Trois questions sur le renouvellement de l'autorisation du glyphosate en Europe

Publié le 28 Novembre 2017

Les Etats membres de l'Union européenne (UE) ont accepté, lundi 27 novembre, d'autoriser pour cinq ans supplémentaires le glyphosate lors d'un comité d'appel

Les Etats membres de l'Union européenne (UE) ont accepté, lundi 27 novembre, d'autoriser pour cinq ans supplémentaires le glyphosate lors d'un comité d'appel

paru sur France Télévisions le 27 novembre 2017

Après deux ans de négociations, les Etats membres de l’UE ont voté lundi en faveur d’une nouvelle autorisation pour cinq ans du glyphosate, l’herbicide le plus utilisé au monde.

Les Etats membres de l'Union européenne (UE) ont accepté lundi 27 novembre d'autoriser pour cinq ans supplémentaires le glyphosate lors d'un comité d'appel, après plus de deux ans de débats intenses. Cette décision provoque la colère des opposants à cet herbicide controversé, certains dénonçant "une victoire du business sur la science", à l'instar du député européen José Bové ou "une erreur historique", pour la Fondation pour la nature et l'homme (ancienne Fondation Nicolas Hulot).

Cette décision arrive comme une surprise, à trois semaines de la date d'expiration de la licence actuelle. Bruxelles a d'ailleurs reporté sa décision de nombreuses fois avant d'autoriser ce renouvellement. Cette fois-ci, la décision de l'Allemagne de se rallier à la proposition de la Commission européenne a fait pencher la balance. Au total, 18 pays ont soutenu la proposition -contre 14 au tour précédent -, permettant tout juste d'atteindre le seuil de plus de 65% de la population de l'UE nécessaire pour une majorité qualifiée.

Malgré cette décision, Emmanuel Macron a assuré que le produit serait quand même interdit en France "au plus tard dans trois ans". La France peut-elle vraiment faire bande à part ? Pourquoi l'Allemagne a-t-elle changé de position ? Elements de réponse.

Pourquoi l'Allemagne a basculé ?

Jusqu'à présent, l'Allemagne s'est abstenue sur le sujet en raison des divisions au sein du gouvernement entre le parti CDU d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates du SPD. Elle a finalement voté en faveur de la proposition de réautorisation de 5 ans, après avoir demandé des restrictions sur l'usage privé du produit et un meilleur respect de la biodiversité.

La ministre sociale-démocrate de l'Environnement, Barbara Hendricks, opposée à l'herbicide, a immédiatement accusé son collègue de l'Agriculture, le conservateur Christian Schmidt, d'avoir outrepassé ses prérogatives, parlant d'une "rupture de confiance" au sein de la coalition actuelle, rapporte Der Spiegel (en allemand). La ministre de l'Environnement est d'autant plus en colère qu'elle a affirmé avoir expliqué à son collègue de l'Agriculture dans la matinée son opposition à une prolongation à 5 ans, au nom de la protection de l'environnement et la santé. Selon Barbara Hendricks, les deux ministres ont convenu que l'Allemagne s'abstiendrait à nouveau, mais son collègue de l'Agriculture n'aurait pas tenu parole.

Christian Schmidt a de son côté justifié son vote en expliquant que la Commission européenne aurait dans le cas contraire eu le dernier mot et aurait "de toute manière voté en faveur de la prolongation du glyphosate". L'Allemagne a réussi à "imposer des conditions importantes" pour restreindre l'usage de l'herbicide, a-t-il expliqué au quotidien Rheinische Post (en allemand).

Pourquoi le Portugal s'est abstenu ?

Le Portugal, dont le pays représente 2,02 % de la population européenne, s'est abstenu lors de ce vote. En juin 2016, lors d'un précédent vote sur une réautorisation provisoire du glyphosate, le Portugal s'était déjà abstenu, rappelle Le Monde."Étant donné que les études existantes ne sont pas concluantes, le gouvernement portugais maintient une position de réserve, le Portugal a déjà interdit l'utilisation du glyphosate dans les espaces publics, notamment ceux en lien avec l'alimentation", a expliqué le ministère de l'Agriculture à RTP (en portugais).

Une position qui ne convainc guère les opposants comme les partisans de l'herbicide au Portugal. Dans un communiqué, le Parti Vert (PEV) a déclaré qu'il ne soutenait pas pas le choix d'abstention du gouvernement, rapporte Publico (en portugais)"Pour la PEV, le gouvernement portugais aurait dû s'opposer à ce renouvellement, ce serait la position qui défend le mieux la population, l'environnement et la santé publique. Avec cette autorisation d'utiliser le glyphosate pour cinq autres années, l'UE s'abstiendra de trouver des alternatives à l'utilisation de cet herbicide nuisible."

En revanche, l'Association Nationale de l'Industrie pour la Protection des Plantes (Anipla) au Portugal, qui défend l'usage du glyphosate a déploré la position du Portugal : "La position neutre du Portugal est préoccupante et injuste pour l'ensemble du secteur agricole portugais, elle montre que notre gouvernement n'assume pas la position qui défend le mieux les intérêts de consommateurs et de l'économie".

La France peut-elle quand même l'interdire ?

Emmanuel Macron a affirmé que le glyphosate serait interdit en France "au plus tard dans trois ans", malgré un vote européen autorisant cet herbicide controversé pour cinq ans de plus.

Si les Etats membres ont voté l'autorisation d'utiliser l'herbicide pour cinq ans supplémentaires, chaque pays membre est ensuite libre de traduire cette autorisation dans sa législation. "Il est toujours possible pour un pays (d'interdire) une matière active autorisée en Europe, il faut simplement le justifier auprès de l'UE", explique François Veillerette, porte-parole de Générations futures. "La France doit être à la hauteur de sa promesse"."Je suis convaincu que les alternatives (au glyphosate) existent, et trois ans me paraît un calendrier raisonnable pour concilier les points de vue", a expliqué sur RTL le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.

Cette interdiction pourrait toutefois avoir des conséquences économiques négatives pour les agriculteurs français à court terme. Ils pourraient se retrouver face à des concurrents européens plus compétitifs. "En plus, ça ne protégerait même pas les consommateurs, car le glyphosate se retrouverait dans les produits venus des pays voisins comme l'Allemagne ou l'Europe. La décision doit donc nécessairement être européenne", évoque Davoid Boéri, journaliste à France 3.

En France, le glyphosate, qui entre dans la composition de 178 produits autorisés, est avec le soufre la substance phytopharmaceutique la plus utilisée, avec quelque 7 000 à 9 000 tonnes vendues annuellement, soit plus de 30% des herbicides. Son utilisation est interdite dans les collectivités locales depuis le 1er janvier 2017 et le sera totalement pour les particuliers au 1er janvier 2019, rappelle Les Echos et Le Monde. 

Rédigé par ANAB

Publié dans #Pollution-pesticides

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