L'Orchis militaire, Casque militaire, Orchis casqué (Orchis militaris)

Publié le 21 Avril 2024

L'Orchis militaire, Casque militaire, Orchis casqué (Orchis militaris)

Cette orchidée bicolore ne passe pas inaperçue. Elle est typique des pays calcaires, peu fréquente dans notre région mais abondante dans les régions et préalpes calcaires.
Roland

Nom scientifique : Orchis militaris L., 1753

Origine du nom: du grec « orchis », qui signifie, « testicule» allusion à la forme de ses deux tubercules dont sont issues les tiges, et de « militaris », « militaire », en raison de la forme des fleurs en forme de petits bonhommes avec leurs uniformes, alignés comme des militaires.

Nom commun dialecte/ allemand: Helmorchis, Helm-Knabenkraut

Nom anglais : military orchid,

Date de l’observation: le 25 avril dans la région de Sarreguemines (57)

Famille de plantes : les Orchidées, dont fait partie le phalaenopsis, l'orchidée des grandes surface et jardineries, ainsi que la vanille exotique et le très rare sabot de Vénus. Les plantes de cette la famille des Orchidées est, d’après les scientifiques très évoluées. Elles s’installent dans tous les milieux, des plus secs aux plus humides. Il en existe près de 30 000 espèces. Elles sont menacées car peu résistantes à la pollution et sont quelquefois pillées.

Une des particularités des orchidées est leur vie en symbiose avec un champignon.
Elles ont besoin de trouver dans le sol ce champignon avec lequel elles s’associent. Il leur est indispensable pour faire germer leurs graines. Celles-ci sont microscopiques, presque dépourvues des réserves contrairement à la plupart des graines des autres plantes. C’est au fur et à mesure du développement de leur symbiose avec les champignons qu’elles ont perdu la faculté de développer des graines avec réserves. De ce fait, elles ont un besoin impératif du mycélium émis par ce champignon « compagnon ». Ce fin filament puise des nutriments minéraux dans le sol pour sa croissance et les partage avec l’orchidée.
Grâce à ses apports, la graine va pouvoir germer et développer ses premières racines et feuilles. Le champignon mycorhizien est très sensible aux changements d’acidité des sols provoqués par des apports de lisier et d’engrais chimiques ainsi qu’aux pesticides.
Pour cette raison les orchidées sont très sensibles à la pollution par les fongicides, herbicides et aux surcharges en azote et engrais même à faible.

Les orchidées de notre région sont en voie de disparition. Leurs milieux, coteaux secs et zones humides disparaissent. Les pratiques d’agriculture intensive avec engrais et fumures et les fauchages trop précoces (avant juillet et août) empêchent la production de graines, et épuisent les tubercules

Aspect général: plante vivace aux vives couleurs.

Hauteur: 20 à 50 cm

Tiges et racines: tige verte, unique, robuste, portant de nombreuses fleurs formant un épi. Sa racine tubérisée est formée de deux tubercules ovoïdes. Ils grossissent durant la belle saison et accumulent des réserves. Au début de l’année suivante le tubercule sert à faire croitre les feuilles et la tige.

Feuilles: de couleur vert-brillant, non tachetées, lancéolées. Les 2 à 6 feuilles de base sont légèrement dressées et forment une rosette. Elles mesurent 8 à 16 cm pour 3 à 5 de large. Les feuilles de la tige, plus petites, sont engainantes et deviennent de plus en plus petites vers l’inflorescence.

L'Orchis militaire, Casque militaire, Orchis casqué (Orchis militaris)

Floraison : fin avril à juin. Durée 3 semaines.
La floraison débute plus tôt dans les régions méditerranéennes et se poursuit en juillet et août en altitude.

Fleurs: les 10 à 40 fleurs, mesurent 4 à 10 mm. Elles forment une inflorescence en épi conique puis cylindrique, dense de 5 à 20 cm de long.. Il s’allonge au fur et à mesure de sa maturité.
Les fleurs sont bicolores, blanc nuancé de rose à l’extérieur. Elle sont pourpres à l’intérieur, avec de nombreuses petites taches pourpres sur les parties blanches internes et le milieu du tépale. Il est pendant, allongé et mesure 10 à 15 mm. L’épi fleurit de bas en haut.

La fleur est composée de pétales et sépales difficiles à distinguer. On parle de tépales. Les latéraux forme un casque clair qui surplombe le labelle. Sous le casque se trouvent les organes reproducteurs, pollinies et pistil. A l’arrière se trouve un éperon de 5 à 8 mm, dirigé vers le bas.
Le labelle est profondément divisé en 3, la division du milieu est bifide. Chaque fleur forme ainsi un petit bonhomme avec le casque comme tête, les bras et jambes étant les divisions du labelle

Pollinisation :
Les étamines sont soudées en deux petites boules jaunes, les pollinies. Elles vont être mûres avant l’ouverture de la fleur. Les insectes sont attirés par la forme de la fleur et son odeur. Le pollen féconde rarement les parties femelles de sa propre fleur (autogamie). Il féconde les parties femelles d’autres plantes arrivées à maturité. Ce système dit « allogamie » est le plus répandu chez les plantes. Il a l’avantage de croiser les gènes et éviter la dégénérescence des espèces.
Les belges ont étudié (1) les insectes pollinisateurs chez cette orchidée. Ils ont trouvé 49 espèces différentes. 50% étaient des mouches, 32% des hyménoptères. Les autres sont des lépidoptères (papillons et des petits coléoptères.
A noter qu’en dehors de cette étude une centaine d’insectes pollinisateurs possibles ont dénombrés pour cette fleur.

Prouesse des orchidées :
Les orchidées sont souvent des tricheuses . Plus de 30% d’entre elles sont des tricheuses selon des études de 2006 (Jersakova) et 2011 (Kleynen) et en particulier le genre de notre Orchis militaire, le genre « Orchis ». A noté que Paulus en 2005 affirmait que c’est le cas chez plus de 81% des orchidées!
Elles attirent les insectes en les leurrant avec l’odeur de la fleur préférée, de possibilité de nidification ou d’odeur de son partenaire mais sans aucune réponse, nectar ou pollen. Les savants parlent de « deceiptive pollination » en anglais ou pollinisation arnaque, pollinisation par duperie, en français.
Conclusion : cette émission de volatils est une adaptation à la pollinisation. Les chercheurs parlent d’une exaptation ce qui signifie que la production de ces volatils a précédé leur captage spécifique par les antennes des insectes et par suite la pollinisation.

Confusion : elle a un aspect bien typé qui rend difficile une confusion. Comme souvent des individus peuvent être de couleur très inhabituelle, incolore (seulement une sur mille) ou hybride. Elle s’hybride souvent avec l’Orchis pourpre, Orchis purpurea ou l’Orchis homme pendu, Orchis anthropophora ou encore l’Orchis singe, Orchis simia.

Fruits : après fécondation une gousse va se remplir avec nombreuses et minuscules graines de moins de 0.5 mm sans réserves de germination. Chacune peut en contenir plusieurs dizaines de milliers. Au final, entre trouver le filament du bon champignon, le bon sol, et la bonne exposition, seule une graine sur un million germera et donnera une plante viable.

Habitat : plante de pleine lumière sur pelouses calcaires, sèches , maigres, broussailles , friches, prairies naturelles jusqu’à 2400 m. Elle est absente dans l’ouest de notre pays et rare autour de la Méditerranée. De même si elle est présente jusqu’au Caucase, elle est absente de la zone méditerranéenne et des pays du Nord del’Europe.

Plante albinos ou leucique ?
Pour le quiz je vous ai sournoisement proposé une plante décolorée au moins en partie florale ou leucique. Le mot « albinos » est réservé, au moins pour certains spécialistes, aux plantes sans chlorophylle ce qui n’est pas le cas de cette orchidée. L’albinisme est répandu dans le règne végétal et animal. Les baleines blanches, rhinocéros, éléphants et autres existent comme chez les humains. L’albinisme est la perte d’un ou plusieurs pigments colorés par suite d’une mutation génétique. L’animal ou plante ne peut plus fabriquer ce pigment. Un humain albinos a perdu, le « colorant du bronzage », la mélanine qui le protège des rayons UV solaires. Il est très sensible à la lumière et peut rapidement développer des cancers de la peau.
Notre Orchis militaire a perdu la faculté de fabriquer les anthocyanes, ces colorants très variés de couleur rouge à violet en passant par le bleu. Les anthocyanes ont un rôle important chez les plantes. Elles facilitent le repérage des insectes pour la pollinisation, la dispersion des fruits. Elles protègent la plante contre les rayons solaires, le froid, la dessication et certains parasites, insectes, champignons, bactéries, virus. Leur réactivité chimique peut les empêcher de se développer. Leur simple couleur dissuadera leur consommation par mimétisme avec des fruits empoisonnés d’autres espèces.
Les plantes leuciques sont bien plus fragiles et ont du mal à se reproduire/. Elles produisent peu de graines et peinent à trouver des individus ayant le même génome qu’elles. Elles restent toujours en nombre marginal, 1 pour mille pour cet Orchis militaire.
Les plantes albinos, sans chlorophylle, ont trouvé des moyens détournés pour se développer. Les espèces albinos sont adaptées à la survie. Elles ont en général lié une symbiose avec un ou des champignons dont elles sucent, via le réseau mycorhizien associé à leurs racines, l’eau et les sels minéraux mais aussi les matières organiques. Celles-ci proviennent d’une symbiose avec les arbres voisins. Ce type de plante peut porter le nom de parasite car l’association fleur-champignon est nettement déséquilibrée en faveur de la fleur. C’est notre maître à tous, Marc-André Sélosse qui a mis en lumière en 2002 (3) le type de champignon concerné et le rôle de chaque partenaire dans les associations de plantes albinos et leuciques. Il a en particulier étudié les orchidées leuciques.

Protection : éviter à tout prix son ramassage et sa destruction. Plante classée CR, critique en Basse-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, EN en danger en Auvergne, Poitou-Charentes, VU, vulnérable ,en région Centre, et NT, quasi menacée dans le Limousin et la Haute-Normandie,.
Elle est protégée par la loi dans de nombreuses pays et régions françaises comme le Centre, la Basse-Normandie, l’Auvergne et l’Aquitaine. Ses habitats régressent rapidement.
La carte de répartition ne rend pas compte de sa rareté. Les orchidophiles les cherchent très activement et elles sont donc plus souvent signalées que des plantes plus discrètes et plus communes.

Ravageurs : les cervidés, les sangliers et les limaces sont les principaux ravageurs de cette orchidée, mais aussi les promeneurs ignorant la rareté de cette plante.

Utilisation médicinale : Utilité alimentaire:
Aucune des croyances anciennes leur attribuant des vertus aphrodisiaques n'est avérée. Ces croyances ont contribué à une cueillette excessive et provoqué leur raréfaction. La richesse en polysaccharides de ses bulbes a accentue sa raréfaction par le déterrage et la vente dans les pays du Moyen Orient où il a sous la dénomination de « salep »

Photos, texte Roland Gissinger (Anab)

Sources bibliographiques voir index biodiversité
1/ Insect Visitors and Potential Pollinators of Orchis militaris (Orchidaceae) in Southern Belgium Henneresse 2016
2/ Orchid mycorrhizal fungal diversity of Orchis militaris habitats Ouanphanivanh 2007
3/ Marc-André Selosse et al., « Communities and populations of sebacinoid basidiomycetes associated with the achlorophyllous orchid Neottia nidus-avis (L.) L.C.M. Rich. and neighbouring tree ectomycorrhizae », Molecular Ecology,‎ 2002 (tome 11), p. 1831-1844

Hybride Orchis militaris avec l’Orchis pourpre, Orchis purpurea (1et 2) ou l’Orchis homme pendu, Orchis anthropophora et Orchis singe, Orchis simia.

Hybride Orchis militaris avec l’Orchis pourpre, Orchis purpurea (1et 2) ou l’Orchis homme pendu, Orchis anthropophora et Orchis singe, Orchis simia.