Pourquoi les feuilles tombent-elles plus tôt cette année ?
Publié le 14 Octobre 2025
paru le 1/9/2025 sur MHN transmis par Christian. Merci Christian.
Cet été, les arbres ont perdu leurs feuilles plus tôt que prévu. En cause : des sols asséchés et une chaleur intense qui les poussent à se protéger en réduisant leur surface d’évaporation. Un phénomène de plus en plus fréquent, qui fragilise nos forêts et interroge leur capacité à s’adapter au climat de demain. Entretien avec Marc-André Selosse, biologiste au Muséum spécialiste des plantes.
Quelles sont les principales causes de cette chute précoce ?
Les arbres fonctionnent comme des mèches : ils aspirent l’eau du sol et l’évaporent par les feuilles. Ce qu'ils captent dans le sol, c'est-à-dire de l’eau mais aussi des sels minéraux, monte avec le flux de sève vers les sites d’évaporation : les feuilles.
Cette année, très peu d’eau est tombée, et très peu d’eau était donc disponible dans le sol. Il faut avoir en tête que 1 hectare de forêt utilise environ 30 tonnes d’eau par jour, soit l’équivalent d’une pluie de 3 mm. Pour 200 jours de végétation par an, il faut environ 600 mm d’eau de pluie. Les températures en 2025 ont par ailleurs été particulièrement élevées, ce qui a entraîné une plus forte évaporation. Pour limiter les pertes d’eau, les arbres ont donc réduit leur surface d’évaporation dans l’été : ils ont perdu des feuilles assez brutalement.
Cette perte a pu être accidentelle (notamment à cause de lésions liées à la chaleur extrême ou au manque d’eau), mais elle est le plus souvent le fruit d’un programme de "mort précipitée" des feuilles. Sans jaunissement ni rougissement progressif, comme en automne, la plante abandonne ses feuilles d’un coup pour survivre quitte à ne pas récupérer ce que contiennent les feuilles.
Ce phénomène n’est pas forcément grave à court terme : certaines espèces peuvent même refaire des feuilles si la pluie revient à l’automne. En revanche, il diminue la photosynthèse et fragilise la mise en réserve en vue de l’hiver, voire la maturation des graines. Le problème devient préoccupant lorsqu’il se répète souvent : cela fragilise les arbres, les rend plus sensibles aux pollutions, aux parasites et contribue à leur mortalité.
Il faut également savoir qu’en dix ans, la mortalité forestière a augmenté de 80 % en France. Notre forêt produit deux fois moins de bois qu’avant et fixe donc moins de carbone. Cela prouve notamment que les arbres actuellement présents sont de moins en moins adaptés au climat actuel.
Est-ce que ce phénomène touche uniquement les grandes villes ?
Non. C’est avant tout un problème de disponibilité d’eau dans le sol, donc il est généralisé. On l’observe là où il pleut peu, mais aussi là où l’eau s’infiltre mal. En ville, le phénomène est amplifié car l’eau pénètre moins bien dans le sol et ruisselle.
Pour y remédier, il faudrait créer davantage de zones végétalisées et perméables, afin que l’eau puisse s’infiltrer et alimenter les arbres. Certaines villes expérimentent déjà des solutions : à Berlin, des jardins d’eau recueillent la pluie dans des creux pour la laisser s’infiltrer et nourrir les arbres, qui évaporeront cette eau durant la saison sèche. Cette approche demande de repenser la ville pour permettre au sol de stocker l’eau (et de limiter les inondations en automne !).
Quelles solutions peut-on mettre en place à court et moyen terme ?
Toutes les plantes souffrent de ce manque d’eau, même les plantes herbacées, bien que leurs besoins soient moindres. Il faut donc planter des arbres plus adaptés aux nouvelles températures, par exemple des espèces du sud de la France, mais aussi aider les plantes à migrer vers des zones où elles pourront survivre.
Cette migration assistée doit avant tout rester de proximité (généralement au sein d’un continent). Il ne faut pas introduire d’espèces venues de trop loin, pour que l’écosystème qui va avec (champignons, bactéries, insectes associés…) puisse se déplacer avec l'espèce d’arbre. En revanche, importer des plantes trop exotiques comporte des risques de ne pas avoir les bons partenaires, mais aussi d’introduction des maladies et/ou des parasites qui fragiliseraient davantage les écosystèmes.
Quels sont les effets immédiats de cette sécheresse ?
La sécheresse a des conséquences directes.
- Il y a plus de feuilles mortes et moins de sève, ce qui rend les écosystèmes plus inflammables. Cette année, la superficie incendiée a d’ailleurs battu des records en Europe.
- Nous risquons une disparition progressive des forêts : si ces phénomènes s’accentuent, certaines zones pourraient perdre leurs arbres et leurs écosystèmes, surtout s’ils ne sont pas remplacés par des espèces adaptées aux températures.
La migration assistée de proximité peut être une mesure temporaire, mais le véritable enjeu reste de freiner le changement climatique, cause de tous ces problèmes…
/image%2F1479375%2F20220420%2Fob_7fe25c_4246660298920266123.jpg)