Nature sans frontière

Publié le 14 Juillet 2017

Article paru dans les DNA/Simone Wehrung (09/07/2017)

Ramsar Rhinature est un projet Interreg porté par la LPO Alsace visant à harmoniser les mesures de suivi et de conservation des espèces de part et d’autre du fleuve pour préserver les richesses faunistiques exceptionnelles de la bande rhénane.

Alexandre Gonçalves et Cathy Zell, de la LPO, ainsi que Juliane Reuther, du programme Interreg, suivent les populations de sternes pierregarins depuis l’observatoire du Taubergiessen. Photo : DNA - Franck Delhomme

Alexandre Gonçalves et Cathy Zell, de la LPO, ainsi que Juliane Reuther, du programme Interreg, suivent les populations de sternes pierregarins depuis l’observatoire du Taubergiessen. Photo : DNA - Franck Delhomme

Prenons l’exemple du pélobate brun. L’association d’étude des amphibiens et reptiles d’Alsace BUFO venait de publier son plan de conservation de l’espèce classée en danger d’extinction quand elle a appris que les protecteurs de la nature badois avaient fait de même de leur côté alors que les enjeux, les milieux et les causes de la disparition sont identiques.

Quand on sait combien les milieux naturels et les espèces sont menacés, il n’est peut-être pas nécessaire de s’épuiser à faire ce que d’autres sont en train de faire tout aussi bien, même si c’est avec d’autres méthodes. C’est ainsi que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) d’Alsace a eu l’idée du projet Ramsar Rhinature pour prendre le meilleur de chaque côté, mutualiser les équipes et le matériel. Actions communes et harmonisation des protocoles de suivi et de conservation d’espèces ne peuvent que profiter à la biodiversité dans le secteur Ramsar du Rhin supérieur, connu pour sa richesse floristique et faunistique.

« Les Allemands ont par exemple une excellente connaissance des populations de murins de Bechstein, des chauves-souris peu suivies chez nous, explique Alexandre Gonçalves, de la LPO. On va pouvoir s’inspirer de leurs pratiques comme eux pourront le faire avec notre programme de protection de la chevêche d’Athéna dans les vergers résiduels, qui est une vraie réussite. »

Le Taubergiessen, réserve laboratoire du projet

De même, alors que côté alsacien on avait aménagé les musoirs (avancées en béton à l’entrée des écluses du Rhin) avec du gravier pour que les sternes pierregarins puissent nicher, il s’est avéré que la solution allemande du radeau à gravier était bien plus adaptée : l’herbe, rebutante pour l’espèce, n’y pousse pas et les sternes y sont à l’abri des prédateurs terrestres. L’idéal serait évidemment de pouvoir renaturer suffisamment le Rhin pour que le courant du fleuve décape les affleurements et mette le gravier au jour pour que la sterne puisse y nicher. À défaut de tels travaux, des radeaux ont ainsi été installés dans la réserve du Taubergiessen, gérée par les Allemands mais propriété de la commune française de Rhinau.

Cette anomalie géographique héritée de la rectification du cours du Rhin sur les terres françaises fait de la réserve une zone laboratoire pour Ramsar Rhinature. Un centre d’information y fonctionne déjà avec une animatrice allemande du Naturschutzbund (NABU) et un animateur de la LPO, et plusieurs espèces y bénéficient d’attentions croisées, notamment le sonneur à ventre jaune. Dès le départ, la LPO a en effet étendu le suivi à plusieurs groupes taxonomiques afin de faire de ce projet une action exemplaire

La LPO travaille en partenariat avec le NABU. PHOTO DNA - franck delhomme Alexandre Gonçalves et Cathy Zell, de la LPO, ainsi que Juliane Reuther, du programme Interreg, suivent les populations de sternes pierregarins depuis l’observatoire du Taubergiessen. Photo : DNA - Franck Delhomme

La LPO travaille en partenariat avec le NABU. PHOTO DNA - franck delhomme Alexandre Gonçalves et Cathy Zell, de la LPO, ainsi que Juliane Reuther, du programme Interreg, suivent les populations de sternes pierregarins depuis l’observatoire du Taubergiessen. Photo : DNA - Franck Delhomme

22 espèces suivies

« Le choix des espèces s’est fait très rigoureusement sur la base d’une vingtaine de critères comme le degré de menace, le niveau de connaissance ou la diversité des habitats », explique Cathy Zell, de la LPO Alsace.

22 espèces de vertébrés ont ainsi été retenues dont 17 oiseaux (courlis cendré, hirondelle de rivage, busard des roseaux…), trois amphibiens (sonneur à ventre jaune, rainette verte, crapaud vert) et deux mammifères (le murin et de Bechstein et le castor qui se porte bien mieux en France qu’en Allemagne, il va falloir comprendre pourquoi).

Pour chacune de ces espèces, il est établi un diagnostic sur la base de comptages, d’observations ainsi que d’un état des lieux des habitats. De cette première phase découleront logiquement la définition commune d’un plan de conservation puis la mise en réseau de tous les intervenants. « C’est peut-être plus compliqué qu’on le pensait au départ, confie Cathy Zell. Il nous a d’abord fallu identifier tous les acteurs de la protection de la nature en Allemagne. Ils ont un fonctionnement très différent du nôtre. » En Alsace, il y a la LPO, en lien direct avec BUFO ou le GEPMA (pour les mammifères). En Allemagne, « il y a une multiplicité d’associations qui s’occupent chacune d’une espèce en particulier ou d’une zone géographique ». Au point qu’outre-Rhin, les naturalistes ont maintenant pris conscience de la nécessité de centraliser les données collectées et de désigner une association référente pour faciliter les partages de connaissance.

Ce n’est qu’à cette condition de constitution d’une plateforme transfrontalière d’accès à la connaissance que les stratégies de conservation pourront être définies et pérennisées par leur application sur le terrain. En 2018, au terme des trois années du projet, cela devra être chose faite.

Un projet soutenu par l’Europe
La LPO et ses partenaires souhaitent associer le public à leur projet. Ils ont ainsi fait visiter le Taubergiessen, site pilote et exemplaire de la zone d’étude, à un groupe d’élèves composé d’une classe de l’école élémentaire de Rhinau et d’une classe allemande de Grafenhausen.

Le projet Ramsar Rhinature est financé pour moitié par l’Union européenne à hauteur de 400 000 euros dans le cadre du programme Interreg V. « Il est typique des démarches visant à créer des outils et des recommandations qui peuvent servir à d’autres régions transfrontalières », précise Anne Poidevin, du secrétariat d’Interreg. L’exemplarité du projet a d’ailleurs débouché sur l’extension du territoire visé à l’origine (le site Ramsar c’est-à-dire la bande rhénane de Bâle à Karlsruhe) à l’ensemble de la plaine du Rhin supérieur soit 8 750 km² (soit légèrement plus que la superficie totale de l’Alsace) de part et d’autre du fleuve.

Les autres financeurs publics du projet sont la Région Grand Est, la DREAL et l’Agence de l’eau Rhin-Meuse côté français ainsi que les Regierungspräsidium de Freiburg et de Karlsruhe, côté allemand.

Le projet est porté par la LPO Alsace en partenariat avec ses homologues allemands de protection de la nature, le NABU (Naturschutzbund Deutschland) et l’ILN (Institut für Landschaftsökologie und Naturschutz Baden-Wurtemberg).

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité hors région

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article