Un bilan mitigé pour la protection des écrevisses des torrents dans les Vosges du Nord
Publié le 19 Août 2025
Menacée, l’écrevisse des torrents ne comptait, il y a quelques années, seulement plusieurs centaines d’individus au sein du Parc naturel régional des Vosges du Nor
paru sur l'Alsace le 18/6/2025
Le constat a été établi il y a plusieurs années maintenant. L’écrevisse des torrents est, en France, une espèce particulièrement menacée. « Elle est en danger critique d’extinction, à la fois à cause de la transformation des milieux et de l’introduction de l’écrevisse nord-américaine qui est invasive et transmet des pathogènes », appuie Sébastien Morelle, responsable du pôle nature au sein du Parc naturel régional des Vosges du Nord et coordinateur des actions en faveur de la biodiversité.
C’est ainsi qu’en 2020, la structure, qui comptait alors deux cours d’eau, dans le secteur de l’Outre-Forêt, abritant ces crustacés, a lancé un plan de sauvegarde étalé sur trois ans. Ce dispositif de protection de cette population en voie de disparition a été réalisé dans le cadre du programme Interreg, lequel promeut les initiatives menées par plusieurs pays d’Europe autour de sujets liés notamment à l’économie et l’environnement. Le projet s’est en effet tenu en collaboration avec nos voisins allemands, également concernés par la problématique, en l’occurrence au niveau de la forêt palatine, frontalière des Vosges du Nord.
500 juvéniles réintroduits
Concrètement, il a fallu identifier de nouveaux cours d’eau, encore préservés et en mesure d’accueillir ces animaux, l’objectif étant ensuite de les y introduire. Et afin de ne pas déplacer les écrevisses d’un endroit à l’autre, l’option retenue a été d’en faire naître en captivité à l’aquarium de Besançon et de relâcher les juvéniles dans la nature une fois qu’ils ont atteint trois ou quatre centimètres.
Les juvéniles, élevés en captivité par le muséum de la citadelle de Besançon, ont été réintroduits sur deux sites bas-rhinois
« On a réussi à en produire un peu plus de 500 et à les implanter sur deux nouveaux sites », se satisfait Sébastien Morelle. Il nuance toutefois, insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas non plus « d’un chiffre démentiel ». En parallèle, une cinquantaine d’adultes, mâles et femelles, ont été transférés en Moselle, dans un lieu qui avait déjà abrité cette espèce jusqu’en 2016.
Un projet compliqué mais qui a répondu aux objectifs
Alors, quel bilan tirer de cette opération achevée en juin 2023 ? Si Sébastien Morelle admet que « la maîtrise du cycle de reproduction a été compliquée », il estime que « le minimum syndical » a été accompli en termes de réintroduction. Actuellement, une partie des juvéniles remis en liberté est autonome et parvient d’ailleurs à subsister. La situation est plus incertaine pour l’autre, mais « l’espoir est permis ». Quant aux adultes replacés sur le site mosellan, ils ont retrouvé leur milieu avec succès, et un arrêté préfectoral relatif à leur protection a été pris.
Un point noir à relever, malgré tout : les recherches ont démontré que, côté allemand, dans le sud du Palatinat, toutes les zones qui avaient par le passé servi d’habitat à l’écrevisse des torrents sont aujourd’hui vierges de ce type de population. Même observation sur l’un des deux cours d’eau bas-rhinois d’origine. Des mauvaises surprises donc, pour un état des lieux au final « en demi-teinte » mais qui aurait certainement été pire sans l’action, indispensable, du Parc naturel régional des Vosges du Nord.
La priorité donnée au suivi des sites de réintroduction, d’autres seront recherchés
Et maintenant ? Face à une situation encore largement fragile, le Parc naturel régional des Vosges du Nord n’entend pas baisser les bras. « Le suivi est en cours » assure Sébastien Morelle. Récemment, des observations sur l’un des deux sites de réintroduction bas-rhinois ont démontré que des femelles étaient porteuses d’œufs. « Les juvéniles sont arrivés à taille adulte et produisent des générations spontanées », sourit-il. En outre, des dossiers de protection des sites alsaciens concernés sont en cours de dépôt ou le seront à l’avenir.
Reste maintenant à déterminer s’il existe une possibilité de mettre en œuvre de nouvelles opérations du même type à l’avenir. Rien n’est moins sûr, du moins dans l’immédiat. « Il y a assez peu de sites favorables », poursuit le coordinateur nature du Parc, qui considère que le plus important, pour l’heure, sera « de se laisser un petit peu de temps » afin de voir l’évolution des zones actuellement peuplées d’écrevisses des torrents, tout en prospectant d’autres lieux susceptibles de répondre aux critères. Il conviendra également de consulter les Allemands, qui ont eux aussi procédé à de la réintroduction, et de potentiellement poursuivre des partenariats dans un objectif commun. En l’espèce, la collaboration s’était faite avec l’université de Coblence-Landau, ainsi qu’avec le syndicat des eaux d’Alsace-Moselle, l’Office français de la biodiversité et l’aquarium de Besançon.
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