Ballooning- Fils de la Vierge

Publié le 25 Novembre 2020

Fils de balloonning- Altwiller (67) nov 2020 - Photos Nicole Hoch(Anab)

Fils de balloonning- Altwiller (67) nov 2020 - Photos Nicole Hoch(Anab)

Feutrage avec des fils de ballooning au premier plan- voie romaine, près de Diebling (57) Photo Etienne Feuchter (Anab)

Épeire diadème (Araneus diadematus ) - Photo Bernard Weinzaepflen (Anab)

le quiz de la semaine dernière proposé par Nicole correspond à un phénomène naturel appelé « ballooning » ;
Ce mot anglais désigne une montgolfière.

Définition
Ce mot « ballooning » littéralement « vol montgolfière » est utilisé pour désigner le vol de certaines araignées et papillons qui se laissent emporter par le vent grâce à un fil de traîne de grande longueur et qui fait prise au vent. Ce vol est passif comme celui de la montgolfière qui suit le sens et la force du vent
Les organismes qui volent ainsi appartiennent à ce qui est nommé le « plancton aérien ».

Ces longs fils de soie couvrent certaines campagnes de manière abondante, surtout à l’automne. Ils brillent au soleil et se couvrent de rosée créant ainsi un décor majestueux. Ils se collent aux vêtements et forment un vrai feutrage de fils sur les prairies comme sur la photo d’Etienne. Le feutrage très abondant est visible même si cette photo n’est pas optimale ( elle avait été prise pour l’arrière plan).

Ces fils sont dénommés aussi " fils de la Vierge" ou "cheveux d'ange".
Une légende attribuait ces fils à la Vierge qui les laissait s’envoler de sa quenouille pour tomber sur terre et donner un chaud coton pour les nids abritant des oisillons. Une autre légende moins poétique raconte que c’était pour faire le linceul des miséreux.

Différents types de ballooning :
- ballooning primitif ou suspendu qui se réduit à l’accrochage à un fil secrété par l’insecte. Il s’agit du système le plus simple et sans doute le plus ancien. L’insecte se suspend par son fil et attend que le vent l’emporte.

- ballooning actif ou perché : les araignées se mettent sur un endroit surélevé soumis à du vent plus intense. Après avoir atteint ce promontoire elles testent la température, la force et la direction du vent avec leurs pattes. Ce n’est qu’une fois réunies les bonnes conditions d’envol qu’elles dirigent leur abdomen dans le sens du vent. Elles éjectent alors par leurs filières des fils de soie qui forment un parachute triangulaire. Les araignées peuvent émettre différents types de fils plus ou moins collants et élastiques. Ces fils sont composés à 85% par deux protéines, l’une cristalline et solide comme de l’acier et l’autre amorphe qui apporte beaucoup d’élasticité. Les 15 % restants sont des matières grasses qui facilitent le glissement des fils et de l’eau.
Ces fils peuvent s’allonger de 35% et sont plus résistants à la rupture à poids égal que le très renommé Kevlar. Pas étonnant que les industriels s’intéressent à cette haute technologie naturelle. Des gants ultra légers en toile d’araignée ont été réalisés déjà voici près de 300 ans par M.Bon conseiller du roi et envoyés à l’impératrice d’Allemagne, femme de Charles VI. A présent ces fils Hi-tec sont étudiés et testés pour du câblage ou des gilets pare-balles.
Quand le frottement de l’air est suffisant, variable avec la longueur du fil et la force du vent, l’araignée s’envole. Le champ électrique terrestre suffirait à les faire s’envoler en l’absence de vent.

Promontoire d'envol pour le ballooning d'araignées de type Xistus - Altwiller (67) nov 2020- Photos Nicole Hoch(Anab)

toile d'araignée et rosée

Performances :
Le trajet de l’araignée peut s’arrêter après quelques mètres selon sa position de départ et le vent.
Il reste que des navigateurs ont trouvé des araignées dans leurs voiles à plus de 1600 km des côtes. La récupération de ballons sondes météo a prouvé que les araignées pouvaient être entrainées par le vent à plus de 5000 mètres d’altitude.
Pour cette raison, les araignées figurent parmi les premiers colonisateurs de nouvelles îles apparues par volcanisme. Un lien a été fait entre les capacités de ballooning et la résistance à l’eau. Les araignées peuvent survivre dans l’eau douce ou salée jusqu’à 50 cm de profondeur.
Des chercheurs suisses, Gilles Blandenier and al… de L’Université de Fribourg ont étudié pendant 11 ans les araignées pratiquant le ballooning en les prélevant par aspiration à 12 mètres du sol. Ils ont déterminé les espèces et remarqué une stabilité de la liste des différentes espèces. Les conditions du réchauffement climatique favoriseraient ce phénomène.

Migrations :
Les migrations par ballooning sont plus importantes au printemps et en automne avec l’apparition de jeunes araignées. Les phénomènes de rosée rendent aussi les fils plus visibles à l’automne.
La grosse majorité des araignées capables de se déplacer ainsi pesent moins de 1mg. Selon une chercheuse Maria Olesczczuk 78% sont des juvéniles. Dans nos pays les espèces du type Xysticus comme Xysticus audax sont les plus fréquentes et concernées. Des scientifiques ont observé que des espèces sociales du genre Stegodyphus (dumicola et mimosarum), bien plus lourdes car pesant 100mg et mesurant 1.5 cm utilisaient les courants ascendants et thermiques pour se déplacer. Leurs parachutes étaient composés de dizaines et mêmes centaines de fibres formant un véritable cerf volant.

Risques :
La colonisation par des araignées et lépidoptères de nouveaux territoires au moyen de ce système leur fait prendre de nombreux risques. De très nombreux individus vont être mangés en cours de vol par les chauvesouris et les oiseaux ou mourir de faim. La capacité des araignées à ne pas manger pendant plusieurs semaines leur donne une meilleure chance que les papillons.

Autres théories pour expliquer ces fils :
Certains y voient des émissions d’OVNI ou de résidus chimiques provenant des trainées d’avion ou « chemtrails »
ou produits chimiques destinés à modifier l’atmosphère. Ces théories conspirationnistes sont fumeuses et n’ont jamais trouvé aucune crédibilité dans le monde scientifique.

Photos Nicole Hoch, Etienne Feuchter et Bernard Weinzaepflen (Anab)
Texte Roland Gissinger (Anab) relecture Bernard Weinzaepflen (Anab)

Vidéos :
article déjà paru sur notre site
http://naturealsacebossue.over-blog.com/2018/08/mais-comment-les-araignees-font-elles-pour-voler.html
et
Test de ballooning par une araignée

Webographie
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ballooning
https://www.francetvinfo.fr/sciences/non-les-filaments-tombes-du-ciel-a-angers-et-en-moselle-ne-sont-pas-des-residus-chimiques_726109.html
Légendes des fils de la Vierge
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soie_d%27araign%C3%A9e

Bibliographie :
numéro 73 de la hulotte (Le petit guides des araignées à toile géométriques). A la page 12 la méthode du ballooning est expliquée.

Recherches plus techniques:
https://www.researchgate.net/publication/278402307_Do_Spiders_Respond_to_Global_Change_A_Study_on_the_Phenology_of_Ballooning_Spiders_in_Switzerland_1
https://www.researchgate.net/publication/269973248_Ballooning_spiders_Araneae_over_the_forest_island_in_an_agricultural_landscape_of_Wielkopolska