Cellule Demeter : convoqué à la Gendarmerie pour avoir répondu à une interview… dans un champ

Publié le 7 Juillet 2020

Cellule Demeter : convoqué à la Gendarmerie pour avoir répondu à une interview… dans un champ

Paru sur FNE le 2/6/2020
Un juriste et porte-parole de Sources et Rivières du Limousin vient d’être convoqué par la gendarmerie d’Égletons en Corrèze. Pour quel motif ? Sa présence sur un remblai lorsqu’il répondait à une interview dans laquelle il dénonce la construction de serres industrielles à tomates hors-sol. Personne n’a ni ne veut porter plainte mais la Gendarmerie, diligentée par la procureur de Tulle, a jugé bon de mener l’enquête et le convoquer. Avec Sources et Rivières du Limousin, Corrèze Environnement et France Nature Environnement Nouvelle Aquitaine, c’est l’ensemble du mouvement France Nature Environnement qui s’inquiète de ces bien curieuses dérives issues de la cellule Demeter.

Cette convocation à la Gendarmerie pourrait prêter à sourire. Pourtant, elle se révèle profondément inquiétante puisqu’elle met en lumière de dangereuses méthodes d’intimidations. Un samedi de déconfinement, le juriste et porte-parole de Sources et Rivières du Limousin, administrateur de France Nature Environnement et référent juridique de France Nature Environnement Nouvelle Aquitaine, a reçu la visite à son domicile de la gendarmerie nationale. Il est convoqué dans les semaines qui viennent pour être entendu dans une enquête le concernant (et ne concernant que lui), diligentée par Madame la Procureur de Tulle.

Les faits ? Avoir répondu en janvier 2020 à une interview de France 3 Nouvelle-Aquitaine, pour dénoncer la destruction de 5 hectares de zones humides dans le cadre de la construction des serres industrielles à tomates hors-sol d’Égletons en Corrèze.

Une prétendue « violation de domicile » pour avoir mis les pieds sur une partie de la zone de remblai

Au coeur de l’enquête des forces de l’ordre, une prétendue « violation de domicile » pour avoir mis les pieds sur une partie de la zone de remblai. Les images diffusées sur France Télévisions le 16 janvier montrent pourtant bien le porte-parole de Sources et Rivières du Limousin en dehors du site clôturé des serres industrielles, et en présence de deux journalistes autorisés par le propriétaire à faire leur travail.

Le reportage en question, diffusé sur France 3 Nouvelle Aquitaine le 15 janvier 2020.

Même si juridiquement une propriété privée agricole non clôturée ne constitue pas un « domicile » ; même si juridiquement le fait de pénétrer sur ce terrain naturel remblayé n’est ni interdit, ni sanctionnable ; et quand bien même les propriétaires, industriels de la tomate, n’ont jamais porté plainte (et interrogés par les gendarmes ne souhaitent pas le faire), la gendarmerie d’Égletons a jugé bon d’alerter Madame la Procureur. Elle-même a jugé bon d’ordonner immédiatement une enquête (et débloquer l’argent public nécessaire pour la mener).

Les associations de protection de la nature agréées victimes directes de « Demeter » ?

C’est qu’entre-temps l’État s’est engagé, par la voix de son ministre de l’intérieur, à faire cesser tout prétendu « agri-bashing » à l’encontre du monde agricole, par la constitution de cellules de gendarmerie dédiées, nommées « DEMETER ». Et le chantier des serres à tomates est un site sensible en Corrèze (sans doute même le seul d’ailleurs) qui mérite toute l’attention des gendarmes : projet très controversé, il a été victime une nuit de juin 2019 de l’incendie de plusieurs engins de chantier au démarrage des travaux.

Il est temps de dissoudre la cellule Demeter et d’orienter les moyens publics vers des atteintes avérées à l’environnement 

Face à une telle convocation qui met clairement l’intimidation à l’honneur, l’association Sources et Rivières du Limousin a rapidement écrit sa consternation à Madame la Procureure de la République ainsi qu’au Ministère de la Justice.

Ensemble, Sources et Rivières du Limousin, Corrèze Environnement, France Nature Environnement Nouvelle Aquitaine et France Nature Environnement demandent  :

- l’arrêt immédiat de cette enquête : déployer de l’argent public pour de tels motifs est aussi absurde qu’injustifié.

- la dissolution immédiate de la cellule Demeter : nous l’avons dit et le répétons, créer une cellule avec seulement deux syndicats et des forces de l’ordre mobilisées spécifiquement pour le monde agricole est une vision clientéliste du droit. Cela favorise clairement de telles dérives.

- de réorienter l’énergie et l’argent de l’État pour poursuivre et sanctionner des atteintes avérées à l’environnement : pollution des cours d’eau par les pesticides, destructions de zones humides, recalibrages de cours d’eau, destruction d’espèces et d’habitats, abandon et brûlage de déchets agricoles… les sujets d’inquiétudes ne manquent pas, mais les moyens si.

Rédigé par ANAB

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B
Espérons que le nouveau ministre de l'écologie saura corriger le tir !
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R
On jugera sur pièces. Bernard...mais la répression des idées contraires aux normes gouvernementales est de plus en plus forte et ce genre de dispositif très inquiétant
R
Entre les chasseurs, les agriculteurs, les banquiers, les industriels de tous poils, les lobbies sont les pilotes de ce navire devenu fou
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G
Un pas après l'autre, petit à petit, nous cheminons vers la dictature...
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J
Inquiétant ce manque flagrant d’intelligence tournée vers la préservation de notre environnement au profit de mesures visant à bâillonner un point de vue pourtant cautionné par la majorité et validé par la science.
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