dont la forme stérile est appelée Rhizoctonia.
Feuilles: de couleur vert très clair et lancéolées. Elles forment, à la base, une rosette de 2 à 5 feuilles avant éclosion de la fleur. Les feuilles de la rosette sont légèrement dressées et non à plat comme chez d’autres ophrys. Elles sèchent rapidement lors de la floraison.
Floraison: de fin avril à juin.
La floraison débute plus tôt dans les régions méditerranéennes, en mai chez nous dans l’est, et se poursuit jusqu’en juin en altitude (jusqu’à 1800m en France).
Fleurs: les fleurs forment une inflorescence en épi lâche. La fleur est composée à l’arrière de 3 tépales verts étalés en étoile à trois branches (comme un volant) de 5 à 9 mm et 3 mm de large.
Le labelle, le grand tépale (9- 15 mm de long pour 3 à 5 de large) à l’avant de la fleur est en forme de langue bifide. Il a un aspect de brosse veloutée, hérissée de poils courts et à couleur dominante brun-violacé. Il porte une tache bleuâtre à l’allure de deux ailes d’insecte. La partie avant est divisée en trois, un lobe principal large et deux lobes étroits sur les côtés. Avec ses 2 tépales brun-rouge en forme d’antennes au-dessus du labelle cette fleur ressemble à un insecte sur le dos avec les pattes écartées ou à un petit bonhomme.
A l’intérieur de la fleur, les loges polliniques sont rougeâtres.
Pollinisation :
Les étamines sont soudées en deux petites boules jaunes, les pollinies, visibles au centre sous le pétale en casque. Elles vont être mûres avant l’ouverture de la fleur. Les insectes sont attirés par la forme de la fleur et son odeur.
Des espèces d’hyménoptères, abeilles fouisseuses de type : Andrena en France et Argogorytes mystaceus et Argogorytes fargeii en Angleterre, émettent une hormone destinée à attirer son partenaire. Cet ophrys avec un aspect d’insecte émet une hormone similaire.
Le mâle de ces abeilles arrive sur la fleur et, trompé par la forme du labelle, croit y trouver une partenaire. Il est aussi « séduit » par l’odeur qui se rapproche des phéromones émises par les femelles, ainsi que par le contact avec le labelle. Il tente alors de s’accoupler avec la fleur dans un acte de pseudocopulation. Ce faisant, il entre en contact avec les organes mâles de la fleur. Ils sont constitués de boules de pollen ou pollinies.
Ces pollinies sont alors éjectées et collées sur l’insecte grâce à un liquide secrété par la plante. En général elles se déposent sur la tête de l’insecte. Cette localisation facilite la transmission du pollen quand l’insecte tentera de butiner ou s’accoupler à nouveau avec une autre fleur de la même espèce.
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Le mâle de ces abeilles arrive sur la fleur et, trompé par la forme du labelle, croit y trouver une partenaire. Il est aussi « séduit » par l’odeur qui se rapproche des phéromones émises par les femelles, ainsi que par le contact avec le labelle. Il tente alors de s’accoupler avec la fleur dans un acte de pseudocopulation. Ce faisant, il entre en contact avec les organes mâles de la fleur. Ils sont constitués de boules de pollen ou pollinies.
Ces pollinies sont alors éjectées et collées sur l’insecte grâce à un liquide secrété par la plante. En général elles se déposent sur la tête de l’insecte. Cette localisation facilite la transmission du pollen quand l’insecte tentera de butiner ou s’accoupler à nouveau avec une autre fleur de la même espèce.
Généalogie des ophrys par les insectes :
cette histoire est complexe. Je n’ai pas tout compris dans ces articles scientifiques très techniques, mais voici le résumé que j’ai pu en faire et qu’il me parait intéressant de vous partager :
Chez cette espèce le pollen féconde les parties femelles de sa propre fleur (autogamie) de manière plus fréquente que chez d’autres orchidées et plantes. Le système dit « allogamie », de croisement de gènes avec un autre individu de la même espèce, est le plus répandu chez les plantes. Il a pour avantage de croiser les gènes et éviter la dégénérescence des espèces.
Hendrik Breitkopf (2) a étudié la génétique de 37 Ophrys différents via 6 gènes situés sur leur ADN. La manière dont est écrit le code de chaque gène, la ressemblance des gènes avec des espèces voisines, permet comme chez les humains, via des méthodes mathématiques de retrouver la filiation d’espèces proches au cours du temps. Le genre Ophrys est apparu voici 7 millions d’années mais s’est différencié en espèces « non fécondes » entre elles seulement voici 1.5 million d’années.
Il ressort de cette étude 3 branches sur l’arbre généalogique, 3 groupes d’Ophrys dont celui d’Ophrys insectifera dont on parle aujourd’hui. C’est le plus primitif et il ne regroupe que 2 espèces, la seconde est Ophrys aymoninii.
Ce qui ressort aussi de cette étude est que ces trois groupes d’ophrys ont des insectes pollinisateurs différents. Les ophrys ont évolué en attirant d’autres insectes grâce à l’émission de nouveaux composés volatils et une modification de leur aspect visuel. (exemple en photo).
Le groupe le plus primitif avec Ophrys insectifera est pollinisé par les guêpes (pour les spécialistes, Argogorytes mystaceus/combinata (Sphecidae) et Dasyscolia ciliata (Scoliidae), et le genre Eucera. Le second groupe, pour une espèce par des guêpes et les autres par ces hyménoptères mais aussi des andrènes (Andrena). Le troisième groupe est pollinisé par ces 2 derniers genres seulement (voir le diagramme).
Le troisième groupe est 5 fois plus différencié que le premier ce qui démontre l’efficacité de la pollinisation par les Andrena. Breitkopf a aussi montré que ce groupe était situé dans l’Ouest de la Méditerranée alors que le plus primitif vient de l’Est.
Confusion : elle a une allure originale et est difficile à confondre mais comme tous les ophrys s’hybride facilement avec d’autres espèces d’ophrys.
Pour le nom c’est plus sportif. Entre les Ophrys mouche, bourdons, abeille, attention aux confusions avec ces noms communs.
Fruit : c’est une, gousse qui après fécondation va se remplir de nombreuses et minuscules graines de moins de 5 millionièmes de grammes. Chacune peut en contenir plusieurs dizaines de milliers. Elles sont portées par le vent et des distances de vol de 50 km ont été prouvées.
La graine ne se développera qu’au contact de filaments de champignons appartenant à la famille des Tulasnellaceae. Au final, entre trouver le filament du bon champignon, le bon sol, et la bonne exposition, seule une graine sur un million germera et donnera une plante viable. Il faudra plusieurs années de parasitisme puis de symbiose entre l’Ophrys et son champignon mycorhizien pour qu’elle développe enfin des feuilles, puis des hampes florales.
Habitat : plante de lumière et de demi-ombre (4), sur pelouses calcaires riches en humus comme les friches, broussailles, pinèdes et bois clairs jusqu’à 2000 m. Comme déjà mentionné, les sols doivent être exempts de pesticides, fongicides et engrais comme pour la presque totalité des orchidées. Elle est absente en Bretagne, dans l’ouest de notre pays et rare dans le Centre,ces régions non calcaires. Hors de France, elle est présente en Europe de l’Ouest et sud de la Scandinavie. Elle est rare en Italie, Yougoslavie et Grèce ou existent de nombreuses autres espèces d’Ophrys.
Protection : interdiction de ramassage et destruction en Meurthe-et-Moselle, en régions Nord-Pas-de-Calais et Auvergne où elle est protégée par la loi.
Plante déterminante de Znieff en Picardie, Centre-Val-de-Loire, Alsace, Pays-de-Loire et Auvergne-Rhône-Alpes.
Plante classée en danger et protégée par la loi dans de nombreuses régions et pays. Cette espèce voit ses habitats régresser rapidement ces dernières années. L’absence de continuité entre ses habitats l’empêche d’avoir des croisements génétiques nécessaires à sa survie. Elle est de plus menacée par le changement climatique qui affecte ses pollinisateurs.
Une recherche (1) de 2022 basée sur le scénario le plus probable de changement climatique donne une carte de répartition de cet Ophrys mouche pour les années 2070 et 2090. Elle prend appui sur 3914 stations actuelles de cette orchidée et leurs climats actuels pour prédire le déplacement de cette plante. Cette plante va disparaitre des pays du Sud et des Balkans et remonter vers le Nord avec une diminution notable de son aire de répartition,
Ravageurs : les cervidés et limaces sont les principaux ravageurs de cette orchidée, tandis que les promeneurs ignorant de sa rareté sont aussi une menace.
Utilisation médicinale : Utilité alimentaire:
Aucune des croyances anciennes leur attribuant des vertus aphrodisiaques n'est avérée. Ces croyances ont contribué à une cueillette excessive et provoqué leur raréfaction.
Photos, texte Roland Gissinger (Anab) relecture Bernard Weinzaepflen (Anab)
Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/Fly to a Safer North’: Distributional Shifts of the Orchid Ophrys insectifera L. Due to Climate Change -Martha Charitonidou
Fev 2022
2/Multiple shifts to different pollinators fuelled rapid diversification in sexually deceptive Ophrys orchids Hendrik Breitkopf dec 2014
3/Contrasting patterns of differentiation among three taxa of the rapidly diversifying orchid genus Ophrys sect.Insectifera (Orchidaceae) where their ranges overlap Pascaline Salvado CNRS Perpignan 17oct 2024
4/Canopy effects on the distribution of OphrysinsectiferaL. (Orchidaceae) –preliminary results from hemispherical imaging analysis ISSN 1314-6246Popatanasov Biotech.2020
Orchidées déjà présentées sur ce blog
Nom taxon français |
Nom scientifique ab |
Céphalanthère pâle, Céphalanthère à grandes fleurs, Helléborine blanche |
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Épipactide rouge sombre, Épipactis rouge sombre, Épipactis brun rouge, Épipactis pourpre noirâtre, Helléborine rouge |
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Epipactis des marais |
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Gymnadène à long éperon, Gymnadénie moucheron, Orchis moucheron, Orchis moustique |
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Listère ovale, Grande Listère |
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Néotinée brûlée, Orchis brûlé |
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Néottie nid d'oiseau, Herbe aux vers |
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Ophrys abeille |
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Ophrys bourdon, Ophrys frelon |
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Ophrys élevé |
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Ophrys insecte | Ophrys insectifera |
Orchis bouc, Himantoglosse à odeur de bouc |
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Orchis bouffon |
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Orchis de Fuchs, Dactylorhize de Fuchs, Orchis tacheté des bois, Orchis de Meyer, Orchis des bois |
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Orchis de mai, Dactylorhize de mai |
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Orchis mâle, Herbe à la couleuvre |
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Orchis militaire, Casque militaire, Orchis casqué |
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Orchis pourpre, Grivollée |
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Orchis pyramidal, Anacamptis en pyramide |
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Orchis sureau, Dactylorhize sureau, Dactylorhize à feuilles larges |
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DOMTOM français |
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Spathoglottis plicata Blume, 1825 |