Cônes de glace en bonnet de lutin : des structures singulières !

Les stalactites de glace classiques

Les stalactites de glace nous sont connues par les chandelles qui se forment au rebord d'un toit, le long d'une paroi rocheuse où l'eau suinte. Ce sont des structures suspendues. Leur forme en cône inversé (haut de sablier) traduit l'alimentation depuis le sommet par de l'eau liquide qui se solidifie ensuite plus ou moins rapidement au cours de son écoulement vers le bas. L'allongement est donc tributaire de l'équilibre entre les quantités d'eau à l’arrivée (goutte à goutte, filet d’eau) et la température ambiante qui détermine la prise de glace plus ou moins rapide au cours de la descente. Parfois, l’intensité du froid est telle qu’un bon nombre de gouttes se figent dès leur apparition et la colonne s’épaissit à son sommet au détriment de sa longueur, formant des draperies.

Draperie de glace et stalactites le long d’une paroi.. Le grès qui a joué le rôle d’éponge pendant les épisodes de pluie, libère cette eau petit à petit à l’interface des bancs où le liquide en gelant forme des chandelles de plus d’un mètre. A noter au sol, des ébauches de stalagmites.

Le long des stalactites apparaissent souvent des irrégularités sous forme d’ondulations Deux physiciens ont voulu percer cette énigme hivernale. Les ions dissous dans l’eau en sont responsables.

Différents aspects des stalactites : la glace peut paraître parfaitement translucide ou au contraire laiteuse et parfois même rose à cause des pigments (oxydes de fer) colorant le grès. Au premier plan, une surface ondulée est visible.

Enfin, des stalagmites de glace se forment en particulier à l’entrée de cavités ou sous une corniche. A l’opposé des stalactites, ce sont des structures bâties sur un socle par empilement vers le haut. Elles ne prennent pas toujours l’allure de colonnes et forment des amas globuleux, soit parce que les gouttes sont déviées dans leur chute, soit parce que les éclaboussures nées de l’impact dispersent l’eau.

Ebauches de stalagmites en forme de choux-fleurs. Les brins d’herbe servent de support à d’autres sculptures.

le cône du quiz : sculptures de glace dans un ruisseau

Dans le cas du cône présenté dans le quiz, la situation est encore différente et quelque peu paradoxale. A la décharge des quizzeurs, il a été photographié hors contexte, en position couchée pour montrer que cet objet n’est pas creux. En effet, ce cône a été récolté dans un ruisseau où il était attaché à une racine d’arbre dénudée par l’érosion.

Dans les ruisseaux, les glaçons aux formes variées apparaissent à proximité des cascades sur des supports apportés par les crues ou des racines.

La pointe du cône est dirigée vers le haut et la base élargie se trouve au ras de l'eau.(voir photo ci-dessous). Cet aspect lui confère-t-il le statut de stalactite dans la mesure où il est suspendu au-dessus de l’eau ou de stalagmite,à cause de sa pointe dirigée vers le haut et de sa base élargie ? S’agit-il d’une figure inversée ? Quoi qu’il en soit, l’absence d’une alimentation au goutte à goutte depuis le haut, l’absence de support solide posent la question de son mode de formation. Deux éléments peuvent nous mettre sur la voie, à savoir l'observation de cônes en début de formation et l'observation précise de la base d'un cône déjà évolué.

Cônes à différents stades d’évolution. Les manchons cylindriques de glace constituent des amorces, certaines n’auront pas évolué. La base des cônes est au contact des vagues occasionnées par une petite chute d’eau. Elle présente une collerette de glace transparente dont le sort va dépendre des conditions ambiantes.

Les amorces de cône se situent souvent sur une branche ou une racine plongeant dans l'eau à la verticale. Elles sont à ce stade entourées d'un manchon de glace qui naît de la cristallisation de gouttelettes de brume ou de projections de gouttes qui retombent sur les objets environnants. Ce brouillard visible dans certaines conditions, s'élève de la surface de l'eau en mouvement. A la base du manchon, la brume plus dense et les vaguelettes mouillent abondamment le manchon initial et une couronne de glace adhérente (parfois en dentelle) se forme.

Mais comment cette amorce peut-elle grandir, s'allonger vers le bas, pour former un bonnet de lutin ?

Une autre observation incluant la durée et les données météorologiques (voir en fin d’article) va nous instruire. Précédant la vague de froid, une période de pluies soutenues a fait monter le niveau des cours d'eau. Avec l'arrivée du gel, une décrue s'est amorcée. La couronne de glace en formation - évoquée précédemment - a accompagné cette baisse de niveau et l’accumulation de glace nouvelle à la base du cône préformé a permis son allongement et son épaississement, créant ainsi cette forme singulière digne d’un conte de fées..

Au terme de cette évolution, quand le régime des eaux faiblit, des cônes peuvent se toucher, se souder, des doigts se former au contact de vaguelettes devenues elles-mêmes plus petites.

Stade ultime dans une rivière, à l’aval d’une chute d’eau. On voit la base des cônes se terminer en pointe. Les embruns qui se raréfient signent l’arrêt de la sculpture de glace.

Quand viendra le redoux, la construction éphémère s’égouttera dans les flots…

Alors stalactites ou stalagmites ? Peu importe, pour les uns, ces sculptures de glace sont le reflet des humeurs météorologiques, pour les autres elles continueront d’être des hennins laissés sur le passage des ondines.

Origine des photos : 1 à 3 : Felsen-Wege près de Sarrebruck (2018) /4 à 6 : Gailbach (2021) / 7 : Blies (2021)

Conditions météorologiques

d’après la station de Petersbach (67) sur Archives météo du mois :

une période de fortes pluies (18 mm/jour), avec des températures supérieures à 12°c et un régime de vents du secteur OSO à SO a dominé dans la période du 25 janvier au 5 février. Elle a été accompagnée d’une montée du niveau des cours d’eau (cf vigicrues) avec un maximum atteint vers le 4 février.
une période de froid a suivi : du 8 au 9 février les températures sont passées sous la barre des O°c et un minimum nocturne de -12°c a été atteint localement. A partir du 14 février, les températures redeviennent positives en journée. Durant cette période de froid, la décrue a été continue.

Les photos ont été prises en fin de période froide.

Compléments

Une approche physique de la formation des stalactites de glace est proposée :

Stalactites de glace / Module de Physique expérimentale

http://www.msc.univ-paris-diderot.fr/~phyexp/pmwiki.php/Stalactites/Stalactites

Article : Le mystère de la formation des stalactites ondulées enfin dévoilé. Emmanuel Perrin le 9 décembre 2013. Maxisciences

Texte, photos, et documentation Étienne Feuchter (Anab)