Minerais : un terrain miné .

Publié le 4 Juillet 2017

article paru dans les   DNA/R.B. (03/07/2017)


L’État est pour l’ouverture de nouvelles mines, mais les riverains sont contre. En Bretagne, un projet de recherche vient d’être suspendu. Signe que le dossier est sensible, c’est l’Élysée qui le gère.

En février dernier, plus de 1 000 personnes avaient défilé dans les rues d’Espelette au Pays basque contre le projet de mine d’or. Photo AFP

En février dernier, plus de 1 000 personnes avaient défilé dans les rues d’Espelette au Pays basque contre le projet de mine d’or. Photo AFP

Il est des terres paisibles qu’il ne faut pas troubler. Prenez le vieux massif armoricain, par exemple. Il y a trois ans de cela, le fougueux ministre de l’Économie de l’époque – un certain… Emmanuel Macron – a très discrètement accordé trois permis d’exploration minière à la société Variscan, à Merléac, Loc-Envel et Siflac.

Dans les profondeurs, sondes et ondes ont repéré des métaux à foison : zinc, plomb, cuivre et or. Sauf que lorsque les habitants ont découvert ce qui se tramait, la fronde s’est organisée. Manifestations, création de collectifs, happenings…

Réunion à l’Élysée

Même les élus locaux s’y sont mis. Jusqu’à la région Bretagne, qui a rallié le mécontentement. Mi-juin, Variscan a finalement annoncé « suspendre » ses activités de recherche minière. Dans la foulée, une délégation d’élus locaux et de représentants d’associations a été reçue à l’Élysée, en présence d’un conseiller du président.

Si le sujet est traité en si haut lieu, c’est qu’il n’est pas question pour l’exécutif d’ouvrir un nouveau front antigouvernemental – après Notre-Dame-des-Landes, Sivens, Bure. D’autant que des permis d’exploration minière, il n’y en a pas qu’en Bretagne.

Abrogations et négociations ?

Parmi les invités à l’Élysée, Lucie Guillo, coprésidente de l’association Vigil’oust, qui mène la fronde contre le permis de Merléac. La jeune femme est déterminée : « Notre message restera le même : on ne veut pas d’extraction. Notre économie est agricole, touristique. Avec les mines, ce n’est pas compatible. » Vice-président de la région Bretagne, Thierry Burlot a tout un agenda en tête : « On a demandé une réunion interministérielle, le plus tôt possible, cet été ou en septembre. »

Selon lui, pour résoudre le litige, il faudra payer. Ce qui l’agace : « Nous, ce qu’on veut, c’est clair, c’est l’abrogation. Variscan va sans doute demander des dommages et intérêts. On a d’ailleurs dit à l’État qu’il ne pouvait plus accorder des permis d’exploration en catimini, sans associer les pouvoirs locaux. Ça ne débouche jamais sur rien, il n’y a jamais d’exploitation, il serait temps d’en tirer les leçons. »

Après la Bretagne, l’Ariège, la Creuse, etc.

Depuis 2013, convaincu par la hausse du coût des matières premières asiatiques, la crise persistante en Europe et l’amélioration des techniques de forage, l’État a fait le pari de la relance des mines. Mais aucun site n’a pour l’instant ouvert.

Il se murmure pourtant que les massifs hercyniens – Massif central , Vosges, Ardennes – regorgent de minerais. Onze permis d’exploration ont été octroyés en France métropolitaine, dont sept à la seule Variscan. Six autres demandes ont été déposées. En Bretagne, mais aussi au Pays basque, en Ariège, dans le Puy-de-Dôme, dans la Creuse… En Saône-et-Loire, le site de Cressy a été étudié, mais Variscan s’est finalement désisté.

De toute manière, l’avenir de Variscan en France dépend maintenant des arbitrages de l’Élysée. Dans le dossier breton, Variscan joue la prudence : « On sait que les permis ont été signés par Macron, mais le contexte a évolué, on ne peut pas préjuger. D’ailleurs, nous n’avons pas été conviés à l’Élysée. Nous sommes nous aussi

Tout n’est pas à proscrire

Arnaud Gossement Avocat, spécialiste du droit de l’environnement



On parle de mines en Bretagne, de permis d’exploration dans le Massif central. Est-ce un vrai mouvement de retour aux mines ?

Sincèrement, il ne faut pas exagérer ce mouvement. Il y a eu les recherches sur le gaz et les boues de schiste, mais on voit qu’il est probable que ces projets ne débouchent sur rien. Il y a aussi les projets aurifères en Guyane. En métropole, il y a surtout des recherches sur les métaux rares ou encore des projets de géothermie.

Ministre, Emmanuel Macron s’est montré très favorable à l’exploitation des mines…

C’est vrai qu’il a pris des dispositions favorables lorsqu’il était ministre. Mais il a évolué. Dans son programme électoral, il n’était pas question de favoriser le secteur minier. Le seul moment où il en parlait, c’était pour assurer qu’il interdirait définitivement l’exploration des gaz de schiste. De plus, il est peu probable que Nicolas Hulot accepte de rester dans un gouvernement qui relance l’exploitation minière. Même si, il faut le dire, tout ce qui relève de la mine n’est pas à proscrire…

C’est-à-dire ?

Je pense aux projets en géothermie, par exemple. Ils sont de plus en plus nombreux. Chercher des sources de chaleur en profondeur, c’est de la mine, mais si la France veut remplir ses objectifs de transition énergétique, il faudra faire de la géothermie.

Où en est-on de la réforme du code minier ?

Les gouvernements successifs ont choisi de retoucher le code minier par petites touches. Il faut dire qu’il remonte à 1953. Mieux, l’essentiel de la législation a été mis en place en 1810. À l’époque, il n’y avait pas les mêmes préoccupations écologiques et de participation citoyenne. D’un autre côté, le code minier doit être plus cohérent. Aujourd’hui, certains industriels respectent toutes les autorisations, mais on leur refuse les permis d’exploitation. C’est comme si vous aviez un permis de construire, mais qu’on vous empêchait de construire votre maison.

DNA/Recueilli par Ryad Benaidji (03/07/2017)

Rédigé par ANAB

Publié dans #Pollution-pesticides

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