Enquête mycologique, la Pézize recourbée, Peziza repanda
Publié le 20 Avril 2024
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
Scène du crime
Nous sommes le 31 mars 2024 à Dieding, en contrebas d’une prairie calcaire, sur ces copeaux de bois mélangés à de la terre argileuse, le long d’une voie de chemin de fer. Le sol est donc assez riche.
Arme du crime
Vu le milieu de pousse, c’est un décomposeur de la matière organique
Profil du suspect
Le champignon est en forme de coupe, de couleur brune jaunâtre. Il est grégaire (pousse en groupe)
La morphologie en coupe est classique dans le groupe des champignons ascomycètes. Ces champignons ne fabriquent pas leurs spores dans des basides mais dans des « sacs » qu’on appelle des asques. La forme en coupe est en mycologie une apothécie et elle caractérise notamment les pezizes. Il y en a de toutes les couleurs et tailles et les identifier nécessitent les compétences du service scientifique. De prime abord, il faut prêter attention à la couleur de la coupe, intérieur et extérieur, si le bord est crénelé, s’il présente un pied et enfin l’endroit où il pousse. On est ici sur de la matière organique type sol riche en matière organique.
L’examen par la police scientifique
Pour identifier plus précisément ce suspect, un examen microscopique est indispensable.
Le réactif utilisé est le Lugol pour tester une rection chimique entre l’iode du réactif et un sucre qui peut être présent dans un champignon. Cette caractéristique se traduit par une coloration bleue au microscope. Ici seul le haut des asques est bleu. Les spores sont elliptiques, sans gouttes à l’intérieur, de longueur inférieure à 18 micromètres et lisses.
Entre les asques se trouvent des cellules allongées et stériles, les paraphyses. L’étude de leur morphologie est importante. Elles sont ici filamenteuses et septées.
Paraphyses et asques. Microscopie x1000 de Pézize recourbée, Peziza repanda – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Enfin, l’étude de la texture de l’apothécie (excipulum) est un élément important à observer. On observe, si on fait une coupe transversale, à chaque extrémité une couche de cellule globuleuse, la Textura globulosa, avec au milieu, un enchevêtrement de filaments de mycélium, la Textura intricata. Cette Textura fait environ 1/5 de la texture totale. Cet élément est important chez les pezizes, car ce qui sépare certaines espèces est la présence ou l’absence de cette Textura intricata ainsi que son épaisseur.
Excipulum à textura intricata. Microscopie x1000 de Pézize recourbée, Peziza repanda – Photo Gilles Weiskircher (Anab)
Avec tous ces critères et vu le milieu de pousse, on est en présence de la pézize recourbée, Peziza repanda.
Statut selon l’INPN : Classé en Préoccupation Mineure (LC) sur la Liste rouge des champignons menacés d’Alsace
Comestibilité : non comestible
La conclusion de l’enquêteur
Les pézizes sont un groupe très difficile, comprenant des espèces très proches et semblables comme cerea, vesiculosa, micropus. Ces espèces ont des écologies qui se recoupent et des caractères microscopiques très proches. Selon les mycologues, l’approche pour les identifier n’est pas identique. Les pézizes, ce n’est pas une mince affaire.
La pézize recourbée se plaît principalement au sol, sur déchets organiques, papiers.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)