Le Sphinx tête de mort (Acherontia atropos)
Publié le 28 Septembre 2025
Cette grande chenille trouvée par Roland est très impressionnante. Avec une tête de mort sur le thorax et sa très grande taille, le papillon nocturne issu de cette chenille l'est tout autant.
Martine et Roland
Nom scientifique : Acherontia atropos ( Linnaeus, 1758).
Étymologie du nom scientifique :
Comme très souvent pour nommer les papillons, Linné s’est inspiré de la mythologie grecque. « Acherontia » : l’Achéron, était ce fleuve affluent du Styx sur lequel Charon transportait en barque l’âme des défunts vers les Enfers. C'est aussi le nom actuel d’un fleuve côtier d’Epire en Grèce et un nom utilisé dans de nombreux livres, films et BD.
En référence à la tête de mort, le nom d’espèce choisi pour ce papillon est « atropos », terme qui signifie en grec, « qui ne tourne plus, immuable ».
Atropos, une des trois divinités du destin (appelées aussi « filles de la nuit ») est celle qui coupe le fil de la vie.
Ce papillon, était-il perçu comme présage de la mort ? Brrrr….
Étymologie du nom commun :
Le nom « Sphinx » fait référence à la posture larvaire de la chenille qui au repos rehausse l’avant du corps rappelant ainsi la posture majestueuse du Sphinx de Gizeh.
Autre nom commun : Sphinx africain à tête de mort.
Nom allemand : Totenkopfschwärmer.
Nom anglais : african death's-head hawkmoth.
Observation : le 18 septembre à Tieffenbach.
Famille : Il fait partie des Sphingidae, famille de papillons nocturnes avec 24 espèces en France et plus de 1500 identifiées à ce jour dans le Monde.
Ce sont des papillons de grande taille et de grands migrateurs: ils peuvent parcourir de longues distances à grandes vitesses (jusqu’à 55 km/h) malgré une faible durée de vie ( dix à vingt jours).
La plupart sont nocturnes ou crépusculaires. Exception faite de quelques diurnes comme le Morosphinx déjà présenté sur ce blog.
Les papillons de cette famille ont le corps allongé, fusiforme, puissant et aérodynamique. Leurs ailes antérieures sont longues et étroites en général repliées sur le dos au repos.
Leur trompe très longue chez la plupart est adaptée au butinage en vol stationnaire. Elle leur permet de pénétrer profondément dans les fleurs pour y prélever le nectar. Dans certaines fleurs, les nectaires sont situés au fond de longs éperons obligeant l’insecte butineur à se charger en pollen ou à en déposer sur les stigmates des pistils ( organe femelle ). Ces nectaires sont inaccessibles à de nombreux autres insectes aux langues ou trompes trop courtes, comme les abeilles et d’autres papillons.
Les chenilles sont grandes et charnues, presque toutes munies d’une corne à l’arrière du corps. Au repos, elles ont une posture typique, tête relevée, partie antérieure dressée, évoquant la posture d’un « sphinx » égyptien.
Dimensions: Le Sphinx tête de mort peut atteindre 60 mm de long avec une envergure de 120 mm jusqu’à 130 mm. Son poids de 15 grammes dépasse celui d’une mésange bleue (11 grammes en moyenne).C’est un des plus grands et des plus lourds papillons européens après le Grand Paon de nuit.
Période de vol: avril à août avec deux générations. Les chenilles sont présentes dans nos régions jusqu’en septembre et les nymphes encore un mois de plus.
Description: c’est un papillon aux couleurs sombres, son corps est massif de couleur brun-noir avec des motifs jaune pâle, le thorax est marqué d’une tache en forme de crâne humain, ses ailes antérieures sont brunes à motifs ondulés discrets, ses ailes postérieures jaunes, très visibles, sa trompe est relativement courte ( 10 à15 mm ) par rapport à celle de sphinx floricoles spécialisés ( mais longue par rapport aux autres papillons ) et très solide, ses antennes sont filiformes et épaissies au centre, relativement courtes et peu différenciées entre mâles et femelles, celles du mâle étant un peu plus plumeuses ( capteurs olfactifs plus développés pour localiser les femelles ) .
Nourriture :
Quand il est adulte, le Sphinx tête de mort, ne butine pas de fleurs, sa trompe est inadaptée à cela. Il peut dans des périodes de disette sucer la sève d’arbres blessés. Sa nourriture principale est le nectar et le miel contenus dans les ruches des abeilles domestiques. Sa trompe solide est capable de percer les cellules de cire pour y voler le miel. Pour entrer dans la ruche sans éveiller les soupçons des gardiennes, il émet une odeur qui trompe les abeilles. C’est un mélange de 4 acides gras volatils en proportions voisines de ceux émis par les abeilles. En plus, il est peu sensible aux piqûres grâce à son épaisse cuticule. Il peut se débarrasser des abeilles sur ses ailes en les faisant vibrer. Les apiculteurs le craignent car il entre par le trou de vol et se gave de miel. Il en est quelquefois puni puisqu’il peut rester prisonnier incapable de bouger et rapidement couvert de propolis par les abeilles.
Particularité : comme d’autres Sphingidae, le Sphinx tête de mort est capable d’émettre un cri aigu très bref, à une fréquence de 6000 à 8000 Hz et 280 impulsions par seconde. C’est une espèce de couinement émis quand il est dérangé et audible à plusieurs dizaines de mètres. C’est l’air expulsé dans son pharynx qui fait vibrer une lame et produit ce son. Il peut aussi émettre une odeur de champignon en décomposition quand il est très dérangé.
Son étrange émis par ce papillon (cliquer ici)
Biologique et activité:
En juin- juillet, la femelle pond isolément ou par petits groupes des œufs ovoïdes (vert clair à gris bleuté) sur les feuilles des plantes nourricières. ( Solanacées ) .Elle peut pondre jusqu’à 100 à 150 œufs en plusieurs jours. La durée de ponte est de 1 à 4 semaines. Après quelques jours, des larves de 6 mm vont éclore et se nourrir de l’enveloppe nutritive de leur œuf puis des feuilles, ceci pendant trois semaines environ . Elles vont muer quatre fois puis se nymphoseront dans le sol, dans une petite chambre souterraine creusée par les mouvements de la larve. Cette étape dure 3 à 8 semaines.La chrysalide se couvre d’un vernis couleur acajou.
En zone tempérées et froides, la chrysalide d’Acherontia atropos peut passer l’hiver dans le sol, en état de diapause ( ralentissement métabolique ) et émerger au printemps suivant .Cela montre que A.atropos peut boucler un cycle complet en Europe si les conditions sont favorables mais ces populations sont renforcées chaque printemps par des individus migrants.
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La chenille atteint 15 cm. Elle est caractérisée par la présence de 7 chevrons dorsaux et une corne de 6 à 7 mm nommée « colus » à l’arrière, ornée d’épines. La chenille parait glabre mais est couverte de poils minuscules.
Curiosité, les chenilles peuvent avoir trois aspects différents possibles. L’un est flashy, celui photographié par Roland : jaune vif à vert et stries bleues.
Un autre a une teinte vert-jaune-pâle et des chevrons mouchetés de bleu et de jaune. Le troisième type est brun avec des chevrons très foncés.
A noter que les chenilles de ce Sphinx « africain » sont sensibles à la durée du jour. Des journées de plus 14 heures de lumière (été) dans nos latitudes produisent beaucoup de papillons stériles, les générations d’automne issues d’une photopériode décroissante ( moins de 14 h / j ) ont plus de chance d’être fertiles ( et leurs chrysalides de passer l’hiver) cependant, il faut relever que les papillons viables viennent principalement des zones tropicales ou subtropicales où les photopériodes sont plus courtes et régulières (autour de 12 h /j).
Pour voir les différents stades de cette chenille consultez le site wikipedia très bien documenté.
Plantes hôtes consommées par les chenilles : surtout les solanacées, la pomme de terre là où l’a trouvée et photographiée notre collègue Roland, mais aussi la Morelle douce-amère (Solanum dulcamara), la Belladonne (Atropa belladona), le Goji ou Lyciet et une cinquantaine d’autres plantes comme le Troène.
Cette chenille vorace n’est pas difficile, elle est polyphage.
Les solanacées sont des plantes toutes toxiques à l’état jeune et souvent encore très toxiques à l’état adulte comme la Belladone. La chenille en se goinfrant de feuilles avale leurs alcaloïdes polyhydroxylés très toxiques auxquels elle est insensible.
La chenille est sans le moindre doute très toxique d’où ses couleurs très vives, « aposématiques », qui alertent les éventuels prédateurs, que sa consommation est à leurs risques et périls.
Reproduction : avril à juillet
Le mâle de cette espèce est prêt à s’accoupler dès la sortie de sa chrysalide. La femelle attire le mâle en émettant des phéromones, installée sur une écorce d’arbre ou au sol sur un tapis de feuilles. L'heure la plus observée est 22 heures.
Ce papillon ne supporte pas les températures prolongées inférieures à 15°C, par exemple 5 jours de suite.
Il survit à des températures plus basses vers 5°C pendant une nuit seulement ou au cours de sa migration.
Pour cette raison, les populations qui arrivent au printemps peuvent être décimées par une chute de température assez fréquentes à cette époque. L’absence de plants de pomme de terre à cette époque de l’année est la seconde raison de sa raréfaction.
Confusion : aucun risque !
Statut : espèce non réglementée
Prédateurs: le stade chenille est le plus vulnérable : attaque d’oiseaux insectivores ( mésanges, rouges-gorges, fauvettes ..), les fourmis et les guêpes sociales ( Vespula, Polistes ) s’en prennent aux jeunes chenilles blessées, les Tachinidae ( mouches parasites ) et les Ichneumons, quand à eux, pondent sur le corps de la chenille ou y injectent leur œuf.
Les chrysalides sont déterrées et mangées par les mulots et autres prédateurs fouisseurs quant aux adultes (imagos) ils sont la proie de chauves-souris et autres oiseaux nocturnes et crépusculaires.
Et l’homme dans tout cela ? et ses cultures intensives de pomme de terre et leurs insecticides !
Légende : en raison de sa décoration « tête de mort », une croyance populaire est répandue en Afrique.
Ce papillon possèderait, caché dans son abdomen, un dard mortel pour nous les humains.
Son cri vraiment étrange, de souris suscite aussi des superstitions et terreurs.
Ce papillon a été régulièrement une vedette dans des livres et quelques films surtout des films d’épouvante ( cfr Le Silence des Agneaux , Dracula de Coppola , Hannibal.)
Photos (sauf mention) de Roland Letscher (Anab) et pour une fois une photo de l'adulte de wikipedia, pour illustrer notre article car nous n’en avions pas.
Texte, et bibliographie : Martine Devondel et Roland Gissinger(Anab)
Bibliographie
Sites internet d’entomologie
1/insectes.net
2/ http://www.baladesentomologiques.com/
3/ http://sphingidae-haxaire.com/
4/ Site très complet sur ce Sphinx tête de mort :
https://de.wikipedia.org/wiki/Totenkopfschw%C3%A4rmer
Très jolis et instructifs livres, papillons de jour Lorraine et d’Alsace (vous n’y trouverez pas les sphinx nocturnes !)
et Insectes remarquables de Lorraine et d’Alsace –JY Nogret /S Vitzthum édition Serpenoise
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