Pas de lutte synchronisée contre le frelon asiatique, exemple dans notre région

Publié le 26 Septembre 2025

Un frelon asiatique campe à l’entrée d’une ruche, à Ballersdorf, pour capturer des abeilles lorsqu’elles rentrent. Lorsqu’il a attrapé sa proie, il la ramène au nid et revient poursuivre sa chasse. La recherche des nids de frelons asiatiques est complexe : bien qu’ils soient grands, ils sont souvent cachés dans les feuillages…

Un frelon asiatique campe à l’entrée d’une ruche, à Ballersdorf, pour capturer des abeilles lorsqu’elles rentrent. Lorsqu’il a attrapé sa proie, il la ramène au nid et revient poursuivre sa chasse. La recherche des nids de frelons asiatiques est complexe : bien qu’ils soient grands, ils sont souvent cachés dans les feuillages…

Paru sur l'alsace le 14/9/2025  sélectionné par Bernard. Merci Bernard.
Vidéo intéressante de 2 minutes sur le site


Depuis 2023, le frelon asiatique, une espèce exotique envahissante, progresse exponentiellement en Alsace. Si plus de 300 nids ont été déjà neutralisés cette année, ce chiffre reste très insuffisant. Mais les apiculteurs, désignés responsables de la lutte, et les professionnels déplorent l’absence de réglementation. Quant aux particuliers, ils nagent souvent en pleine confusion.

On ne vous souhaite vraiment pas de trouver un nid de frelons asiatiques dans votre jardin. Et de risquer, parce que vous taillez une haie ou ramassez des fruits, de vous faire percer par un dard long de 6 millimètres.

En 2024, la sœur d’un élu d’une commune du Sundgau est décédée à la suite d’un coup porté par un frelon asiatique. Ces cas sont rares et surtout transparents, le frelon ne représentant pas un problème de santé publique pour les pouvoirs publics, comme c’est le cas pour le moustique tigre. Il est tout de même classé espèce préoccupante pour l’Union européenne. Pour l’instant, il l’est surtout pour les apiculteurs. Et le sera probablement pour les arboriculteurs et les viticulteurs, en raison de sa propension à apprécier les fruits, les raisins en particulier.

Après un vol stationnaire au-dessus de l’entrée d’une ruche, le frelon capture une abeille en plein vol, emporte son thorax au nid pour nourrir les larves puis retourne à l’affût devant la ruche. Et ainsi de suite.

Après un vol stationnaire au-dessus de l’entrée d’une ruche, le frelon capture une abeille en plein vol, emporte son thorax au nid pour nourrir les larves puis retourne à l’affût devant la ruche. Et ainsi de suite.

On ne vous souhaite vraiment pas de trouver un nid de frelons asiatiques dans votre jardin. Et de risquer, parce que vous taillez une haie ou ramassez des fruits, de vous faire percer par un dard long de 6 millimètres.

En 2024, la sœur d’un élu d’une commune du Sundgau est décédée à la suite d’un coup porté par un frelon asiatique. Ces cas sont rares et surtout transparents, le frelon ne représentant pas un problème de santé publique pour les pouvoirs publics, comme c’est le cas pour le moustique tigre. Il est tout de même classé espèce préoccupante pour l’Union européenne. Pour l’instant, il l’est surtout pour les apiculteurs. Et le sera probablement pour les arboriculteurs et les viticulteurs, en raison de sa propension à apprécier les fruits, les raisins en particulier.

Depuis vingt ans et la première intrusion de vespa velutina en France, les apiculteurs figurent en première ligne contre la propagation d’un frelon asiatique qui apprécie tout particulièrement les milieux urbains, tant il apparaissait que le vespidé exotique portait essentiellement préjudice aux ruchers en “prédatant” les abeilles en nombre.

Avec ses acolytes, l’apiculteur et désinsectiseur Mathieu Diffort, de la société Api & Co, prépare une technique d’identification du nid de frelon par radiotélémétrie. Efficace mais coûteuse, elle n’est utilisée, pour l’instant, que par quelques spécialistes dans la région.

Avec ses acolytes, l’apiculteur et désinsectiseur Mathieu Diffort, de la société Api & Co, prépare une technique d’identification du nid de frelon par radiotélémétrie. Efficace mais coûteuse, elle n’est utilisée, pour l’instant, que par quelques spécialistes dans la région.

Dans  un premier temps, on capture un frelon puis on l’endort dans un sac de congélation

Dans un premier temps, on capture un frelon puis on l’endort dans un sac de congélation

Endormi, le frelon est équipé d’un émetteur radio.

Endormi, le frelon est équipé d’un émetteur radio.

Puis le frelon est relâché. Une fois réveillé, il filera vers son nid. Le signal émis par l’émetteur collé sur son thorax sera capté par une antenne spéciale que l’on dirige pour trouver la localisation de l’émetteur. Le but est de pister les déplacements de l’insecte afin de localiser un nid environnant.

Puis le frelon est relâché. Une fois réveillé, il filera vers son nid. Le signal émis par l’émetteur collé sur son thorax sera capté par une antenne spéciale que l’on dirige pour trouver la localisation de l’émetteur. Le but est de pister les déplacements de l’insecte afin de localiser un nid environnant.

Au bout d’un quart d’heure de safari-frelon, le nid est localisé : dans les branches supérieures de ce cerisier, au cœur de Ballersdorf.

Au bout d’un quart d’heure de safari-frelon, le nid est localisé : dans les branches supérieures de ce cerisier, au cœur de Ballersdorf.

Les désinsectiseurs se préparent alors à neutraliser le nid.

Les désinsectiseurs se préparent alors à neutraliser le nid.

S’il est grand, ce nid n’a été construit qu’en l’espace de quelques mois. Il hébergerait déjà 1000 à 2000 individus.

S’il est grand, ce nid n’a été construit qu’en l’espace de quelques mois. Il hébergerait déjà 1000 à 2000 individus.

Pour neutraliser le nid, on s’aventure au pied du nid avec un maximum de précautions, les frelons pouvant défendre leur territoire avec hardiesse. Une perche est déployée et sa pique terminale est fichée dans le nid. Un biocide est ensuite pulvérisé à l’intérieur du nid. Il faudra quelques jours pour qu’il fasse complètement son effet et réduise la colonie au silence

Pour neutraliser le nid, on s’aventure au pied du nid avec un maximum de précautions, les frelons pouvant défendre leur territoire avec hardiesse. Une perche est déployée et sa pique terminale est fichée dans le nid. Un biocide est ensuite pulvérisé à l’intérieur du nid. Il faudra quelques jours pour qu’il fasse complètement son effet et réduise la colonie au silence

« Un seul nid consomme 11kg d’insectes par saison »

Mais il représenterait également un préjudice pour la biodiversité : « Un seul nid consomme plus de 11kg d’insectes en une seule saison, dont un à deux tiers d’abeilles. Les autres insectes en pâtissent également, notamment en raison de la concurrence pour la ressource », avertit Mathieu Diffort, fondateur de la société Api & Co, à Ballersdorf, qui intervient notamment dans la désinsectisation.

« Le frelon asiatique contribue à l’effondrement de la biodiversité », confirme Isabelle Mey. Apicultrice, elle est la référente frelon asiatique pour le Bas-Rhin. Dans ce département, près de 200 nids ont été neutralisés cette année, deux fois plus qu’en 2024. Idem dans le Haut-Rhin avec plus de 160 nids identifiés.

Seul prédateur connu, une plante carnivore…

Revenons à votre jardin. Neutraliser ce nid soi-même relève de l’inconscience. Il vous reste par conséquent, soit à ne rien faire comme le préconise le site internet de l’Eurométropole de Strasbourg, parce qu’un prédateur naturel viendra et régulera vespa velutina. Aujourd’hui, son seul “prédateur” est la sarracenia, une plante carnivore exotique qui pousse dans les jardins botaniques…

Soit vous contactez une société de désinsectisation. En vous préparant à un beau parcours du combattant : d’une part ces sociétés se sont multipliées, d’autre part, elles proposent des tarifs très fluctuants, à votre charge. Jusqu’à 900 € dans de rares cas. « Les abus sont nombreux, relève Isabelle Mey, il faut demander au moins trois devis, étudier la réputation et tout comparer. » Les entreprises de désinsectisation reçoivent toujours plus d’appels de particuliers. « Dans 70 % des cas, ces appels font suite à des piqûres », avertit Mathieu Diffort.

« Où est l’État ? »

La référente frelon 67 pointe du doigt des lacunes réglementaires conséquentes pour expliquer confusions et abus. « Il n’y a pas de formation reconnue pour les professionnels hormis celle sur les biocides. Il existe une charte prônant une utilisation conforme des biocides, mais elle n’est pas obligatoire, il n’y a ni contrôle de l’activité, ni régulation, ni réglementation. Bref, il n’y a pas de gouvernance. Où est l’État ? »

Faruk Eryilmaz a créé l’entreprise Dard des villes, à Strasbourg. Il insiste : « C’est maintenant qu’il faut agir pour éviter que les choses n’empirent comme dans tous les autres départements français qui l’ont vu arriver avant nous. » Le frelon asiatique n’étant pas un problème de santé publique, l’État délègue. Il y a bien cette loi du 14 mars 2025, qui a créé un plan national d’actions. Mais son décret d’application étant resté lettre morte, la loi n’est qu’une promesse… « Il manque une réglementation qui rend sa dignité à cette profession », poursuit Isabelle Mey.

« On s’en fiche »

Si les apiculteurs se sont organisés en comités de pilotage et en référents, ils peinent à trouver le temps de suivre les opérations et de convaincre les particuliers de réagir et les collectivités locales de financer tout ou partie de leurs interventions. « Lorsque je contacte mairies ou communautés de communes, le spectre des réponses, quand il y en a, va de “on s’en fiche” à “on n’a pas de budget” en passant par “ce n’est pas un problème”, témoigne Sean Durkin, le référent frelon pour le Haut-Rhin. Plusieurs collectivités font cependant office de modèles pour l’aide financière à la destruction des nids. Les communautés de Thann-Cernay et de Guebwiller remboursent une partie des coûts. À Altkirch, c’est la totalité. Si tout le monde joue en ordre dispersé, nous n’avancerons jamais. »

« Ni les collectivités, ni l’État ne nous prennent au sérieux », déplore Anthony Noulin, gérant de Hop’la guêpe en Alsace centrale. Si la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) accorde des subventions pour le frelon asiatique, elles ne concernent que les apiculteurs et leurs équipements de protection.

Pourtant, nous vivons déjà avec un frelon, depuis longtemps. Plus gros mais moins agressif que l’asiatique, le frelon européen est un insecte bien de chez nous, mais il fait difficilement le poids avec ses quelques centaines d’individus par nid contre plusieurs milliers pour un nid de frelon asiatique. L’européen ne pose pas les mêmes problèmes que son cousin d’Orient. Avec lequel il va falloir apprendre à vivre puisqu’il est déjà trop tard pour le remettre à sa place.

Utilisé par le désinsectiseur Anthony Noulin, de la société Hop’la Guêpe, le pistolet de paintball sert à loger des balles remplies de biocide dans les nids de frelons asiatiques

Utilisé par le désinsectiseur Anthony Noulin, de la société Hop’la Guêpe, le pistolet de paintball sert à loger des balles remplies de biocide dans les nids de frelons asiatiques

Quand le remède est parfois pire que le mal

Un simple passage sur n’importe quel site de vente à distance le confirme : il existe une offre pléthorique de pièges à frelons asiatiques à laquelle s’ajoute une myriade de pièges bouteilles, faits de bric et de broc, mais qui sont à bannir.

Des pièges destinés à garantir un parapluie pour se prémunir des piqûres ou des rapts d’abeilles dans son pré carré, du moins c’est ce que l’on pourrait croire : un nid abritant plusieurs milliers de frelons, il est certainement vain de s’imaginer que tous tomberont dans le panneau…

« On voit de tout et n’importe quoi, confirme Isabelle Mey, référente 67 pour le frelon asiatique. Les seuls pièges utiles sont les pièges sélectifs, encore faut-il savoir les utiliser ».

Le Muséum national d’histoire naturelle a étudié l’impact des pièges non sélectifs sur la biodiversité. Il apparaît que 99 % des insectes capturés ne sont pas des frelons asiatiques. Si ces derniers font des coupes sombres dans la biodiversité locale, autant ne pas les imiter.

La remarque vaut également pour la neutralisation des nids, qui se pratique avec un biocide : terre de diatomée ou plus souvent pyrèthre de synthèse ou naturel (à base de poudre de chrysanthèmes). D’où l’enjeu de faire accepter par les professionnels des chartes de bonne utilisation de ces biocides.

Comment luttent nos voisins

Si le constat français, en termes de lutte contre le frelon asiatique, est celui de l’inaction de l’État au motif que cet insecte, pourtant espèce exotique envahissante dont il est censé s’occuper, ne représente pas un problème de santé publique, il est sensiblement différent dans les pays riverains.

Dans le Bade-Wurtemberg, où 1 500 nids ont été signalés en 2024, les mesures déployées initialement par les autorités chargées de la protection de la nature, et prévoyant l’élimination systématique des nids, ont été modifiées en mars. Si le site du Land recueillant les signalements a été maintenu, l’obligation d’éliminer les nids systématiquement a été convertie en obligation de mettre en place une gestion appropriée n’incluant plus le financement public des neutralisations de nid.

En Suisse, ce sont les cantons qui sont compétents pour lutter contre les espèces invasives. Les deux cantons bâlois travaillent en étroite collaboration avec le syndicat d’apiculteurs des deux Bâle, qui reçoit les alertes de l’échelon national et qui se charge de trouver et détruire les nids de frelons. Mais le financement est assuré par le canton concerné.

J.-F.O avec Jean-Christophe Meyer et Julien Steinhauser

Rédigé par ANAB

Publié dans #Insectes de chez nous, #Pollution-pesticides

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D
Je trouve que le problème des frelons asiatiques est toujours abordé par le même petit bout de lorgnette.<br /> L’image des apiculteurs est généralement positive; leur discours est donc largement partagé, bien plus que celui des entomologistes.<br /> Ils protègent avant tout une production agricole mais ils ne manquent pas d’ajouter une touche « protection de la biodiversité » à leur souhait de voir détruits les nids de frelons asiatiques. <br /> <br /> Vrai que le FA peut effrayer : il est grand, rapide, bruyant. Et se nourrit volontiers d’abeilles domestiques.<br /> Mais a-t-il un impact plus grave sur l’entomofaune que nos pratiques agricoles, jardinières, communales ou municipales ?<br /> <br /> Je pense aux propos d’un responsable de l’environnement d’une ville wallonne qui s’étonnait des demandes des apiculteurs qui après avoir réclamé que la ville devienne « zéro phyto » demandaient avec insistance qu’elle détruise les nids de FA, à grand renfort d’insecticide (toxique pour la vie du sol notamment et dont la demi-vie et les produits de décomposition sont mal connus).<br /> <br /> Personnellement, je m’étonne que les 1ers agréés pour détruire - oups : neutraliser - les nids soient des apiculteurs.<br /> Et j’ai cette question sans réponse : dans cette période d’intenses bouleversements de notre climat et de la biodiversité, qui peut dire, imaginer, prévoir qu’elle sera la place de ces espèces « invasives » dans 10, 20 ou 30 ans? Qui peut assurer qu’elles n’auront pas une quelconque utilité ?<br /> <br /> Nb: les FA sont bien présents dans mon tout petit jardin où le lierre est en fleurs. Et ils ont particulièrement pollinisé la touffe de renouées horticoles (complètement indifférents à la bipède tentant de les photographier 🤭)
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A
Merci Dethier de ce point de vue différent des apiculteurs.<br /> De nombreux apiculteurs rejoignent cet opinion.<br /> Ils ont mis en place des pièges physiques, des harpes electriques non polluantes pour émpecher les frelons asiatiques de se nourrir en permanence devant les ruches. <br /> Certaines espéces animales végétales et animales d'origine exotique ne rencontrent ni prédateurs ni défenses chez nos espèces locales. Elles se developpent de laniere anarchique. C,e sont des espèces invasives.<br /> Il faut éviter d'utiliser la chimie qui fera souvent plus de dégâts. La lutte contre ces espèces peut sauver des pans entiers de biodiversité locale, et donc de très nombreuses espèces locales déjà mal en point avec le changement climatique.<br /> <br /> C'est compliqué mais sans intervenir sur tout dans certains cas, il faut réagir. <br /> <br /> Roland
B
Décidemment, le problème est complexe, C'est comme le traitement contre le chikungunya,. je n'entends jamais parler des effets collatéraux qui doivent être catastrophiques.
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A
Merci Bern@rd, le traitement de ces épizooties n'est pas traité avec sérieux ni avec les moyens financiers et humains adéquats.<br /> L'argent va ailleurs. ll suffit d'écouter les informations..<br /> Roland
T
Merci pour cet article à la fois intéressant, inquiétant et décourageant.<br /> "…il n’y a pas de gouvernance. Où est l’État ? ». Il conviendra aussi de se demander QUI est l'Etat? <br /> Peut-il y avoir gouvernance là où règne le plus grand désordre? <br /> Quatre Premiers Ministres depuis janvier 2024. Les perpétuelles chamailleries des soit-disant "grands" de la Politique (l'Elysée, Matignon, le Palais Bourbon)<br /> De ce côté de la Manche, l'Etat se résume à "la bulle de Westminster" (Londres). Un joli bourbier.<br /> <br /> Les citoyens dans tout cela? Ils habitent une lointaine planète.<br /> <br /> Si la Sarracenia requiert des conditions particulières, on la rencontre bien plus souvent que dans les seuls jardins botaniques.<br /> On dit que le savon de Marseille est peu apprécié par le frelon asiatique 🙄😳<br /> Il se pourrait que la Sarracenia et le savon de Marseille soient, ensemble, plus efficaces que l'action des gouvernements français et britannique. <br /> En première ligne, dans ce combat, les Apiculteurs (auprès desquels je m'excuse).<br /> Pendant ce temps, à Colmar:<br /> https://www.lalsace.fr/economie/2022/06/07/karnivores-le-cauchemar-des-insectes
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A
Ta réflexion, Toll, est bien construite.<br /> Dans notre région très peu de Sarracenia hors les jardins botaniques et spécialistes<br /> Pour le reste, les autorités sont aux abonnés absents, les apiculteurs n'ont pas de tracteurs pour barrer les routes...Roland