La Stérée pourpre

Publié le 6 Mai 2017

Nom scientifique : Chondrostereum purpureum (Pers. : Fr.) Pouzar 1959

Date de l’observation:  20 décembre 2016 à Herbitzheim
Division des basidiomycota, famille des meruliaceae


La face inférieure de ce champignon est lisse et arbore de belles couleurs aux tonalités violettes, ce qui enlève toute possibilité de confusion avec un autre champignon. Sa face supérieure est feutrée, ondulée, plus ou moins zonée de bandes gris-pourpre tandis que sa face inférieure est lisse.

Visible toute l'année, il pousse en troupes nombreuses formant des rangées superposées d'individus


Chair : fine, gélatineuse, élastique, durcissant en séchant  

Sporée : blanche

Habitat:  parasite et saprotrophe commun de feuillus, fréquemment de fruitiers, responsable de pourriture blanche. C’est l’agent de la maladie du plomb des arbres fruitiers. Les feuilles prennent une couleur argentée. Les Pruniers y sont particulièrement sensibles, mais aussi, à un moindre degré, les Poiriers, les Cerisiers et d’autres arbres et arbustes. l’issu est souvent fatale pour l’arbre

Consommation:  non comestible

La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )
La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )

La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )

En Amérique du Nord, C. purpureum est disponible comme moyen de lutte biologique contre les arbres indésirables tels que l’aulne rouge, le tremble et d’autres espèces. Le champignon est appliqué directement sur les arbres indésirables dans une pâte nutritive qui peut être stockée et manipulée facilement. Selon un rapport de l’Agence de lutte antiparasitaire du Canada, l’utilisation de cette méthode de contrôle n'aurait qu'un impact limité sur les arbres non ciblés puisque les spores fongiques sont de toute façon omniprésentes et que les arbres sains sont résistants à l’attaque.

A travers cet exemple, on peut mesurer la relativité de la notion de parasitisme et de cloisonnement des trophismes dans le règne fongique. Traditionnellement, on compartimente les champignons, d’un point de vue trophique,
en saprotrophe (qui consomme de la matière organique d’organismes morts),
en parasite (qui consomme de la matière organique d’organismes vivants) et
en symbiotes (champignons lichenisés, mycorhiziens, endophytes, etc.) On a ici un exemple (et c’est loin d’être le seul) d’un champignon qui n’appartient pas à une catégorie sensu stricto.
Aussi bien parasite que saprotrophe, souvent d’abord parasite puis saprotrophe à la mort de l’arbre, il se nourrit de bois d’arbres vivants et morts. Le 1er enseignement à en retirer est que la nature se laisse difficilement compartimenter. Classifier, compartimenter sont des caractéristiques humaines nécessaires pour nous permettre de comprendre l’évolution du vivant mais la classification ne nous permettra peut être jamais d’appréhender le vivant dans toutes ses dimensions.

Le commun des mortels rêve d’un monde sans parasites nous dit le biologiste Claude Combes. Tout le monde doit la vie au parasitisme. Dans la théorie défendue par Combes, les cellules des hommes, des animaux, des plantes, des champignons, sont le résultat de l'invasion d'une cellule primitive par une bactérie.
Il y a plusieurs milliards d'années, une bactérie est entrée dans une cellule primitive, y a trouvé un abri pour s'y reproduire en paix, et sans doute au détriment, au départ, de son hôte. Au fil de l'évolution, ce parasitisme s'est transformé en relation de symbiose, où la bactérie a mis son aptitude à produire de l'énergie au service de la cellule hôte qui lui fournit le gîte.
Quant à la différence entre l'animal et la plante, on la doit aussi au parasitisme: les végétaux ont pu voir le jour parce qu'une bactérie capable de transformer la lumière en énergie a parasité une cellule primitive. Les descendants, ce sont les chloroplastes que l'on trouve dans toutes les cellules végétales et qui leurs permettent de faire la photosynthèse.

Je tiens à souligner que la théorie défendue par Combes s’oppose à la théorie dite endosymbiotique indiquant que ces bactéries auraient été plutôt des proies que des parasites pour les cellules ancestrales. Sans rentrer dans ce débat de spécialiste, retenons que dans tout les cas c’est une coopération réussie qui en est sortie.

Néanmoins le parasitisme tue aussi et ce serait une erreur que de ne pas les observer à la lumière de l’évolution, pour ne pas paraphraser le célèbre biologiste de l’évolution Theodosius Dobjansky. N' est-il pas séduisant de transposer l'étude du parasitisme chez l'animal aux sociétés humaines ? Je pense, et ça reste mon avis personnel, que c’est très dangereux et surtout faux.

Claude Combes nous dit avec le parasitisme« On retrouve là des rapports de forces où le fort domine le faible. Mais j'estime qu'on passe à côté de l'essentiel si on analyse les sociétés humaines à cette seule lumière. Car le propre de l'homme, c'est la culture. Darwin lui-même, qui était contre l'esclavage, refusait de voir la société à travers ce crible. Je dis toujours à mes étudiants : vous commencez à être des hommes quand vous commencez à lutter contre vos gènes. Il est tentant de céder à la loi du plus fort car nous sommes des êtres issus de 3 milliards d'années d'évolution égoïste. Mais notre cerveau d'homme nous permet de briser le carcan de cette loi."

Prenant ici le contre pied de la notion de gène égoïste de Richard Dawkins, la nature nous apprend aussi, et c’est le 2ème enseignement à en tirer, qu’ensemble, on arrive plus loin. Ça rejoint un précédent article que je concluais par « jamais seul ».
Et même ce qu’on appelle un « parasite » a un rôle à jouer dans cette évolution du vivant. Notre cerveau nous a fait créer des sociétés qui gomment les notions de forts et de faibles et faire tout comparatif avec la nature, amorale, serait une erreur anthropocentrée.
A l’heure où l’individualisme, le communautarisme, la recherche de coupables,
 les divisions fleurissent, il est bon de se rappeler l’importance de la coopération dans la nature
mais aussi des valeurs communes qui font de nous des hommes
et qui nous permettent ensemble d’aller plus loin.


Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher



Source
http://champyves.pagesperso-orange.fr/champignons/fichier_htm/sur_arbres/steree_pourpre.htm

http://www.liberation.fr/week-end/2005/06/11/les-parasites-jouent-un-role-moteur-dans-l-evolution-du-vivant_523275

La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )
La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )

La Stérée pourpre (Chondrostereum purpureum )

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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